Fyctia
6. Chat échaudé (p3)
À la seconde où ses paroles atteignent mon cerveau, je sentis avec horreur mon visage commencer à chauffer. La cérémonie ! Cette stupide cérémonie ! Si mon père n’avait pas à ce point tenu à y assister, j’aurais probablement séché. Ça avait duré des plombes ; j’en étais repartie avec une encyclopédie de l’histoire de France en deux volumes et la vague envie de me défenestrer.
Personne n’était à cette cérémonie, à part les autres majors de promo de la fac, nos familles et quelques professeurs qui nous avaient remis nos ‘récompenses’. Personne, et certainement pas un des membres de l’équipe de natation. Pourquoi diable était-il là ? Est-ce qu’il s’était perdu dans la fac, avait vu de la lumière au bout du couloir et était entré par erreur dans l’amphi ?
— Oh, je ne savais pas, ça ! intervint Nora, toute excitée. Tu étais major de promo, Ariane ? Mais c’est trop chouette, pourquoi est-ce que tu ne me l’as pas dit ? Je serais venue t’applaudir ?
Peut-être pour ça, songeai-je, avant de faire de mon mieux pour ignorer sa présence.
— Ah, oui, je suppose que c’est moi, Ariane, bafouillai-je lamentablement. Et, euh, désolée, mais je ne t’ai pas vu à la cérémonie. Ou alors je ne m’en souviens pas.
D’ailleurs, toute cette journée était assez floue pour moi. Est-ce que l’ennui à haute dose pouvait mener à une amnésie traumatique ? Je me demandai si des scientifiques s’étaient penchés sur la question.
— Mon égo devrait s’en remettre, répondit-il en souriant avant de me tendre la main. Je m’appelle Simon. Ravi de te rencontrer dans des circonstances un peu moins… sanglantes ?
Je réprimai un éclat de rire et acceptai sa poignée de main.
— Simon, c’est noté. Et merci pour le bracelet. J’aurais dû commencer par ça, c’est sympa de me l’avoir rapporté. Tu vas trouver ça stupide mais j’ai un peu paniqué en voyant que je l’avais perdu.
— Alors vraiment désolé de ne pas te l’avoir rapporté plus tôt, répondit-il sans l’ombre d’une moquerie dans le regard.
Comme si ça lui paraissait tout à fait normal que je fus émotionnellement attachée à ce stupide bracelet à breloques. Ça n’allait pas du tout. Je n’étais pas psychologiquement équipée pour avoir une conversation avec quelqu’un d’aussi attirant s’il se montrait en plus gentil et compréhensif.
La chaleur sur mes joues s’intensifia, et je devais être si rouge que si, par miracle, Simon ne le remarquait pas, il n’y avait aucune chance que cela échappât à Nora. J’en ai la preuve quand cette dernière profita de mon embarras pour intervenir. Elle battit innocemment des cils dans sa direction. On aurait dit un bébé faon.
— Est-ce que tu aimes les cookies, Simon ?
Il tourna la tête vers elle et j’eus l’étrange impression qu’il avait presque oublié sa présence. Ou alors il était perturbé par le changement brutal du sujet de la conversation. Ce qui serait compréhensible.
— … Oui ? finit-il par répondre. Qui n’aime pas les cookies ?
— Ariane a fait des cookies ! s’exclama-t-elle en me tapotant frénétiquement l’épaule.
Elle était bien plus excitée par cette perspective qu’elle ne l’avait été quelques minutes auparavant.
— Ils sont faits maison ! poursuivit-elle. Et je suis sûre qu’elle pourrait t’en donner un, pour te remercier d’avoir pris la peine de venir jusqu’ici lui rendre son bracelet, alors que tu n’étais pas du tout obligée. Pas vrai, Ariane ?
Simon haussa un sourcil. Nora me décocha un coup d'œil insistant, qui se voulait sans doute complice. Mon cerveau complètement grillé nécessita un temps de réaction tellement long que ça en était embarrassant. Je finis tout de même par me secouer et par extirper le tupperware de mon sac.
— Tiens, si tu veux, tu peux en prendre un.
Puis je corrigeai très vite, comme si c’était important :
— Et ils viennent d’une boîte, en fait. Mais je pense qu’ils sont meilleurs que si je les avais faits moi-même. Tout le monde y gagne au change, je te le promets.
Simon ne parut pas plus affecté que ça par la révélation (à l’inverse de Nora qui me fusilla du regard, scandalisée par le non-mensonge que je lui avais servi plutôt, mais les affaires étaient les affaires, je n’allais pas m’excuser pour ça). Il en prit un et l’engloutit en deux bouchées, comme de rien. Cet homme n’avait de toute évidence pas de quota de glucides par semaine.
— Sympa, merci. Ça m’encourage à aider mon prochain plus souvent si je suis payé en cookies après coup, fit-il.
Son regard croisa le mien, et il esquissa l’ombre d’un sourire.
— Il sont pas mal en vrai.
— Ouais, j’aime bien cette marque, les boîtes sont toujours en solde. Trois achetées une offerte, pour celles qui expirent avant la fin du mois, lui expliquai-je.
Simon hocha très sérieusement la tête, comme si cette information lui semblait capitale. Nora avait l’air dévastée par notre échange. Désolée, mais je n’avais aucune idée de ce qu’elle voulait que je dise ou fasse. Je n’étais pas elle, avec ses centaines d’amis et sa capacité innée à discuter avec de parfaits inconnus. Je ne parlais pas aux gens en général, et encore moins aux nageurs de l’équipe. Et encore, encore moins à des nageurs aussi canons que lui. Objectivement. Même dans le stupide sweat de l’université (nous étions les calamars de Fairmont, perspective terrifiante s’il en était), il était à tomber.
Nora décida de nous interrompre, peut-être pour limiter la casse, peut-être parce que l’inconfort que nous lui causions, à être plantés là l’un devant l’autre, était trop insupportable pour qu’elle ne l’endurât plus longtemps.
— Dis, Simon, tu seras à la compétition demain après-midi ?
— Si je ne suis pas là, c’est que je suis mort, répondit-il. Techniquement, ce n’est qu’une rencontre amicale, mais c’est un entraînement nécessaire pour les nationales qui ont lieu dans deux semaines. Toute l’équipe doit être là. Certains des gars jouent leur entrée dans l’équipe Olympique en ce moment.
— Je vois, je vois, répondit Nora avec empressement. Est-ce que tu penses que si Ariane venait à ce match, votre équipe aurait de meilleures chances de victoire ?
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Orléane
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Il y a 10 mois
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Il y a 10 mois
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Gabrielle H. Davis
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