Serahne Les Meilleures Intentions du Monde 6. Chat échaudé... (p1)

6. Chat échaudé... (p1)

... craint l'eau chlorée


Université de Fairmont, couloir devant l’Amphi B

6 avril 2023 - 12h


Je retrouvai Nora le vendredi matin pour notre second et dernier cours d’analyse de documents historiques de la semaine. J’étais en pleine séance de fluotage des dates clés de la Guerre de Cent Ans, pendant que ma voisine s’occupait de sa manucure, une demi-douzaine de petites fioles étiquetées ‘gel émollient’, ‘liquide de monomère’ (absolument inconnu au bataillon, pour ce que j’en savais c’était du combustible nucléaire) ou encore ‘base coat’ étalées devant elle en un parfait arc de cercle.


J’aurais dû être agacée de devoir me charger de tout le travail pour notre groupe, mais mon besoin de contrôle absolu se satisfaisait pleinement de cette situation. Je voulais une excellente note bien plus que je ne voulais conserver l’illusion d’un travail d’équipe. Nora s’en fichait, tant que je la laissais se charger du powerpoint - je ne mettais, selon elle, pas assez de couleurs sur nos slides, tout occupée que j’étais à les remplir d’informations correctes et pertinentes. Chacun ses forces et ses faiblesses.


L’ambiance était plutôt calme dans l’amphi. Il pleuvinait dehors, alors que tout le monde pensait que les beaux jours étaient revenus pour de bon, ce qui avait fichu un coup au moral de la faune étudiante locale. Nous étions de petits êtres fragiles qui supportions mal d’être privés de soleil au mois d’avril, et ce en dépit du célèbre dicton : ‘En avril, prévois un parapluie ou reviens chez toi aussi mouillé que le Nil.


C’était bientôt le week-end. Tout le monde somnolait sur son siège. Nora se faisait les ongles. Je galérais à déterminer si la confiscation de l’Aquitaine avait eu lieu en juin ou en novembre 1369 - et le type qui avait écrit le texte que j’étais en train d’étudier n’avait pas l’air de le savoir lui-même. Hormis les deux tupperwares plein de cookies dont je devais me débarrasser d’une manière ou d’une autre, mon père m’ayant bien fait comprendre que nous ne mangerions pas de cookies à tous les repas pendant le week-end, je me sentais bien.


Ce qui expliqua que je fus complètement prise au dépourvu quand ma voisine décida de briser la quiétude du moment avec une question inattendue :


— Ça va peut-être te sembler bizarre Ariane mais… Est-ce que par hasard tu aurais dit à Hunter que j’étais vierge ?


Sous le choc, je surlignai accidentellement la mauvaise date. En rose, en plus. Flûte de zut. Je levai la tête vers Nora, laquelle m’observait sans animosité, juste une sorte de curiosité embarrassée.


— Pardon ? Non, bien sûr que non ?


— Oh, d‘accord, tant mieux. C’est juste que…


Elle hésita avant de poursuivre :


— Il a dit un truc que je n’ai pas bien compris hier soir.


— La soirée s’est mal passée ? m’inquiétai-je immédiatement.


— Non ! Pas du tout. Enfin, je suppose qu’il y a eu un peu moins d’action que ce à quoi je m’attendais, ajouta-t-elle en riant. Il devait être trop fatigué par l’entraînement pour passer aux choses sérieuses, ce n’est pas bien grave. Et puis, c’est assez flatteur qu’il veuille prendre le temps de me découvrir et de voir si on s’entend bien, tu sais ?


Absolument rien n’allait dans ce qu’elle était en train de me raconter, mais soit.


— Finalement, on s’est fait livrer indien, et on a regardé Breaking Bad !


— Toujours un choix sûr, approuvai-je en hochant la tête.


— Mais au moment de partir, il m’a dit un truc du genre : ‘tu diras à ta copine que j’ai tenu ma promesse et que je te rends à elle avec ton honneur intact’, ce qui n’a pas de sens, puisque j’ai perdu ma virginité à quatorze ans, et on aurait dit une blague mais… je me demande, comme tu n’avais pas l’air d’être la plus grande fan de Hunter quand je t’ai parlé de notre rendez-vous.


Je dus faire une tête bizarre, car Nora grimaça. Il fallait que je rétablisse la vérité avant qu’elle ne se fit des films.


— Promis, ce n’est vraiment pas ce que tu crois. Oui, j’ai croisé Hunter par hasard dans les couloirs hier, et je lui ai dit en plaisant qu’il avait intérêt à te traiter comme tu le mérites. Juste en plaisantant, je te le jure. Je suis vraiment désolée, je sais que je n’aurais pas dû jouer à l’amie protectrice, mais tu peux me croire quand je te dis que j’avais de bonnes intentions.


C’était un pari risqué, car je ne savais même pas si Nora me considérait comme son amie. Peut-être me trouvait-elle juste bien pratique en tant que voisine, vu que j’étais toujours partant pour faire nos projets de groupe seule - avec la garantie pour elle de récolter la note maximum contre le minimum d’efforts - et que je lui filais mes fiches de révisions avant les partiels.


Coup de chance, mon petit laïus l’attendrit. Elle avait toujours l’air un peu contrariée, mais son regard s’était radouci, et elle parvint même à me sourire.


— C’est adorable de ta part… mais vraiment, je suis capable de me débrouiller seule. Hunter ne m’a rien promis de sérieux, et ça me convient pour le moment.


Vraiment ?


Je ne parvins pas à cacher le scepticisme dans ma voix. Nora m’avait toujours paru si… entière. Dans ses affections, en tout cas. Ce n’était pas le genre de fille qui se contentait d’une amitié améliorée, à mes yeux. Pourtant, contre toutes mes attentes, elle hocha la tête vigoureusement.


— Je t’assure ! Il me l’a dit clairement et je n’ai pas de soucis avec ça. En ce moment, il est juste complètement obsédé par son sport, il n’a pas le temps de penser à autre chose et certainement pas à l’amour. D’après ce que j’ai compris, l’équipe a une compétition super importante dans deux semaines, et il compte passer meneur d’équipe.


— Il n’est pas déjà meneur d’équipe ?


Cela m’étonnait. Je le méprisais en tant qu’être humain, mais il n’y avait aucun doute qu’il était le meilleur nageur de l’équipe. Je pensais que le titre lui était acquis.


— Nope ! répondit Nora en faisant exagérément popper le p. Il m’a un peu expliqué la situation, mais j’avoue que j’ai décroché au milieu. Un sombre bail, on dirait, parce que le mot qu’il a utilisé pour parler du meneur actuel est assez… imagé.


Je me demandai brièvement si le mot en question était pute-avec-deux-t, mais probablement pas. C’était une information intéressante, bien que je ne savais pas quoi en faire. Il y avait donc quelqu’un de plus démoniaque et machiavélique que Hunter au sein de l’équipe de natation ? À croire qu’il s’agissait d’un critère de recrutement. Pas que cela n’améliorat l’image que j’avais de Hunter : j’étais tout à fait capable de concevoir deux forces maléfiques, opposées mais égales dans leur pouvoir de nuisance. Hitler et Staline. Jeff Bezos et Elon Musk. Pepsi et Coca Cola.


Je choisis prudemment de ne rien dire.


— L’équipe a une rencontre amicale ce samedi après-midi, poursuivit Nora. La dernière avant la grosse compétition dont je te parlais. Hunter m’a proposé de venir, et de ramener une copine si je voulais, est-ce que ça te dit de m’accompagner ?

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7 commentaires

Isabelle Montarras

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Il y a 10 mois

Bonjour Je découvre ton histoire elle me plaît beaucoup !!!! Le dicton sur le mois d'avril est topissime !!!!

Gabrielle H. Davis

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Il y a un an

Un drame que la suite soit bloquée

Quentinn

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Il y a un an

A jour dans ton histoire ✨ n'hésite pas à venir me faire un petit coucou 🖤

blondie.64

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Il y a un an

Diane Of Seas

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Il y a un an

Oh la la. Il a fait exprès pour qu’elle invite une copine. Et elle va accepter. 🫣

KBrusop

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Il y a un an

💕🙏
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