Mouna Les méduses ne vivent pas éternellement Chapitre 9 : Dorian Crowe 1/2

Chapitre 9 : Dorian Crowe 1/2

Chapitre 9 : Dorian Crowe


Les méduses sont des créatures d’éther et d’onde, flottant entre deux mondes, légères comme des songes. Elles n’ont ni cœur pour aimer, ni os pour se briser, ni même un esprit pour s’égarer—seulement un réseau délicat de nerfs qui les guide au gré des courants. Composées à 98 % d’eau, elles sont presque l’océan lui-même, dansant au rythme de ses marées, éphémères et insaisissables comme un murmure sous la lune.


Je veux être une méduse et ne rien ressentir. Surtout ma mort. Chaque jour devient plus douloureux à subir. Sans cerveau pour conceptualiser la peur ni cœur pour s’affoler, elles ne ressentent probablement pas la mort comme nous. Leur existence est une danse silencieuse, où la mort n’est qu’un autre courant les emportant ailleurs. C’est sûrement ce que je veux, une sorte de cape d’invisibilité. J’ai appris très tôt la valeur que j’ai et même si c’est une vision que l’on m’a imposé, ça ne me dérange plus. Je lui en ai voulu, longtemps. Je l’ai maudit de m’avoir jeté comme un objet mais la suite des événements m’a prouvé que je suis un déchet de l’humanité et que si j’étais à sa place je me serai fait subir la même chose.

L’aube pointe timidement le bout de son nez à travers la baie vitrée du vieux chalet. L’odeur du bois ainsi que cette architecture chaleureuse donnent un certain charme désuet au lieu. On approche de plus en plus de la destination finale. J’esquisse un rictus parce que c’est vraiment le cas, dans tous les sens du terme.

Je chope mes médocs que j’avale rapidement avant de réveiller Oriana qui dormait encore malgré les faisceaux de lumière. Faut dire qu’on est arrivé très tard hier soir.

Je me souviens quand je la regardais dormir et que mon coeur s’affolait pour elle. Quand je caressais ses cheveux frisés du bout des doigts pour ne pas la réveiller. Le sourire qu’elle m’adressait en ouvrant les yeux.

Mais ça c’était avant. Avant qu’elle ne me haïsse. Mon pouce est à deux centimètres de son visage mais je m’interdis de la toucher. Je ne suis plus là pour détruire mais pour réparer.

Je file sous la douche, lui accordant encore quelques minutes de sommeil.

Je reste planté devant le miroir, contemplant le reflet de mon visage pâlit par l’évolution de cette foutue maladie. Le manque de sommeil n’aide pas non plus, parce qu’en plus maintenant j’ai des cernes. Appuyé sur le lavabo, je détail chaque changement. Puis sans prévenir, du sang se met à couler abondamment de mon nez.

Je suis vraiment foutu…

La tête penchée sur le lavabo, j’essaie de stopper l’épistaxis en faisant couler de l’eau froide.

La porte de la salle de bain s’ouvre, présentant Oriana à peine réveillée.

— Merde ! C’est une boucherie, constate-t-elle.

Et dire que je viens de me doucher.

— Faut pincer l’arête en restant penchée vers l’avant, me conseille-t-elle avant de quitter la salle d’eau.

Je fais ce qu’elle dit et au bout d’une dizaine de minutes, le saignement s’arrête.

— Assieds toi ! Ordonne-t-elle en revenant avec du coton.

Je m’assieds sur le rebord de la baignoire, une serviette entourant ma taille pour seul vêtement. Ce qui fait que je sens sa cuisse tout près de mon sixième membre.

— C’est bon je peux le faire tout…

— Garde ta tête penchée en arrière.

J’obéis. Son côté autoritaire nourrit des pensées obscènes que je tente tant bien que mal de balayer de mon esprit. Son t-shirt s’arrête à mi cuisses, ce qui fait que quand elle lève les bras, on peut apercevoir son sous-vêtement.

Ses yeux sont concentrés sur mon nez. Tandis que les miens ne quittent pas les siens.

Elle essuie le sang coagulé d’une serviette mouillée. Sa délicatesse me rappelle des souvenirs trop douloureux. Puis elle introduit un coton dans ma narine et enfin ses iris rencontrent les miennes. Comme de vieilles amies qui se retrouvent après une longue séparation. Seulement, victimes du temps écoulé, elles ne se reconnaissent plus. Moi j’essaie de plonger dans son regard mais il n’est plus comme autrefois, il est marqué par des batailles. C’est elle qui rompt le contact.

Je me racle la gorge et reprend mon énergie habituelle en ouvrant le bal.

— Ton coton a une odeur bizarre. Tu veux m’empoisonner ?

Elle roule les yeux, visiblement agacée.

— L’huile d'olive, tu connais ?

— Pfff n’importe quoi. Tu sais que ça ne soigne pas tout j’espère.

— Si tu n’es pas content tu n’as qu’à l’enlever.

Oriana agit comme si je n’existais pas, elle se faufile sous la douche pendant que je m’habille puis quand elle est enfin prête, elle demande le programme d’aujourd’hui.

— Continuez les recherches.

Elle me balance une casquette au visage puis elle sort du chalet.

— Evite le soleil si tu ne veux pas te vider de ton sang, lâche-t-elle froidement.

Je n’ai pas la force pour me battre, j’ai l’impression d’être passé sous un camion, comme si j’avais la plus grosse gueule de bois de ma vie. Mais je la rattrape, c’est pour elle que je suis là après tout.

— Qu’est que j’ai encore dit ? Dis-je lassé.

Elle s’arrête dans sa marche rapide au milieu de champs.

— Tu te fous de moi ? Hausse-t-elle le ton. Tu es un putain de menteur pathologique. Putain mais qu’est ce qui est vrai chez toi ?

J’ouvre la bouche et… Rien.

— Parles putain.

Sa voix résonne dans ma tête, elle frappe inlassablement contre les parois de mon crâne.

— Tu n’es qu’un lâche.

Et je me sens lâche. Je me cache toujours derrière quelque chose, la dépression et maintenant cette foutue sentence de peine de mort.

— On a un contrat.

Je lui rappelle en la voyant partir.


***


— Qu’est ce qu’on fout ici ?

— Il s’appelle Maximiliano Delmar. Il est médecin.

Elle croise les bras. Assise dans cette salle d’attente. J’aperçois sa peur, sa vulnérabilité,ce qu’elle tente de cacher depuis nos retrouvailles mouvementées. Je prends conscience de l’étendu de sa souffrance et me dire que j’ai eu un rôle là dedans, me brise encore un peu. J’ai envie de l’enlacer. Je veux retrouver l’époque où nous n’étions que deux jeunes âmes égarées qui se sont retrouvées.

— Señora Crowe ? (Madame Crowe).

Je me lève quand le médecin annonce notre tour. Mais pas elle. Elle est ailleurs, ses yeux fixant un point invisible et lointain.

— Oriana ?

Nous suivons le médecin et il lui demande de s’allonger sur la table.

Je peux voir des larmes perler sur son visage alors que son bas ventre est exposé.

J’essaie de ne pas vomir en récupérant le papier mouchoir que le docteur vient d’utiliser. Puis je le dissimule dans ma poche.

Je fais signe à Oriana que l’on doit partir mais elle ne me voit pas.

— C’est vraiment étrange, je ne vois rien sur l’échographie. Attendez ici je vais aller voir avec mon collègue.

— C’est bon docteur, ce n’est pas grave. Je dois partir. Je reviendrai un autre jour merci.

Il n’a pas le temps de répondre qu’elle était déjà sortie de la salle de consultation.



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2 commentaires

lorrely

-

Il y a 2 mois

À jour 🌷 n'hésite pas à passer 😊🙏

Salma Rose

-

Il y a 2 mois

Petit like de soutien. N'hésite pas à passer auss sur mon histoire. Merci ! 🌹🌹
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