Fyctia
Chapitre 2
Tashesh était à dos de cheval, menottée, derrière un garde. La cour itinérante du duc se balada à travers la forêt jusqu'à une clairière où les domestiques dressèrent des tentes opulentes.
Le garde tira Tashesh comme un sac de patates. Elle ne voyait même pas les yeux de son bourreau derrière toute cette ferraille. Elle aurait pu le charmer.
— Où m'emmenez vous, vaillant chevalier ?
En guise de réponse, il la jeta dans une tente et ne se retourna même pas.
— Quel abruti !
Contrairement à ce qu'elle s'était attendue, la tente était jolie et confortable, avec un lit moelleux et des draperies soyeuses. La tente était décorée de tapisseries, pourpres, évidemment, et de meubles en bois de chêne, un contraste frappant avec la rudesse de l’extérieur où le vent s'était fait capricieux.
Le soleil se couchait à peine. Elle n’était pas dupe. Une femme comme elle servirait de prostitués, ou pire, il la dissequerait ! C'est comme ça que fonctionnent leurs artefacts.
— Deo seo. Zeius aveuglé par la jalousie tua les pieux. Une goutte de sang sur sa main, et il devint divin mais maudit. Il est mort dévoré par Promethée. Que sa jalousie nous rappelle que la piété doit toujours guider nos pas. Seo dun.
Je sais que cette prière est différente chez les glaces, ces barbares ! Pensa t-elle, puis elle sortit sa tête de la tente.
— Garde, donnez-moi de l'eau d’iverne.
C'était un ordre franc et raisonné le garde ne peut pas dire non au risque d'être hérétique. C'est la piété qui donnait à Tashesh ses pouvoirs, elle ne pouvait pas s'en décharger.
Le duc entra dans la tente, accompagné de quelques domestiques. L'une d'elle tenait en sa main, l'eau iverne, de couleur bleue.
— Je ne veux pas être observée.
Tashesh s'assit sur une chaise en bois sculpté, ses yeux scrutant le duc avec inquiétude.
— C'est messire quand vous vous adressez à moi. Et je ne bougerais pas d’ici. Faites comme si je n’étais pas là.
— Les domestiques restent aussi, messire ?
Elle voulut s’arracher la langue. Cet homme ne méritait pas plus de respect qu’une vieille chaussette !
— Oui.
Tashesh prit une longue inspiration, puis versa sur l’intégralité de son corps, l’eau benite bleu. Ses cheveux devinrent turquoise ainsi que ses yeux.
— Fiires prior, fiires galam, soltisham ta naï, soltisham ta nak.
Le duc commença à se déshabiller, mais malgré son désarroi, Tashesh continua de sa prière.
— Deo seo. Nida vola la souffrance des fiirs pour la porter sur ses épaules. Elle permit aux fiirs de survivre. Son peuple devint le plus pieux des peuples. Deo sun.
La prière terminée, ses cheveux reprirent leur orange naturelle, et ses yeux luisaient d'une colère de jais.
— Pourquoi es-tu ici ? demanda le duc, calmement. T’es la fille d’un seigneur ? Pourquoi as tu quitté Orcett ? Personne ne veut jamais quitter ce yilt !
Tashesh le scruta sans rien dire. Elle ne nota même pas le mot yilt, dérivé de Yitila, qui est une guerrière orcettaine béni par les fiirs mais qui est, à Mestia, une insulte. Elle préféra le laisser mariner dans sa propre honte et jalousie, jusqu'à ce qu’elle récupère sa dague.
Le duc soupira, passant une main dans ses cheveux argentés.
— Très impressionnant ta prière. Malheureusement, l’iverne ne me fait pas la même chose. Mais ta maîtrise de la marée pourrait être d'une grande aide pour moi.
Cela faisait près d'un an que Tashesh était à Mestia mais elle ne comprenait toujours pas le mot marée pour désigner sa piété.
— Pourquoi devrais vous aider ? répliqua Tashesh avec amertume.
— Parce que, dit le duc, son ton adoucissant, je te propose une chance de changer ta vie. Travaille pour moi. Utilise ta marée pour aider Mestia, et je te garantirai une vie meilleure. Tu n'auras plus besoin de voler pour survivre. Tu auras un enfant de l’homme le plus puissant de Mestia.
Tashesh le fixa. Elle fronça des sourcils pour ne pas avoir l'air vaincu.
— Tu n'as pas à réfléchir, ajouta t-il, à moins que la mort ne te donne une offre plus alléchante ?
La vie qu'il décrivait la dégoûtait ! Elle, mère ? De l'un des nombreux hommes les plus idiots de ce pays ? Mais elle n'avait pas d'autres solutions. La promesse d'un futur différent, d'un avenir où elle n'aurait plus à se cacher dans les ombres pour voler, était séduisante.
— Donc ce n'est pas un choix, dit-elle. Très bien. Mais sachez que je n'oublie jamais rien, messire.
Le duc sourit et se rapprocha d'elle comme on se rapproche d'une proie timide.
— Nous avons un accord alors. Allonge toi. Contrairement aux autres hommes, je sais être doux avec celle que je couche.
Tashesh s'allongea sur le lit. Peut-être qu’avec lui, elle trouverait enfin un chemin vers la rédemption et la dignité.
2 commentaires
Sarah Pegurie
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Il y a 9 mois
Jessica Goudy
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Il y a 9 mois