Les Louves LES LOUVES Ch.2 / Le contrôle : Partie 1

Ch.2 / Le contrôle : Partie 1

Le lendemain matin. Très tôt.



Le réveil sonne. Il fait encore nuit. Pas besoin de regarder l’heure, je sais que je suis déjà en retard. Je m’habille mécaniquement, attrape mon manteau et claque la porte.


L’air froid du matin me réveille un peu plus. La ville dort encore, mais moi, j’ai déjà un train de retard sur la journée.


J’arrive à l’hôpital, pour un contrôle, la routine habituelle. Je traverse le hall, l’odeur aseptisée me prend à la gorge. Une autre journée. Un autre contrôle.


Dans la salle d’attente, je me laisse tomber sur une chaise. Mon téléphone vibre, mais je l’ignore. Je suis ailleurs.


Puis mon nom résonne.


— Madame Jarra.


Je lève les yeux. Une infirmière que je ne connais pas.


Manel.


Elle ne sourit pas, ne s’embarrasse pas de politesse. Elle attend juste que je la suive. Tant mieux. Moi non plus, je n’ai pas le temps pour ça.


Le couloir est long, silencieux. Juste nos pas qui claquent sur le carrelage.


Elle me fait entrer dans la salle d’échographie, ferme la porte derrière nous. L’atmosphère est froide, impersonnelle.


Elle m’indique la table d’un geste rapide.


Manel— Vous devriez être en repos, madame Jarra.


Sa voix est plate, mais je perçois ce qu’il y a derrière. Ce n’est pas qu’un conseil médical.


Je hoche la tête, sans répondre. Elles me disent toutes la même chose. Comme un disque rayé.


Je m’installe. L’échographe froid contre ma peau me fait frissonner. Elle ne parle pas, moi non plus.


Mais elle finit par briser le silence.


Manel— J’ai vu l’interview de votre ami, hier soir.


Son ton est neutre. Ou du moins, il essaie de l’être. Mais je capte l’ironie subtile derrière ses mots.


Je ne la laisse pas finir.


Sofia— Ce n’est pas mon ami.


Elle marque un temps d’arrêt. Le ton vient de changer. L’air s’alourdit imperceptiblement.


Puis elle reprend, l’air faussement détaché :


Manel— Ah oui, c’est vrai. Vous êtes différente.


Elle ajuste l’écran, note quelques chiffres. Son sourire en coin est à peine perceptible, mais il est là.


Une conversation qui pourrait rester anodine… ou basculer en une attaque bien placée.


Je la fixe un instant dans le reflet du miroir en face de moi.


Manel— Nan, c’est juste que dans ce milieu, on ne sait jamais vraiment qui est qui…


Sa phrase flotte dans l’air, comme un piège tendu avec soin.


Je me rhabille lentement, rassemblant mes affaires.


Manel — Bonne nouvelle, vous allez bien. Une chance, sans repos. Mais faites attention.


Elle m’observe du coin de l’œil, attendant une réaction.


Je l’ignore, ajuste mon manteau, et lui lâche un :


Sofia — Merci.


Machinalement.


Mais avant de franchir la porte, je me tourne vers elle.


Sofia— Manel, c’est bien ça ?


Elle hoche la tête.


Je marque un temps. Puis, d’un ton calme, posé, je lâche :


Sofia — Une dernière chose : Anouar n’est l’ami de personne dans cette ville. Pas même de ses propres alliés.


Je la laisse avec ça.


La porte se referme derrière moi. Le couloir est le même, les lumières blafardes toujours aussi agressives. Mais je sens encore cette tension accrochée à mes épaules, comme une ombre qui me suit.


Cette rencontre avec Manel… Ce n’était pas anodin.


Un terrain de jeu où chacune analyse l’autre.

Je quitte enfin l’hôpital. L’air extérieur est une claque après l’atmosphère aseptisée des couloirs. J’inspire profondément, mais l’odeur des gaz d’échappement me coupe vite l’envie de me ressourcer. Je sors mon téléphone et remarque un message en attente. Eve.


"Comment tu vas ? Et pas juste physiquement."


Je plisse les yeux. Pourquoi elle m’envoie ça maintenant ? On se voit dans quelques minutes au bureau. Son timing est bizarre, comme si elle voulait sonder ma réaction avant même qu’on se parle. Il y a un sous-texte que je ne capte pas tout de suite.


Je ne réponds pas.


Je range mon téléphone dans mon sac, attrape un taxi et me cale contre la fenêtre en observant la ville défiler.


Paris, dans son agitation habituelle, avec son rythme effréné. Pourtant, dans mon esprit, tout est fixé sur un point précis. Un homme qui, sur le papier, représente l’ordre et la voix du peuple. Un député, censé défendre les intérêts des citoyens, arbitrer des débats, proposer des lois. Un personnage public qui maîtrise l’art du discours, sait serrer les bonnes mains et apparaître au bon moment dans les médias. Mais sous les caméras, derrière les costumes bien taillés, se cache une autre réalité. Une réalité que peu osent pointer du doigt. Anouar.

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