Fyctia
L'entretien
_ Cassandre Doucet ? répéta la gérante de la bibliothèque d’une voix tremblante.
Le temps semblait s’être figé dans la bibliothèque, les deux femmes se fixaient dans l’immobilité et le silence absolu. Lila plutôt surprise d’être appelée par le prénom de sa mère. Et, la vieille femme, à la fois fascinée devant cette copie conforme de Cassandre qu’elle n’avait plus vu depuis cinq ans, et effrayée, comme si elle se trouvait face à un fantôme.
_Lila, Lila Doucet. Je suis sa fille cadette.
Le visage de la bibliothécaire se détendit et elle s’avança vers la jeune fille pour venir la saluer.
_ Enchantée Lila. Tu ressembles tellement à ta mère ! Je suis Clothilde Perriti, gérante de cette bibliothèque depuis..ouh ! Des années et des années, j’en ai moi-même perdu le compte. Ta mère m’a tellement parlé de toi ! Comment va-t-elle ?
Le regard de Lila s’assombrit comme à chaque fois qu’on lui demandait ce que faisait sa mère ou comment elle allait, lorsque les gens n’étaient pas au courant de son décès, un peu comme la vieille bibliothécaire à cet instant. Quelques secondes passèrent alors et la jeune fille reprit contenance pour répondre à Madame Perriti.
_Je..Ma mère nous a quitté il y a cinq ans…annonça-t-elle en baissant les yeux.
Un silence gêné s’installa entre les deux femmes. Lila fixait obstinément le sol à présent et la bibliothécaire regardait la fille de Cassandre avec compassion mais contre toute attente elle ne parut pas surprise de la nouvelle.
_ Je suis désolée mon enfant vraiment. Je connaissais plutôt bien ta maman, elle ne travaillait pas ici à proprement parler mais elle venait souvent me donner un coup de main, ou quand la bibliothèque était plutôt calme nous discutions autour d’un livre et d’une bonne tasse de thé. C’est la naissance de votre dernière soeur n’est-ce pas ?
Lila redressa la tête pour pouvoir regarder Madame Perriti. Cette dernière avait l’air d’en savoir long sur Cassandre. Cela troublait quelque peu la jeune fille mais après tout si sa mère passait beaucoup de temps dans cet endroit auparavant et que les deux femmes discutaient souvent ce n’était pas si étonnant. Lila hocha la tête sans en dire davantage, bien que cette dame disait connaître sa mère; elle, ne la connaissait pas et elle n’avait nullement l’envie de s’épancher sur le sujet. La gérante de la bibliothèque parut sentir la réticence de Lila, puisqu’elle n’insista pas. Elle changea simplement de sujet en commençant à ramasser les livres qui étaient éparpillés sur le sol.
_ Et donc qu’est-ce qui t’amène dans ma bibliothèque ma petite ?
_ J’ai vu que vous cherchiez quelqu’un pour vous aider à tenir la bibliothèque et que vous faisiez passer des entretiens aujourd’hui. Je suis intéressée, voilà pourquoi je suis venue, expliqua la demoiselle en aidant la vieille femme, qui peinait à se baisser, à attraper les ouvrages.
_ Oui, le poste. Allons ranger tout ça et nous en parlerons après si tu veux.
Lila suivit donc Madame Perriti dans les rayons parfaitement ordonnés, tenant les livres, pendant que cette dernière, bien mieux accoutumée à la classification des oeuvres les rangeait au fur et à mesure. Une atmosphère particulière, plutôt étrange, se dégageait des étagères. Elle intriguait beaucoup la jeune fille mais ne semblait avoir aucun effet sur la vieille dame, qui soit en avait l’habitude et ne réagissait donc pas plus que ça, soit ne la sentait pas du tout. Les deux femmes finirent leur tâche et allèrent s’asseoir dans l’arrière boutique. Celle-ci était plutôt spacieuse, un joli tapis indigo aux motifs arrondis dorés, bleu-vert, violets recouvrait le vieux parquet et les murs étaient tapissés d’un papier peint couleur crème sur lequel étaient dessinés de petits oiseaux argentés qui semblaient vouloir s’en échapper. Au centre de la pièce se tenait une table basse rectangulaire dont le centre était en verre et les bords en bois clair. Elle était entourée par deux fauteuils noirs qui tranchaient avec le reste de la pièce et en brisait un peu l’harmonie colorée. Au fond de la pièce, une ancienne commode trônait contre le mur sur laquelle était posé un panier et une bouilloire. La vieille bibliothécaire invita Lila à s’asseoir et entreprit de préparer du thé.
_ Je n’ai que du thé vert, ça ira ? demanda-t-elle en sortant deux tasses de la commode et en mettant un sachet de thé dans chaque tasse sans attendre la réponse de la demoiselle.
Lila ne pu s’empêcher de penser que cette dame était un bien étrange personnage. Peut-être était-ce la vieillesse qui la rendait ainsi ? Ou peut-être avait-elle été comme ça toute sa vie ? La jeune femme haussa les épaules, elle n’avait pas de réponses à ces questions et n’allait pas se risquer à les poser, elle ne voulait pas froisser la gérante. Cette dernière tendit une tasse à Lila avant de s’asseoir en face d’elle.
_ Alors comme ça tu es intéressée par le poste ?
_ Je…oui. J’aimerais travailler chez vous cet été, si cela est possible évidemment.
_ Est-ce que je peux te poser une question Lila ? demanda la gérante avec un air on ne peut plus sérieux.
_ Oui bien sûr, allez y, je vous en prie, fit la jeune fille un peu troublée par le changement d’attitude de la bibliothécaire.
_ Est-ce que tu aimes lire autant que ta mère ?
Lila regarda un instant la vieille dame sans répondre. Etait-ce une question piège ? Pourquoi lui demandait-elle cela et pourquoi avait-elle l’air soudainement si sévère ? Néanmoins, la demoiselle répondit. Après tout ce n’était qu’une question parmi tant d’autres, non ?
_ Sans doute oui. Mon père et ma soeur aînée désespèrent de m’ôter le nez des bouquins, encore aujourd’hui j’ai ruiné une de ses robes en lisant au petit-déjeuner, finit-elle en grimaçant à ce souvenir.
Elle se fit la remarque, peut-être un peu tard, que ce n’était pas forcément la meilleure anecdote à raconter à un entretien. Lila se mordit la lèvre inférieure et bu une gorgée de thé, nerveuse.
_ Bien. Dans ce cas, tu es embauchée, nous signerons ton contrat lundi matin à ton arrivée, déclara Madame Perriti.
Lila faillit recracher son thé au visage de son interlocutrice mais se retint de justesse, avalant avec peine.
_ Vraiment ? Mais…
_ Si tu as la même passion des livres que celle qui habitait Cassandre, alors je ne me fais pas de soucis, la coupa Clothilde avant de lui tourner le dos. A lundi Lila !
_ A lundi Madame Perriti !
Lila resta d’abord plantée là, un peu perdue. Elle avait le job ! Ca avait été simple, trop simple même. Bien sûr elle était heureuse d’avoir réussi mais quelque chose la chiffonnait. C’était presque trop beau pour être vrai. Et elle trouvait le comportement de la gérante vraiment étrange. Pourquoi sa mère ne lui avait-elle jamais parlé de ça ? La jeune femme quitta la bibliothèque la tête remplie de questions. Elle ne savait pas vraiment comment elle devait réagir. Elle eut une pensée pour son père et le sourire lui revint, car à présent elle allait pouvoir l’aider et c’était tout ce qui comptait.
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Crissie
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Il y a 7 ans
Scred.Story
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maioral
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John Ross
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