Angelilau Les intraterrestres Territoires

Territoires

À peine Mélaminia a-t-elle passé la porte que son fils s'évapore. Il n'a visiblement pas envie d'échanger avec elle. Elle ne paraît ni surprise ni offusquée. Après s'être assurée que ma cheville s'était remise tout en me conseillant de rester prudente, nous nous installons sur le banc devant la cabane. J'adore cet endroit. Je lui sers un jus de fruits tout juste pressé de plusieurs agrumes. Elle porte le liquide à ses lèvre et annonce dans un sourire solaire :


- « Ce mélange est délicieux. Les enfants ont raison, tu as un don pour envoûter les papilles. »


Ma déchéance lors de la cérémonie ne me rend pas très loquace. Je ne sais comment m'excuser pour ce comportement inapproprié dont j'ai fait preuve. Comme si elle lisait dans mes pensées, elle passe son bras sur mes épaules et me rassure :


- « Ne te flagelle pas June, tu ne pouvais pas savoir que cette plante se consomme avec modération.


- J'ai chanté l'hymne national ! Je ne pourrai jamais revenir au village. Les habitants doivent me trouver irrespectueuse et dérangée !


- Absolument pas. Ils ont au contraire adoré ta prestation. Nos fêtes de départ sont faites pour s'amuser, dédramatise ma guérisseuse sur un ton décontracté.


- Atème avait raison, Jack et moi ne sommes pas à la hauteur de nos ancêtres.


- Atème a une vision troublée des vôtres depuis la disparition de son père »


Curieuse d'en savoir plus je l'invite à m'en dire plus :


- « Lulatème m'a dit qu'il avait disparu ?


- Oui, il y a de ça bien longtemps maintenant. Il est parti pour explorer un passage découvert quelque temps plus tôt par un autre éclaireur et il n'est pas revenu.


- Pourquoi y être allé si ce chemin avait été trouvé par un autre ?


- Mon âme sœur était un aventurier obsédé et passionné par le monde du soleil, comme certains d'entre nous le nomment. Il passait son temps à établir des stratégies pour trouver un chemin vers celui-ci. Il était très proche de Jack. Il buvait littéralement ses paroles, idéalisait chacun de ses mots. Il était certain d'accéder un jour à une issue. Il en devenait parfois irraisonnable. Quand Madatori est tombé sur cette faille dans un couloir éloigné, il a tout de suite insisté pour s'y rendre. L'étroitesse et l'instabilité des parois étaient dangereuses selon notre fidèle ami, mais Atèliono n'en a fait qu'à sa tête et nous ne l'avons jamais revu. »


L'émotion dans sa gorge fragilise son timbre et l'enroue de chagrin. Une larme coule sur sa joue.


- « Ne pas pouvoir dire au revoir au gens que l'on aime est terrible. Ne pas savoir ouvre une plaie qui ne peut cicatriser. Celle d'Atème est béante. Il en veut beaucoup à Jack, il pense que l'adulation de son père pour votre espèce est de sa faute. Depuis le drame Jack se sent coupable, il s'est mis à mépriser son univers et a tout fait pour palier à l'absence de l'homme de ma vie. Avec le temps j'ai appris à aimer ce terrien plus que comme un ami. Ce qui a aggravé la haine de mon fils à son égard. »


Je m'en doutais un peu, comme beaucoup d'enfants il est difficile de voir un de ses parents refaire sa vie. Les intraterrestres ne sont pas si différents de nous sur le plan émotionnel.


Mélaminia laisse courir ses pensées en contemplant le paysage, ses souvenirs dévastateurs déforment son beau visage. La voir ainsi me touche beaucoup, je décide donc de changer de sujet.


- « Pourquoi ne pas m'avoir dit que j'étais la première femme terrienne ? »


Ma technique fonctionne, ses traits s'adoucissent.


- « Il m'a semblé que tu avais déjà bien assez d'événements à digérer. J'ai préféré ne pas tout de dire d'un coup, de te laisser le temps de trouver ta place parmi nous et de reprendre des forces. Intégrer une nouvelle culture ne se fait pas en un jour. Tu ne peux pas tout emmagasiner en si peu de temps. Nos modes de vie, nos coutumes, notre histoire... C'est en les vivant que tu les comprendras. »


J'entends son raisonnement, cette intention de me préserver. Elle a raison comme toujours.


- « Merci pour tout Mélaminia, merci de m'avoir si bien soignée et accueillie, de m'avoir si bien protégée depuis mon arrivée.


- « Ce que tu as fait pour éviter ce déferlement de violence dans ma maison était héroïque. Notre peuple n'en arrive jamais à cette option en temps normal. Ta réactivité nous a sauvé du pire ! Tu nous apportes largement autant que l'on te donne. Mais j'espère tout de même qu'embrasser la chair de ma chair était plus agréable que de mordre un reptile. » Elle accompagne ses dernières paroles par un clin d'œil.


Je sens mon sang arrivé comme un TGV à mon visage et se stocker une fois de plus dans mes joues. Devant mon attitude gênée, Mélaminia n'insiste pas et heureusement !


Si c'était agréable ? Non, c'était bien mieux que ça ! C'était magique, explosif et torride malgré le public et les circonstances. Je dois enlever cette empreinte de ma tête, je dois oublier, me laver les neurones et me concentrer sur mon but : partir ! Rentrer ! Retrouver la lumière du jour !


Mais pour le moment mon colocataire refait surface en haut de l'échelle, la brillance de ses dents blanches jette mes convictions dans le ravin. Il ramène avec lui une panière pleine de bonnes choses. Une fois le bon état de ma cheville confirmé à son fils, Mélaminia s'en va.


Je propose de faire un repas copieux avant de partir explorer cette nature hors norme. J'ai hâte tout en étant soucieuse. Ma dernière rencontre avec l'un de ses habitants m'a laissé un goût amer, sans mauvais jeu de mot.


Après avoir rempli nos ventres d'un écrasé de patogodas et d'une salade de fruits (histoire d'être certaine que la paix soit revenue entre nous), je vais me changer. Par chance Mélaminia a pensé à me rapporter ma tenue favorite. Cependant, je dois absolument prévoir une visite aux sources chaudes rapidement, mes cheveux et mes vêtements ont besoin d'un bon lavage. Je tente de camoufler la crasse de ma tignasse en nouant un ruban autour d'un chignon "travaillé". Mes cheveux caramels et méchés de blond sont secs et ne ressemblent plus à rien. Je note dans ma tête, puisqu'elle reste mon seul pense-bête, de trouver une solution avec Lulatème. En plus d'être une tisseuse et créatrice de talent, c'est elle qui coupe les cheveux des garçons de la famille. Ceux de l'aîné sont ni courts, ni longs, ils ont un effet coiffé/décoiffé digne d'une coupe de mon coiffeur ! Et mon coiffeur est l'un des plus réputés du Connecticut.


Atème m'attend près de l'entrée, il s'impatiente un peu. Ce garçon n'a pas l'habitude de rester en place, je soupçonne même qu'avant mon arrivée il n'était jamais resté autant de temps chez lui. Les labyrinthes souterrains sont sa véritable demeure.


Lorsqu'il me voit j'ai l'impression que la fameuse étincelle dans ses yeux m'envoie un éclair. Il ne me râle pas dessus comme je me l'imaginais, au contraire il me sourit avant de me tendre la main en déclarant :


- « Prête à arborer de nouveaux territoires, terrienne ? »



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22 commentaires

Lydia Mira

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Il y a 3 ans

On comprend mieux pourquoi Ateme m'aime pas Jack. Nous aussi on a hâte d'arborer de nouveaux territoires, mais avant faisons un saut à la douche. :)

Cendre Elven / Mary Ann P. Mikael

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Il y a 3 ans

Elle est très sage comme femme. En tout cas, hâte de découvrir un peu plus de ce territoire.

Sonia François

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Il y a 3 ans

Petit coup de pouce 😉

Angelilau

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Il y a 3 ans

Merci 🙂 beaucoup, je reviens partager ne t'en fait pas, c'est mon point de repaire pour la lecture. Sinom je me perds !

Oona Rose

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Il y a 3 ans

Je aide à avancer et je reprendrai ma lecture dès que possible 😊

Oona Rose

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Il y a 3 ans

T'aide* 😅

Angelilau

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Il y a 3 ans

Merci beaucoup je viens en faire de même rapidement ! :)

Oona Rose

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Il y a 3 ans

Oh merci, c'est gentil à toi *_*

Enolla Brunetti

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Il y a 3 ans

Totalement prête!

Jessica Lament

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Il y a 3 ans

Évidemment nous aussi on est prêts à arborer de nouveaux territoires 😎🤠
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