Fyctia
Partie 1: Chapitre 1 (part. 1)
Eliana
La journée débutait toujours de la même manière pour moi. Première étape : mon réveil sonne aux alentours de six heures, mais je prends toujours un temps fou pour sortir du lit. Rien avoir avec la température extérieure – on est en plein mois de novembre et je vis à Paris. Ce n’est pas non plus la manière dont les gens se comportent avec ceux qui les entourent – la manière dont les Parisiens se traitent entre eux ne m’est plus étrangère depuis longtemps -, ni même la façon dont les journées se déroulent. C’est plutôt l’idée même de débuter une nouvelle journée sans mon père qui me sert le cœur plus fort, plus durement, chaque matin.
On dit que le temps guérit toutes les blessures. J’y ai cru. Mais ce ne sont que des foutaises. Le temps ne guérit pas toutes les blessures, il ne fait que défiler, vous prouvant qu’il passe et que la vie des autres continue quand la vôtre s’est arrêtée. C’est, d’après moi, la pire expression de la langue française. Ce n’est qu’un amas de conneries, des paroles en l’air. Du vent.
Deuxième étape ; je sors finalement du lit parce que, même si cela me semble inconcevable, la Terre continuait de tourner. Une vie m’attend à l’extérieur ; la mienne en l'occurrence.
Troisième étape : j’évite de faire trop de bruit. Pour mon plus grand malheur, je suis obligée de vivre dans la maison de mon enfance, avec Charlène et ses enfants.
Si cela n’avait tenu qu’à moi, j’aurais fui cette maison et cette famille à la seconde où je serai libérée de la tutelle de ma belle-mère, le jour de mes dix-huit ans.
À la fin de mes années lycée, j’avais pris la décision de commencer une école de mode. Je suis passionnée par tout ce qui touche à la Haute couture : j’aime sentir le tissu entre mes doigts ; j’aime enfiler le petit bout de fil dans le chas de l’aiguille ; j’aime sentir mes yeux brûlés à force de concentration quand je traîne tard le soir sur l’une de mes créations. Mais ce que j’apprécie le plus, c’est d’habiller les autres. Aller faire du shopping avec eux et réussir à trouver la tenue qui changera leur regard est ce que je préfère faire. Celle qui leur permettra d'avoir confiance en eux, prêt à conquérir le monde. Et comme je ne fais jamais les choses à moitié, j’ai décidé d’entrer dans la plus prestigieuse école de mode à Paris : Mode Estah. J’ai toujours rêvé d’entrer dans cette école, mais mon rêve à un prix. Une somme tellement élevée qui demande de l’argent que je n’ai pas.
Je sais que mon père avait commencé à mettre de côté pour mes études avant ma mort. Seulement, je n'y aurai pas accès avant mes dix-huit ans. J’ai terminé le lycée il y a deux mois et ce compte m’est toujours inaccessible. Naïve, j’ai tenté ma chance auprès de Charlène, qui m’a répondu avec dédain :
- Il n’est pas marqué « banquière » sur mon front. Si tu veux continuer tes études, tu n'as qu'à te trouver un job pour les payer.
Alors, évidemment, j’ai demandé une bourse. J’ai travaillé durant des mois pour parfaire mon book, afin qu’il soit tout bonnement parfait. J’ai sué, fait des nuits blanches, travaillé sans compter. Mon truc, c’est le mélange de matières. J’aime associer les étoffes, celles qui à première vue ne s’associent pas spécialement, mais qui, une fois réunies, ont un rendu très intéressant.
Après des mois d’attente, j’ai reçu une réponse concernant la bourse : j’ai été accepté ! Cependant, le montant de la bourse n’est pas suffisant. Il faut que je trouve un boulot compatible avec mes études. J’ai déjà envoyé des dizaines et des dizaines de CV et je croise les doigts pour trouver quelque chose qui ne paie pas trop mal et qui m'aiderait à atteindre mon rêve. J’avais eu un aperçu, en travaillant sur mon book, de ce que pouvait devenir ma vie une fois mon diplôme en poche. J’en avais eu des frissons.
La recherche d’emploi se trouve être plus compliquée que je ne l’avais cru ; aucune de mes demandes n’a reçu de retour pour le moment et le temps commence à me manquer. Il faut absolument que je trouve quelque chose. J’ai pendant un moment été désespérée, mais la chance a fini par se ranger de mon côté. En effet, la solution a fini par me tomber dessus, littéralement.
Pour que vous compreniez bien voici une chose que vous devez savoir à mon sujet. Le monde qui nous entoure, bien qu’il soit incroyablement moche à mes yeux, me fascine. Je suis toujours à la recherche de nouveautés. C’est, d’après ma meilleure amie Raïna, le paradoxe de ma vie. C’est pour cela que, le vendredi suivant, j’ai suivi mes deux meilleurs amis, Pierre et Raïna, dans une boîte de nuit clandestine dans SoMa (aussi appelé plus communément Le Marais) « qu’il fallait absolument qu’on teste » d’après eux. Qui n’aurait pas envie de tester une boîte de nuit clandestine pleine de débauche ?
J’avais choisi une petite robe, dessinée et cousue par mes soins il y a quelques semaines. Elle était plutôt près du corps et composée de deux matières ; les bras et le haut du torse faits de satin noir, qui ressemblait à un chemisier. Les manches étaient bouffantes, mais se resserraient au niveau des poignets. Le reste de la robe était fait en similicuir, elle s’arrêtait à mi-mollet et avais ajouté deux fentes sur les côtés. Je la voulais élégante et glamour. Le rendu n’était pas si mal. Ce qui fit apparaître un énorme sourire sur mon visage. J’avais agrémenté ma tenue d’une paire de talons chaussettes, ajouté des créoles et avais laissé mes longs cheveux roux tomber dans mon dos. Une dose de parfum et de mascara et j’étais prête à sortir.
Je m’apprêtais à m’en aller, quand j’eus l’incroyable surprise de croiser Charlène et ses enfants, passant la porte d’entrée.
- Où est-ce que tu comptes aller, habillée comme ça ? a demandé ma belle-mère en retirant sa veste.
- On dirait une catin, a lancé Arabella.
- Je dirais même mieux, on dirait une pute. Je me la ferais bien, a ajouté Timothé, concentré sur son portable.
- Beurk. Non, comment peux-tu avoir envie de sauter ça ? Tu as vu sa tronche ? a surenchéri sa sœur.
- Il me suffit de la prendre en levrette. Cette position permet vraiment de baiser n’importe quelle gueule.
J’ai eu l’image en tête : ça m’a donné envie de vomir. Ils ont continué à débattre sur le sujet, comme si je n’étais pas là. Ce qui ne me dérangeait pas tant que ça parce que, la plupart du temps, je faisais aussi comme si eux n’existaient pas. Le problème, c’est que mon indifférence avait laissé le champ livre aux babillages de Charlène.
11 commentaires
la_biblio_de_chlo
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Il y a 3 ans
Selina Altair
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Il y a 3 ans
IamPowell
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Il y a 3 ans
kloe.bennett
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Il y a 3 ans
sissidrey
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Il y a 3 ans
IamPowell
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Il y a 3 ans
melyabook
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Il y a 3 ans
IamPowell
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Il y a 3 ans
The_Power_of_Flowers
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Il y a 3 ans
IamPowell
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Il y a 3 ans