Felicia 🖤 Les feuilles s'envolent en automne 17

17

— Tu peux répéter ? Je crois que j’ai mal compris, ta connexion doit être pourrie.


Je pousse un énième soupir de lassitude. J’ai arrêté de compter ceux que j’ai lâché depuis le début de mon appel téléphonique avec Ellie qui était il y a plus d’une heure et demie.


On est comme ça elle et moi, on s’écrit très rarement mais dès qu’on se voit ou que l’on s'appelle c'est pour se tenir le grappe pendant des heures et se raconter nos vies dans les moindres détails en passant du plus inutile au plus croustillant. Sauf que cette fois-ci, je n’ai pas eu grand-chose à raconter. Octobre touche bientôt à sa fin et ma vie ne m’a jamais semblé aussi plate et lisse mais croyez-moi, ça me convient, j’ai eu ma dose de mésaventure pour le restant de l’année.


Seulement, après avoir vu une Ellie ronger son frein pendant de très longues minutes parce qu’elle n’avait aucune info à se mettre sous la dent, j’ai fini par avoir pitié d’elle et balancer le sujet « Henry » sur la table. Il se trouve qu’il a été le retournement de situation qu’elle espérait, elle s’est accrochée à chaque détail minime comme une moule à son rocher, acquiesçant et souriant de temps à autre tandis que je lui racontais notre première rencontre et les évènements qui ont suivi. J’ai forcément dû aborder le sujet du rencard, celui que j’ai refusé en prétextant être déjà prise.


— Je lui ai dit que je n’étais pas libre, je grogne.


Je fais mine de m’intéresser de nouveau à la pose de mon vernis à ongle rouge, feignant une concentration sans faille. Même si je ne suis pas à côté d’elle je peux sentir ma meilleure amie bouillonner, je me prépare à ce qu’elle explose dans trois, deux, un…


— Putain Beth ! Ne me dit pas que tu as fait ça ! s’écrie-t-elle outrée.


Je souris légèrement, heureuse qu’un écran de portable nous sépare elle et moi.


— Si.


Un cri de frustration qui ressemble à celui d’une bête à l’agonie lui échappe avant qu’elle ne se laisse retombée dramatiquement contre ses oreillers en velour. Une main posée contre son front, elle s’évente rapidement.


Je la regarde faire avec une mine désabusée, Ellie aime tout dramatiser.


— Retiens-moi.

— Quoi ?

— Empêche-moi de prendre le premier billet de train jusqu’à Bourton et de venir te tuer de mes mains.

— Tu n’exagères pas un peu là ?

— Non Beth ! La seule qui exagère ici c’est toi ! Tu m’entends ?!


Elle pointe un doigt accusateur sur moi, une veine menace d’éclater sur son front.


— Tu sais quel était le pourcentage de chance qu’un tel homme habite dans ce coin paumé ?

— J’en sais rien El.

— Il était minime Beth ! Donc tu tombes sur un mec canon, il veut que tu sortes avec lui, te propose presque ouvertement que vous vous envoyiez en l’air et tu…

— Ce n’est pas ce qu’il a dit, je la coupe.


Elle balaye ma remarque d’un geste de la main.


— Et toi le seul truc que tu trouves à lui répondre c’est que tu n’es pas libre ! Maintenant, il va penser que t’as quelqu’un !

— Je m’en fous de ça.

— Mais tu ne peux… Arg !


Elle ferme les yeux, une main posée compte son cœur et se met à compter lentement. Elle fait souvent ça, compter à voix haute pour se calmer, il parait que ça marche.


— T’es irrécupérable, souffle-t-elle. Tu te rends bien compte que c’était complètement absurde ?

— Dans l’état oui mais en vérité, non. Je me suis juste montrée sincère. Je ne suis pas libre El, mon cœur ne l’est pas.

— Mais ce mec veut ton cul ! s’exclame-t-elle avec tellement d’entrain que j’ai l’impression que ses yeux vont sortir de ses orbites.


Tous les voisins de son immeuble l’ont certainement entendu hurler ça dans son micro mais je m’en moque pas mal parce que ses paroles font apparaitre une scène débauchée de moi et Henry dans mon putain d’esprit. Rien qu’en l’imaginant, j’ai l’impression de surchauffer comme une bouilloire qu’on aurait laissé sur le feu un peu trop longtemps. Je baisse les yeux sur mon reflet dans le téléphone et m’aperçoit avec horreur que ma peau a viré au rouge tomate.


— J’y crois pas, il te plait et en plus tu l’as recalé.


Je pince les lèvres.


— Il est mignon, c’est tout.

— Y’a pas toujours besoin de plus Beth.

— Pour moi tu sais que si.

— Et après alors ? Il s’est passé quoi quand vous vous êtes revus ?


Je lui explique qu’Henry est revenu deux fois chez Mildred depuis et que nos échanges ont été cordiaux, rien de plus. Il s’est juste contenté de faire son boulot, de déguster une pâtisserie de mamie puis de repartir comme il était venu. Plus de sourire en coin, plus de coups d’œil indiscrets, plus de taquineries ni de rentre dedans, rien du tout.


— Comment tu m’as dit qu’il s’appelait déjà ?

— Henry.

— Tu as son nom de famille ?

— Non, je ne suis pas aussi cinglée que toi.


Elle lève les yeux au ciel, la caméra se met à trembler légèrement et j’ai désormais un plan zoomé sur son front. Intitule de lui demander, je sais très bien ce qu’elle est en train de faire, elle mène son enquête pour trouver son profil sur Instagram. Ellie est plus douée qu’un agent du FBI quand il s’agit de dénicher quelqu’un sur les réseaux. Je n’ai pas besoin d’attendre bien longtemps avant qu’elle laisse échapper un cri victorieux.


— Je l’ai ! Henry Weeler, s’extasie-t-elle au moment même où j’entends la porte du bas claquer signe que ma grand-mère doit être revenue de son atelier tricot.

— Henry qui ?

— Weeler. Eh mais attend ! Son nom me disait un truc, son père est à la tête d’une grande société pharmaceutique.


Je hausse les épaules.


— Il est infirmier alors j’imagine que c’est un truc de famille.

— J’admets qu’il est plutôt séduisant. Et… ouah, ça c’est du mâle…


Ses sourcils se froncent à la caméra. Je m’apprête à lui demander ce qui retient tant son attention quand j’entends ma grand-mère m’appeler au rée de chaussez.


— El, va falloir que je te laisse Mildred est rentrée.

— Tu ne vas quand même pas me dire que tu vas passer à côté de ce mec à cause de cet abruti de Liam ?!

— On en reparle OK ? Faut vraiment que je raccroche là.


Mon pouce est en train de flotter au-dessus du bouton rouge lorsque je revois apparaître sur mon écran son visage aux traits tirés par l’inquiétude.


— Tu es sûre que ça ira pour demain ?

— Ouais t’en fait pas, j’annonce faussement assurée.

— Beth…

— Je te jure, El, tout roule. Ça va le faire.

— Tu me promets qu’au moindre coup de mou tu m’appelles ?

— Promis.


Elle me scrute les yeux plissés, cherchant certainement à savoir si je suis sincère. Mon faible sourire doit achever de la convaincre puisqu’elle finit par hocher la tête.


— Très bien alors on se dit à ce soir minuit, je t’aime Beth.

— Moi aussi El, à ce soir.


Je raccroche avant de craquer et de tout lui déballer. Mes doutes et inquiétudes me retournent le bide depuis ce matin.


Demain est un jour différent des autres.


Demain c’est mon anniversaire et c’est aussi le premier que je fêterai loin de mes amis, de ma mère et le premier depuis une éternité que je ferai sans Liam.


FIN DU CHAPITRE 17

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1 commentaire

Diane Of Seas

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Il y a un an

💚
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