Felicia 🖤 Les feuilles s'envolent en automne 12.2

12.2

Ce couinement est affreusement horripilant. On croirait entendre un grincement de porte mal huilée, à moins que ce ne soit le bruit de semelles sur un parquet lustré.


Oui c’est plutôt ça oui.


Je reconnaitrais le son des chaussures orthopédiques de mamie entre mille. « C’est moche mais c’est confortable », voilà ce qu’elle répondait face à mes nombreuses questions inquisitrices que je posais étant enfant.


— Mamie arrête de tourner en rond, je grogne.


Le bruit s’interrompt. Puis, reprend de plus belle. Je l’entends s’approcher de moi. Ses mains fraiches se posent sur mon bras nu.


— Tu vas bien, ma Beth ?


Je papillonne des yeux et me découvre dans ma chambre, couchée sur mon lit. Ma grand-mère est penchée au-dessus de moi, ou devrais-je dire qu’elle est collée à mon visage, j’aperçois ses lunettes en gros plan ainsi que la trace de doigt qui macule son verre gauche, un pli soucieux barre son front ridé. Elle cligne plusieurs fois des yeux, attendant une réponse de ma part. On croirait qu’elle est sur le point de s’arracher les cheveux de la tête.


— Oui ça va mamie, recule un peu tu me fais loucher !


Elle soupire profondément, ses traits se détendent peu à peu.


— La prochaine fois, tu me laisseras faire la vaisselle ! s’agace-t-elle.


Des flashs de moi en train de laver le couteau dans l’évier me reviennent, puis le sang sur le sol et… je suis prise par un haut de cœur alors je me cache les yeux de la main pour ne plus y penser.


— Est-ce que j’ai…

— Tu t’es évanouie, heureusement que Henry était là pour te rattraper sinon tu te serais certainement fendu le crâne en plus du doigt !


Henry ?


Mon esprit semblait avoir évincé la présence de l’infirmier jusqu’à maintenant.


Je tourne la tête et le découvre, appuyé contre l’encadrement de la porte, les bras croisés sur sa poitrine, les yeux rivés sur moi. Sa mallette est grande ouverte à ses pieds. Même si je suis encore un peu sonnée, il ne faut pas très longtemps à mon cerveau pour assembler les différentes pièces du puzzle.


— Attend, le Henry super mignon qui t’a appris à te servir d’internet c’est lui ?! je m’exclame sous le choc.

— Merci du compliment, rit le concerné.


Je lance lui lance un regard dédaigneux. Et pour toute réponse, mamie affiche un petit sourire coupable. Je vois, elle l’adore.

— Merveilleux… Ce n’est que la deuxième fois que vous me venez en aide après tout.


Je meurs d’envie de me cogner le plat du front contre le mur. Cet homme m’a vu dans tellement de situations rocambolesques que ça en deviendrait presque indécent. Si la honte pouvait tuer je crois que je serais déjà morte plusieurs fois.


— Vous vous connaissez ? me questionne ma grand-mère perplexe face à la tournure que prend la discussion.

— En vérité, nous nous sommes vus lors de mon arrivée ici mais j’ignorais qu’il était cet Henry si tu vois ce que je veux dire...

— Oh, un sourire rieur se dessine sur ses lèvres.

— Ne te méprends pas Mi, c’est un garçon tout bonnement insupportable.


Henry fait semblant de paraitre offusquer et se plaque une main sur le coeur d’un geste théâtral ce qui a le pouvoir de faire ricaner mamie comme une petit midinette.


Je me retiens de grogner, « insupportable » c’est vraiment bien le terme. Il m’a passé un savon la dernière fois que l’on s’est vus et malgré tout il reste encore capable d’embobiner ma grand-mère avec son grand numéro.


Je le fusille du regard, il en fait autant.


— Je vais aller te chercher un morceau de sucre et tu as intérêt à le croquer sans pleurnicher !


Mildred sort de ma chambre si vite qu’on croirait qu’elle a été monter sur des ressorts. Je me retrouve seule avec Henry qui se rapproche lentement de moi, il est tellement grand que j’ai presque l’impression qu’il ne pourrait pas tenir dans cette chambre exiguë.


— J’ai eu beau lui expliquer trois fois que votre malaise n’a rien à voir avec de l’hypoglycémie, elle ne veut rien entendre.


Je ricane. Il vient s’asseoir au bord de mon lit. Mon matelas s’affaisse sous son poids. Je me redresse, évitant de regarder de trop près le bandage qui me couvre le doigt, même s’il a été exécuté avec une grande minutie, j’ai trop peur de voir perler le sang en dessous.


— C’est une vraie tête de mule quand elle est inquiète.

— J’espère que vous ne tenez pas ça d’elle.

— Je n’en sais rien, vous m’avez dit que j’étais quoi déjà…, je fais mine de réfléchir en me tapotant le menton.


Les lèvres de l’homme qui me fait face se rehaussent lentement.


— Agaçante ? propose-t-il.


Je claque des doigts.


— Voilà c’est ça !

— Vous venez de me traiter d’insupportable.

— Je suis certaine de ne pas être la première à vous le dire.

— D’habitude les femmes me pensent à leur goût, insupportable n’est pas le premier mot qui franchit leurs lèvres pour me décrire.

Je me retiens de rire jaune. Vous voulez vraiment me faire croire qu’il arrive à faire fondre n’importe qui avec ces yeux doux ?

— Vous portez une blouse ?

— Pardon ?

— Quand vous les rencontrez, vous être en blouse ?

— Je ne mélange pas boulot et vie privée, Beth.

— Mince ! C’est la seule explication que j’ai trouvé plausible pour que vous puissiez plaire à ces dames.

Il éclate de rire, franchement, soudainement et j’empêche mes lèvres de se rehausser face à autant de spontanéité.


Ça fait du bien de discuter sans réfléchir, de perdre la notion du temps, d’ignorer la blessure dans mon cœur même si ce n’est que pour quelques pauvres minutes.

— Visiblement ça ne prend pas sur vous.

— Vous avez déjà vu quelqu’un charmer une personne en la réprimandant ? Parce que moi non.


Son sourire s’efface si brusquement que je regrette d’avoir ouvert la bouche pour balancer une absurdité pareille. Je pince les lèvres, consciente que si je voulais détendre l’atmosphère c’est raté, ma remarque ressemble plus à une pique qu’à de l’humour, décidément j’enchaine les bourdes. On devrait m’attribuer une médaille.


Il lâche un soupir profond et passe une main dans ses cheveux. J’observe ce geste qu’il s’évertue à répéter quand il est mal à l’aise et me surprends soudainement à me demander si ses boucles sont aussi souples qu’elles en ont l’air.


A suivre...

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4 commentaires

KBrusop

-

Il y a un an

💕🙏

Emma Eichen

-

Il y a un an

😘

Diane Of Seas

-

Il y a un an

💚

GwendolineBrument

-

Il y a un an

Une superbe suite de chapitre, hâte que le prochain sorte. 😁
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