Fyctia
Chapitre 5
Quelques mois plus tard…
Clyde
D’aussi loin que je me souvienne, tout a démarré durant mon enfance. Le jour où mon père m’a dit « tu ne réussiras jamais rien de bon dans ta vie ». Ce n’était bien entendu que le début d’une longue série de piques bien senties. Rabaissantes à souhait. Je me souviens aussi de cette invective qui m’avait percuté autant qu’on puisse atteindre un enfant de douze ans : « à part geindre comme une fillette, tu sais faire autre chose ? ».
Je subissais les remarques humiliantes de mon paternel, sans réagir.
Mon caractère s’est assurément forgé en fonction de ce vécu peu glorieux. Parfois, je voulais agir, faire quelque chose de salvateur, au lieu de ça je restais spectateur de mes sévices moraux et physiques.
Avec le temps, ça ne s’est pas arrangé, et je pense que l’anecdote sur ma première petite-amie ainsi que toutes les autres qui ont suivi constituaient le lien de cause à effet le plus évident qui soit. La recherche constante d’adrénaline était en réalité due à une incapacité chronique à faire des choix. J’ai donc continuellement attendu le dernier moment pour prendre les choses en main. Un moyen de ressentir ces petits frissons parcourir mon organisme et éjecter, par la même occasion, la peur qui m’empêchait de réagir à telle ou telle situation.
C’est du moins l’analyse pertinente de la psy que j’ai consultée pendant de longues années.
Il y a quatre ans, lorsque j’en ai eu marre d’être paralysé par ce sentiment d’impuissance qui s’enracinait en mon for intérieur, j’ai préféré prendre la fuite et dire au revoir à mes parents, pour de bon. Ni eux ni moi n’avons renoué le contact depuis. Je suis alors devenu complètement autonome et la première chose que j’ai faite pour célébrer ce nouveau départ fut de me faire tatouer un dragon, symbole de l’indépendance et adepte des excentricités.
C’est également à ce moment de mon existence que je suis devenu esclave de ma quête d’adrénaline qui n’a cessé de croître de manière exponentielle.
Quand les gens autour de moi parlaient de balades en famille pour décompresser ou d’activités sportives pour décharger leur stress constant, moi, je m’adonnais au saut à l’élastique ou à brûler un feu rouge devant une voiture de flics.
Je devenais de plus en plus incontrôlable, jusqu'à cette semaine en compagnie de Trent, mon meilleur ami. Une virée à Las Vegas, la ville où le maître mot est justement l'adrénaline. Et mon compte bancaire en a attesté, j’étais sans limite.
Mais je dois tout de même avouer que je n’aurais jamais pensé participer un jour à un braquage. Une aventure qui m’aura permis de rencontrer la personne la plus parfaitement compatible à mon être.
Une femme encore plus givrée que moi. Une alliée qui me procure une dose d’adrénaline suffisante pour m’éviter de dévier du droit chemin. Avec elle, je n'ai plus besoin de courir après le temps car je suis le seul juge de mon destin.
Adèle.
Adèle
Clyde.
Cinq lettres qui me font frémir.
Qui aurait cru que j’accorderais à nouveau ma confiance à un homme, quand la plupart de mes ex m’ont laissée sur la paille, voire presque abandonnée dans le caniveau pour le dernier d’entre eux ?
À l’époque, j’étais à ramasser à la petite cuillère. Si minable qu’un déchet aurait eu plus de dignité que moi. J’ai dû me battre pour remonter la pente et j’ai tellement galéré que je m’étais promis de ne plus me risquer au jeu de l’amour. Jamais. J’avais fermé le verrou de mon cœur à double tour, peu importait la lueur d’envie qui brillait dans les yeux de celui qui me désirait.
Mais c’était sans compter sur le jeu du hasard, et ma rencontre inattendue avec mon braqueur au grand cœur.
Car s’il y a une chose que j’ai retenue de ces derniers mois passés à ses côtés, c’est que Clyde est bien loin de l’image de l’escroc que j’avais en tête. Il est avant tout un homme généreux, et son entourage l’avait bien compris. À ses dépens.
« Are you ready to take this party to the next level ? Let me see those hands in the air and make some noise ! »
Mon attention se porte sur l’écran qui diffuse le dernier clip de Martin DaMix à l’angle de la cabine de tatouage. La vidéo zoome sur les platines et j’aperçois au poignet du célèbre DJ, une montre tout droit issue de mon ancienne boutique.
— Et dire que j’ai loupé ça… lancé-je d’un ton malicieux.
— Loupé quoi ? me demande Clyde, allongé sur le matelas à côté du mien.
Le vrombissement des aiguilles saccade sa phrase.
— Ma rencontre avec lui, expliqué-je en pointant l’écran.
— Comment ça ?
— Regarde sa montre, précisé-je.
Il pivote la tête et la perplexité s’installe sur ses traits.
Juste avant qu’une étincelle de jalousie ne prenne le relais.
— Mmmh, je ne vois pas le rapport… marmonne-t-il, de mauvaise foi. En plus, c’est pas le plus beau modèle…
— Ah oui, et c’est lequel, selon toi ?
— Tu connais déjà la réponse !
— Oui, mais je ne m’en lasse pas…
Il plonge ses pupilles fuligineuses dans les miennes, telle une marée noire envahissant mes émeraudes, avant de susurrer :
— C’est toi.
Et tandis que j’attrape sa main, je détaille notre choix de tatouage cette fois volontairement identique qui orne désormais nos deux corps : un cadran de montre aux aiguilles en forme d’arme.
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Le Mas de Gaïa
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Gottesmann Pascal
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MIMYGEIGNARDE
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Jay H.
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