Véronique Rivat Les dédales de Rose Chapitre 40 Louka

Chapitre 40 Louka

Le lendemain. Le 5 décembre 2015.


Nous sortons du département de police, tous les trois.


À mon sens, je n’avais rien à y faire, mais hier, Bilie m’a invité, sur un ton peu amical, à assumer mon rôle de fiancé. Sur l’instant, je me suis demandé ce qu’elle insinuait.


— Ne me dites pas que vous avez oublié que vous vous êtes présenté comme tel aux policiers, allant jusqu’à leur donner votre adresse ! a-t-elle sifflé, alors que je les déposais devant son domicile.


J’ai gratté mon menton tout en fouillant dans ma mémoire, avant de me justifier :


— En effet, j’ai dit ça, mais c’était pour qu’ils m’autorisent à approcher Rose.


— La belle excuse ! Avez-vous l’intention de l’emmener chez vous, puisqu’elle y séjourne aux yeux de la loi ?


— Je reste chez Bilie ! s’est interposée Rose. Vous n’allez pas vous battre à cause de moi ! On dirait des chiffonniers !


Bilie et moi avons baissé la tête. Bien que nous ignorions ce que Rose entendait par « chiffonniers » nous ne pouvions que reconnaître que nous nous comportions comme deux amants s’arrachant ses faveurs.


C’est à cet instant que j’ai réalisé que si ma raison me poussait vers Bilitis, mon cœur, lui, en pinçait pour Rose, se moquant éperdument de ce que ma tête pensait.


Comment vais-je pouvoir composer avec ces contradictions ?


Alors que j’ouvre la portière, invitant les deux jeunes femmes à grimper à bord du pick-up, mon téléphone vibre dans la poche arrière de mon jean. Je l’en extirpe. Il s’agit d’un texto de ma sœur m’invitant à cliquer sur le lien qu’elle m’envoie. Il s’agit d’un article paru ce matin, dans le Miami Herald. La première chose qui me saute aux yeux est la photo qui l’illustre : On y voit Rose penchée sur la blessée. Une tache rouge recouvre le haut de sa robe blanche en dentelle anglaise et son épaule droite est découverte. J’agrandis l’image et passe le mobile à Bilitis. Je fais le tour du véhicule, m’installe au volant et bredouille :


— Voulez-vous le lire, Bilie ?


— Mais c’est moi, ça ! rétorque Rose, les yeux écarquillés sur l’écran et la main devant la bouche.


— Il fallait s’attendre à ce que ta prouesse te trahisse, ma petite ! siffle Bilie en secouant la tête. Tu es connue dans le monde entier, maintenant ! La question est de savoir de quelle manière tu vas utiliser ta célébrité et je ne parle pas de ta notoriété artistique !


— Qu’est-ce que tu veux dire ?


— Si ton père aurait pu passer à côté d’un article classique sur l’Art Basel Miami Beach, celui-là lui sautera à la figure ! Tu aurais pu t’abstenir de jouer à la sauveuse !


— Je n’y ai pas pensé, j’ai agi sans réfléchir ! N’importe qui aurait fait la même chose !


Bilie tourne la tête vers Rose et la foudroie du regard, avant de répliquer :


— Je n’en suis pas aussi sûre ! De toute façon, peu importe, le mal est fait ! Ton père ne va pas tarder à rappliquer ici pour te ramener en France à coups de pieds dans les fesses !


— Si je veux !


— Tu as peur de lui ! Veux-tu qu’on parie ?


Je mets un terme à leur explication de gravure, avant qu’elles n’en viennent aux mains :


— Lisez ce foutu article, nom d’un chien !


De l’index, Bilie fait rapidement défiler les lignes sur l’écran et commence :


— Cette année, la clôture de l’Art Basel Miami Beach ne sera pas seulement marquée par la venue de personnalités comme Sylvester Stallone et son épouse Jennifer Flavin, Will Smith, Solange Knowles, Pamela Anderson, Lenny Kravitz, ou encore Elijah Wood, mais aussi par un incident impressionnant : hier, alors qu’une femme était poignardée, les visiteurs ont cru qu'il s'agissait d'une performance artistique. La victime a été touchée au cou et aux bras. Elle a immédiatement été secourue par France Rose, une photographe française dont la galerie se trouvait en face du lieu du drame. La jeune artiste, dont un des clichés trône à plusieurs endroits de Miami, a sauvé la vie de la jeune femme. La suspecte a été arrêtée. « Certains visiteurs ont cru que l'agression faisait partie d'une performance d'art contemporain. Pour ma part, j’ai cru que le cordon de sécurité mis en place par la police autour d'une zone à l’intérieur du Convention Center faisait partie d'une installation artistique », a rapporté un témoin.


Bilie me tend mon téléphone et conclut :


— Êtes-vous satisfaits ?


Rose et moi restons bouche bée devant le visage crispé de Bilitis. Rose boucle sa ceinture de sécurité et je mets le contact.


Alors que j’ai l’intention de m’arrêter devant le domicile de Bilitis, la paume de Rose se pose sur mon bras.


— Je n’ai pas envie de rentrer. Tu vas certainement faire des achats pour ta fête d’anniversaire, je peux venir avec toi ?


— C’est que je voulais que mon repas soit une surprise, Rose.


— Pourquoi ?


Je jette un œil dans les rétroviseurs et stationne devant la tour, avant d’avouer en lorgnant Bilitis :


— J’ai l’intention de faire mes courses à la FAACT.


— C’est quoi la FAACT ?


— L’Association Française et Américaine des Arts et Métiers, intervient Bilitis. Chaque année, elle organise un marché de Noël francophone. Nous pouvons nous y procurer vos spécialités tels que le foie gras et les escargots.


— On va manger du foie gras demain, chez toi ? s’étonne Rose.


— Je crains que oui.


— C’est cool. Maintenant que tu l’as dit, on peut venir ?


— Si vous voulez.


Je toussote pour m’éclaircir la voix, avant de reprendre en me penchant en avant pour m’adresser à Bilitis :


— Ensuite, nous pourrions emmener Rose admirer le grand sapin du Bayfront Hollyday Village, prendre notre déjeuner à un food truck , faire le tour des achalandages et assister à un spectacle en soirée. Qu’en dites-vous ?


Rose enjambe Bilitis et saute du pick-up en lançant :


— Je vais chercher mon appareil photo, alors ! Donne-moi la clef, Bilie !


Tandis que nous regardons Rose pénétrer à l’intérieur de l’immeuble, Bilitis grommelle :


— Il va falloir que vous choisissiez, Louka.


Je me retourne et, interloqué, plante mes yeux dans les siens.


— Que dois-je choisir ?


— Entre elle et moi. Malheureusement, moi, je l’ai choisie, elle ! Je l’ai partagée avec vous dans la seule perspective qu’elle réalise qu’elle m’aimait. Aujourd’hui, je me rends compte que vous ne savez pas où vous en êtes, ni elle, ni vous ! Qu’est-ce que je deviens, moi ? Vous êtes-vous soucié une seule seconde de ce que je ressens ?


Je baisse l’échine, passe la main sur ma nuque, conscient que ses propos sonnent juste. J’ignore ce que je veux, je suis Rose au masculin, en fin de compte. Ce dont je suis persuadé c’est que, dans peu de temps, le destin tranchera pour nous.


— Bien qu’elle affirme le contraire, elle est sur le point de repartir, Bilie et vous le savez. Ses parents auront bientôt connaissance de cet article. Ils viendront chercher leur fille à l’agence, chez vous ou bien chez moi.


Je pose la main sur la sienne et termine :


— Profitons des dernières heures qu’il nous reste avec elle. Quand elle se sera envolée, nous verrons ce que l’avenir nous réserve.


— Elle reviendra… pour le procès.

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38

38 commentaires

clecle

-

Il y a 2 ans

J'adore les personnages indécis ! Et pour cela Louka me plait trop. Même si Rose a ce côté-là aussi, ça se voit tout particulièrement chez son double masculin. Louka préfère donc laisser traîner les choses - ou laisser faire le destin plutôt que prendre une décision. Ça le rend très humain au final.

cedemro

-

Il y a 2 ans

Au moins, Bilitis reste posée dans sa réaction, cela me rassure un peu. Par contre, je ne crois pas que le père de Rose la ramènera de force en France...

Mylee R.

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Il y a 2 ans

Aïe aïe l’étau se resserre sur Rose!! Entre Bilie qui se montre très possessive, ses parents qui ne vont pas tarder à la retracer et un futur témoignage dans un procès maintenant!! 😰

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 2 ans

Mais c'est pour toi, bonne nuit ma Vero.

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 2 ans

Alors ma Véro? T'ais-tu carra...paçonnée? Mais tu cara...cole en tête! Tu cara...fasse avec splendeur, laissant en cara..fe les autres derrière toi. Attention aux caram...bolages et au déclenchement des cara...ctériels! Faut dire que tu en as cara...mélisait quelques-unes.Il faudra te cara..pater au moment où tu Car..boniseras celles qui pensent encore ne pas avoir de car..ences. Je suis prêt de toi carr...ément...t'embrasse ma copine.

Véronique Rivat

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Il y a 2 ans

Quel joli poème JM ! note-Le dans un coin ! Comment tu fais ? C'est trop beau ❤❤❤

Narélia L

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Il y a 2 ans

Oula billie est jalouse elle m’a un peu énervée quand même 🤣 j’ai l’espoir que rose se réveille et tienne tête à ses parents s’il décide de venir la chercher. Allez rose affirme toi 👍

Véronique Rivat

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Il y a 2 ans

Ça on peut le dire que Bilie est jalouse et peut-être un peu frustrée aussi 😉 merci beaucoup pour ton soutien Hélène 🌹🌹🌹

FleurDelatour

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Il y a 2 ans

Des chiffonniers c'est bien le terme 🤣. Si Bilie voit juste et qu'on vient chercher Rose par la peau des fesses, j'espère bien que celle-ci s'affirmera ! Elle a vécu bcp de choses en peu de temps, son talent est reconnu. C'est pas le moment de rentrer. Ça lui couperait les ailes.

Véronique Rivat

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Il y a 2 ans

Tu as peut-être raison... si elle s'en va,on se demande comment tournerait la relation entre Bilie et Louka, mais elle a des situations à mettre à plat en France, elle aussi... Les chapitres suivants vont tout nous dire... merci beaucoup Fleur 🌹🌹🌹
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