Fyctia
Résurrection des sœurs damnées
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J’ai du mal à regarder derrière moi pour voir la Bête immonde qui arrive, car les griffes de l’être noir sont franchement plantées dans ma gorge et mon bras droit, m’empêchant de tourner la tête. Elle est là, elle apparaît, prend la forme visible.
Son haleine est toujours autant fétide. Je l’entends respirer du plus profond de sa gorge caverneuse, avec un bruit rauque et grave. Puis ses huit bras terminés par huit grandes et longues pattes griffues s’emparent systématiquement de l’être noir, qui semble désormais ridiculement malingre face au monstre dantesque de mes cauchemars.
La gueule de la Bête immonde s’étire démesurément pour absorber et mordre le crâne hypertrophier de l’être des profondeurs. Celui-ci, lâche subitement son étreinte sur moi, ce qui a pour effet de me soulager instantanément. Mais c’est pour s’emparer des mâchoires de la Bête immonde et tenter de les écarter. Les mâchoires commencent à devenir noire et à pourrir, mais leur puissance finit par l’emporter et se refermer brutalement sur le crâne démesuré de la créature des profondeurs.
En même temps, chacune des grosses mains griffues de la Bête immonde, arrache une partie de son corps. Il se disloque alors en neuf morceaux faisant jaillir une quantité de sang noir épais et nauséabond.
— Alors Pierre as-tu accepté de regarder la réalité en face ? J’ai faim, et j’ai horreur que l’on me dérange pour des futilités.
Tout en parlant, il déguste chacun des morceaux qu’il a arrachés, les mâchant patiemment puis se met à éructer l’air satisfait.
— Cette créature avait un gout rance mais enfin, je ne vais pas me plaindre lorsque tu m’apportes à manger.
Je regarde autour de moi toute la cuisine a subi un véritable chambardement, j’ai l’impression qu’une tornade a tout balayé mais il y a pire mes compagnes de combat sont à terre et ne bougent plus. Mon cœur palpite, j’ai peur du pire.
Et Carole, ou est-elle ? Milène est assise ses bras sur ses genoux, elle regarde par terre l’air assommée. Guerda est plus sérieusement touchée, sa jambe est pendante et son bras est vrillé, elle saigne par la bouche, une forme de liquide jaunâtre qui coule lentement de sa gueule et elle ne parvient pas à se redresser. Hétolie demeure inerte, je me précipite vers son corps sans vie. Je relève délicatement sa tête en tenant sa nuque, elle gémit doucement.
— Tu as dit un jour que vous étiez déjà morte et que, par conséquent vous ne pourrez plus mourir. Regarde Hétolie, si elle n’est pas encore en train d’agoniser alors explique-moi ce que c’est.
La Bête immonde s’approche de nous et pose doucement l’un de ses gros doigt sur la tête d’Hétolie. Elle nous observe, Milène et moi, s’épancher sur le corps abattue de notre sœur d’arme et sangloter doucement, blottis l’un contre l’autre. Guerda s’est hissée péniblement jusqu’à nous en rampant. Nous restons là, tous prostrés face à un être du monde Noir, devant un être de notre monde.
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Dans un vaste espace ténébreux, à l’atmosphère noire d’encre, sous une voûte monumentale ou seuls, de grands personnages majestueux et silencieux, d’allure statuaire ont le privilège d’occuper, s’activent scrupuleusement devant leurs tabernacles luminescents qui éclairent d’une lumière blanche leur visage, les Ambassadeurs du monde Noir qui observent.
Ils voient défiler les épisodes de l’histoire humaine, mais ils viennent pour certains de regarder la terrible épreuve que viennent de subir quatre petits êtres de deux mondes différents, unis face à la destruction des réalités existantes.
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— Que fait-on maintenant Pierre ? demande Milène, tout est foutu maintenant, nous ne verrons jamais la restauration des équilibres de l’univers multidimensionnel.
— Mais non les filles, nous n’allons pas nous décourager, nous devons reprendre courage et nous allons nous battre.
— Pierre écoute, le combat va continuer, mais sans nous, regarde Guerda et Hétolie, c’est fini pour nous, notre chemin d’existence s’arrête là. Va chercher Carole, enfin si elle n’a pas été enlevée comme tous ceux de ta race.
Guerda s’approche alors plus près de Pierre, pour lui demander quelque chose.
— Pierre, je peux te demander quelque chose ? Mes enfants, mes tout petits, que j’ai abandonné un jour par bêtise et égoïsme. Va les chercher dans le monde des profondeurs et sauve-les, je t’en supplie Pierre sauve les et demande leur pardon de la part de leur maman.
Dehors j’entends au loin des cris de fureur qui couvrent à peine les cris de terreur. Les massacres continuent tant que des personnes demeurent dans les rues de Paris et de sa banlieue.
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— Korozan, restructurez la réalité tempo-géo-locale, effacez les dépouilles des êtres des profondeurs avant qu’ils se régénèrent et se recomposent. Envoyez-les comme les autres chez les Artrides dans la salle du niveau zéro des grandes tortures. Que l’on nous emmène l’une d’entre elles, pour l’étudier et connaître ses intentions et sa nature propre.
— Et si nous ne parvenons pas à juguler la déformation de la réalité universelle ?
— Nous devrons faire appel aux Anachorètes, nos Maîtres pour qu’ils détournent notre réalité vers un autre chemin. Mais cela implique la désagrégation de tout ce que nous avons construit. Alors la réalité à la dérive, tombera finalement dans la réalité perdue des êtres des profondeurs. Que les compagnes de Pierre, les trois chasseuses du temple des Damnés reprennent du service, Pierre ne dois pas rester seul, et renvoyez-les chez nous. Le regroupement des troupes du monde Noir sont sur le point de s’achever.
Dans une belle maison de Maître du XIXème siècle, quatre créatures et un monstre s’apprêtent à reprendre leur chemin de retour, les membres disloqués de Guerda se restructurent sous les cris de douleurs et reprennent leur forme initiale, quant à Hétolie, elle semble ranimée par une puissante Energie lumineuse mais si douce à l’œil. La pièce complètement détruite se reforme et tout reprend sa place comme un enchantement. Les trois filles restent bouche bée et tout le monde se regarde. Nous nous prenons dans les bras pendant que la bête immonde rit d’un bruit saccadé et caverneux. Ses huit bras nous étreignant délicatement.
— Les filles et ...euh toi. Euh comment vais-je t’appeler ? Je vais t’appeler « Cauchemar ». Voilà, oui « Mon Cauchemar » ; donc restez là à m’attendre, je vais monter rapidement à l’étage pour voir si Carole m’y attend.
Alors que Pierre semblant tout enthousiaste se précipite vers les escaliers pour les gravir rapidement, Guerda, l’air désolé, parle à ses compagnes et à Cauchemar.
— Elle n’y est pas en haut, elle a été déportée comme tous les autres.
— Qu’est ce qui te fais dire ça… Au putain, la curieuse, tu es allée voir !! lui rétorque Milène.
— Oui à l’instant, juste pendant qu’il te baptisait Cauchemar, répond Guerda en s’adressant à la Bête Immonde. Nous sommes arrivés trop tard !
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10 commentaires
Sand Canavaggia
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Il y a 6 ans
Jean-Marc-Nicolas.G
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Il y a 6 ans