Jean-Marc-Nicolas.G Les Anachorètes Que la bête mange !

Que la bête mange !


Et là, la situation dégénère, l’atmosphère s’imprègne d’une forme de délire ambiant, je vois le regard de ces hommes se troubler. Ils lâchent des cris de frayeur, des cris d’horreur car un grincement épouvantable s’est fait entendre, un peu comme la coque d’un sous-marin qui craque sous la pression des grands fonds.


Le bruit s’intensifie, accompagné d’un grognement inhumain, les tôles s’arrachent et se déchirent, tintés de crissements insoutenables et le Mike qui s’excite de plus belle enfonçant son calibre plus profondément dans ma bouche.


C’est là ! Qu’elle apparaît. La bête immonde, elle est si effrayante, si inquiétante que je ferme les yeux mais le Mike me force à les ouvrir en appuyant constamment son calibre dans ma bouche.

Et je la vois avec sa multitude de bras et ses immenses mains préhensiles aux doigts longs et crochus, pénétrer dans notre espace, s’agrippant par ci, s’appuyant par-là.


Je l’entends déglutir de plaisir et son râle rauque m’est presque familier ! Il y a dans cette vision dantesque une forme de beauté. Celle d’un animal qui n’a pas fait partie de notre évolution des espèces. Elle appartient à un autre ordre, une autre race, elle est issue d’une autre essence. Elle est d'un autre monde.


Mais elle est également habitée par une apparence de grandeur, une forme de majesté. Elle occupe bientôt tout le volume du compartiment. Et là, je vois la panique dans le regard de ces mauvais garçons qui s’agitent dans tous les sens.


Elle s’empare subitement de chacun d’entre-eux sans même y porter une attention précise. Car c’est sur Mike, mon bourreau qu’elle fixe son intérêt ! Elle n’a pourtant pas d’yeux. L’étreinte de ses grandes mains se resserrent inexorablement sur les corps de ces pauvres bougres. Ils sont pris de convulsions, leur visage se déforment horriblement par la douleur.


C’est une horreur, la bête porte tour à tour chacune des victimes dans sa gueule dentée pour y arracher les têtes et les croquer. Le bruit semblable a une noix qui casse sous les dents se fait entendre.


Mike se redresse et tire frénétiquement sur la créature, il vide son chargeur en quelques secondes, la bête demeure imperturbable, semblant étrangère à la douleur des balles.

Au contraire, leurs impacts dans sa chair l’ont bien plus énervée, elle saisit brutalement sa proie, qu’elle soulève en l’air puis d’une dextérité incroyable, elle le lâche pour le ressaisir par les pieds et le pendre, la tête en bas.


Elle l’observe un court instant penchant son large crane sans yeux, à droite puis à gauche et le porte subitement dans sa gueule. Elle apprécie tout particulièrement chacun des morceaux de viande qu’elle découpe soigneusement avec ses longues dents en forme de rasoir. Elle les mâche avec contentement et délectation. Je ferme les yeux pour ne pas voir çà.


J’entends les os craquer et le déchirement des chairs, j’ai envie quand même de regarder, saisi d’une curiosité malsaine. Un malaise m’habite, celui d’y prendre un malin plaisir. Le monstre termine son sinistre repas. Elle lèche avidement le sol noyé de sang et de viscères !

Elle s’adresse à moi.


— « Je lui ai demandé de regarder les choses en face, d’affronter la vérité de sa nature mais il a refusé. Tu es d’accord avec moi ? Alors, je l’ai mangé ! » - Elle termine la phrase avec un hoquet puis elle éructe avec soulagement dégageant sur moi une odeur pestilentielle. –


Oui ! Mais alors et les autres ? Curieusement, je pense que cette chose devrait avoir une hygiène dentaire. C’est curieux comme parfois on peut avoir des pensées hors du contexte !

Je me demande à présent ce qu’il va advenir de moi. Vais-je servir également de repas ? Mais je ressens un lâche soulagement, après tout, la bête m’avait soulagée de ces crapules ! Comme la fois précédente, elle » semble » m’observer, elle oscille à nouveau son large crane et se saisit de moi par la gorge ! !


— « Alors Pierre, nous avons le plaisir de nous revoir ! Comment te portes-tu ? Soignes-tu tes névroses ? Regardes-tu les choses en face ? Connais-tu ta vraie nature à présent ? «


Je sens ses griffes s’enfoncer dans ma chair, je ressens comme l’autre fois de la douleur mais du plaisir aussi. Puis ses gros doigts, poilus et griffus desserrent l’étreinte à ma gorge et mes bras. J’entends encore sa voix dans mon esprit.


— « J’adore la chair humaine, particulièrement celle des voyous ! Surtout les abats et les testicules. L’esprit tourmenté et malsain de ces êtres rendent le goût de leur chair plus faisandé, plus fétide, plus pestilentiel ! C’est pour moi une farandole de plaisir gustatif, un bonheur, une délectation ! Surtout lorsque j’absorbe leur mauvais esprit ! C’est un contentement ! La félicité. »


La bête se retire, elle part comme elle est arrivée d’une façon feutrée. Malgré le bruit des tôles aux formes tourmentées. Je comprends qu’elle est aussi un prédateur des âmes, mais je ne cerne pas encore pour quelle raison je ne lui ai pas encore servi de repas.


Le ciel noir et orageux se met à disparaître, les humanoïdes fait de cendre commencent à se dissoudre en tourbillon de poussières noires se perdant dans l’atmosphère. Au loin, j’ai juste le temps d’entrevoir les Artrides et leurs » chiens de chasse » qui se dirigeaient vers le train mais finalement disparaissent avec le paysage comme effacés par cette gomme invisible.


Je constate que mon nez n’est plus cassé, je n’ai plus de sang sur ma veste ou mes vêtements, je ne ressens plus de douleurs.


Le grincement des tôles tordues et arrachées de la voiture N°6 dans laquelle nous avions embarqués, reprennent leurs formes initiales. Elles semblent comme par magie se ressouder et se reriveter spontanément.


Les voyous ont disparu, la lumière est revenue, le paysage verdoyant a repris sa place. Le train poursuit sa course, j’observe les gens autour de moi, ils semblent avoir retrouvé vie. Ils paraissent avoir oublié le passage des barbares. Je m’aperçois également que le temps présent ne s’est pas interrompu, malgré cette interruption de près d'une demi-heure.


Le train finit sa course paisiblement et arrive à l’heure exacte. Je suis à la petite gare de banlieue où réside Carole, il est presque midi. Je décide de m’y rendre à pied. Sa maison n’est pas très loin de la gare, à un quart d’heure. La marche dans ce quartier résidentiel est agréable. Je m’arrête chez un petit fleuriste pour lui prendre un bouquet.


J’arrive devant son portail noir, je sonne, elle va m’ouvrir. J’entends son pas sur les graviers qui s’approchent, le portail s’ouvre et Carole souriante m’apparaît. Je remarque plus que d’habitude son joli visage et ses grands yeux vert émeraude qui s’illuminent en me regardant.


Elle me prend dans ses bras et me donne un baiser sur ma joue droite, j’ai plaisir à sentir son parfum. Je lui tends mon petit bouquet de fleurs champêtres qu’elle s’empresse de serrer contre son cœur. Elle feint d’être surprise et s’exclame.


— « Oh ! C’est pour moi ! Que tu es mignon. »

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14 commentaires

Leoden

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Il y a 6 ans

j'ai du mal a le lâché, tellement de question ce pose. tu l'as compris je suis accro ^^

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 6 ans

Peut être est ce le monde Noir qui s'est saisi de toi.

Sand Canavaggia

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Il y a 6 ans

Un titre encore évocateur et digne du début de chapitre, c'est affreux. Après le temps est froissé et finalement c'est un peu comme si toutes les agressions n'avaient pas existées, et voilà notre Pierre la bouche en cœur qui sort du train avec seul à avoir le souvenir du moment, sans aucunes marques sur lui et qui se dirige vers Carole avec des tourments, ce que je peux comprendre en plus il a les mains vides et se dépêche pour aller chercher un présent, on dira une galanterie expéditive.

Carmin

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Il y a 6 ans

trop bien ce switch temporel et d'univers, ça ma fait un peu penser à Silent Hill ! Le changement de ton, d'ambiance est très intéressant. Merci.

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 6 ans

Toi aussi tu te gargarises avec des œuvres comme Silent Hill

Carmin

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Il y a 6 ans

Il y a plus de dix ans maintenant

Helen Mary Sands

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Il y a 6 ans

voilà, je viens de lire ces dix premiers chapitres d'une traite, c'est fantastique ! je dois m'interrompre pour aujourd'hui mais je trouve ça très drôle que ma lecture se termine par le mot : "MIGNON" !...

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 6 ans

Oui comme un petit clin d’œil
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