Fyctia
Chapitre 33 - Kaël
Je suis debout, figé et dévasté, tandis que Micka me demande ce qui m’arrive. Ma respiration est si rapide que je peine à reprendre mon souffle. La fille que je baisais il n’y a pas une minute m’observe alors que je recule d’un pas, ne comprenant pas ce qu’il vient de se passer. Zoé…
Elle m’a vu.
Que faisait-elle là ?
Elle m’a vu.
Son visage qui m’exprime toute sa désolation.
Elle m’a vu.
Ses mains qui se resserrent sur Lilou.
Elle m’a vu.
Son cœur qui se brise.
Elle m’a vu.
Ses yeux qui se baignent de larmes.
Elle m’a vu, putain !
Je hurle de rage. J’ai envie de vomir et je titube lorsque je sors du studio pour me ruer dans le vestiaire, espérant m’habiller au plus vite et la rattraper. Micka est sur mes talons.
— Kaël, qu’est-ce qu’il se passe ?
— Elle m’a vu, Micka. Elle m’a vu !
— Qui ? C’était qui cette fille ?
Je ne réponds pas. La tempête bouscule les pensées dans mon esprit. Je tremble en enfilant mes vêtements et me retourne vers le casier où je range ma sacoche. Je réalise que Zoé ne devrait pas tarder à atteindre le métro, alors je me mets en quête de mon smartphone pour l’appeler et la supplier de m’attendre. Mon cœur bat trop vite, je suis essoufflé et dès lors que je constate que mon téléphone n’est pas là où il devrait être, je balance ma sacoche à travers la pièce.
— Kaël, putain, qu’est-ce qu’il se passe ?
— Où est mon portable ?
— Tu le laisses toujours dans ton casier, tu ne le trouves pas ?
— Non, Micka, bordel !
Je récupère ma sacoche sur le sol et rejette un œil dedans. Après tout, je suis si remué que j’ai pu passer à côté. Mais rien. Je retourne le casier. Rien. Je parcours le studio au pas de course et regarde partout autour de moi. Toujours rien, putain !
— Je dois y aller, annoncé-je à Micka, qui a compris que ce n’est pas le moment de protester.
Je cours jusqu’à la station de métro. L’image du visage affligé de Zoé est imprimée dans mes rétines et m’empêche de voir tout ce qui m’entoure. Ma gorge se serre en me remémorant ses larmes silencieuses, mon cœur est en morceau de l’avoir fait souffrir. Mais pourquoi était-elle là ? Comment a-t-elle su où je me trouvais ?
Ces questions me rendent fou. Je parviens à mon immeuble, haletant, et grimpe les escaliers en courant. À peine suis-je arrivé sur le palier que je tape à la porte de Zoé.
Plusieurs coups, mais aucune réponse. Je colle mon oreille à la porte. Pas un bruit. Je frappe encore, et plus je le fais, plus ma main se fait douloureuse. Je retiens un cri alors que je tambourine maintenant des deux poings sur cette putain de porte.
— Arrête, Kaël, entends-je de l’autre côté.
Sa voix… Elle m’apaise, mes bras tombent le long de mon corps.
— Zoé, je…
— Écoute, j’allaite. On parlera de tout ça plus tard.
Non… non, non, non ! Je ne veux pas. Je dois tout arranger. Mes doigts se fourrent dans mes cheveux que je tire tant je suis chamboulé.
— Faut qu’on parle maintenant, s’il te plaît, Zoé.
— Pas tout de suite, Kaël, je t’en prie.
Son timbre qui se brise me fait vriller. Je colle mon front sur la porte et inspire, car je vais étouffer.
— Zoé…
— Plus tard. Je t’en supplie.
Je retiens les larmes qui me montent aux yeux. Je murmure encore son nom, avant de reculer et de rentrer chez moi. Puis je reste planté là, au milieu du salon, la gorge nouée et luttant contre ma nausée. Mes poings se serrent. Mon regard se porte sur une étagère. De rage, je balance tout son contenu à terre.
Je crois que j’ai passé une heure sous la douche à me frotter si fort que j’en ai la peau rougie. Le visage éploré de Zoé ne quitte pas mon esprit quand je me glisse sous les draps. C’est pire lorsque, plus tard, j’entends Lilou pleurer et que je l’imagine se lever et prendre soin de sa fille, présumant des tourments qui doivent l’habiter. À cause de moi…
Je plaque mes mains sur mes yeux qui luttent pour ne pas laisser déborder mes putains de larmes alors que j’ai envie de hurler. Je me tourne et me retourne encore dans le lit. Je pense et repense et je serre les poings si fort que mes phalanges blanchissent.
Que faisait-elle au studio ? Comment a-t-elle su ? Est-ce que c’est la fin ? Elle qui n’a jamais voulu voir ne serait-ce qu’une vidéo de moi…
Mes songes me ramènent au week-end que nous avons passé tous les deux. À ces moments de complicité, de douceur et de sensualité. À nos rires et à nos caresses. À nos étreintes et à nos baisers. Non, ça ne peut pas être la fin, putain !
Et pourtant, depuis des jours, je n’ai pas trouvé le courage de lui avouer mon départ pour la Californie. Parce que je souhaitais encore et égoïstement profiter du bonheur que j’éprouve avec elle au milieu de cet océan de merde qui m’engloutit. Cette fois, la réalité m’éclate au visage. C’est douloureux. Comment ai-je pu croire être heureux ?
Je fourre mon visage dans l’oreiller et le mords pour m’empêcher de hurler. Soudain, je l’entends derrière la cloison et me redresse aussitôt.
— Kaël, je suis désolée.
Mon souffle se coupe. Mes mains se posent sur le mur qui me sépare d’elle.
— C’est moi qui le suis, Zoé.
Un silence. Il me paraît si long que je retiens l’envie d’aller chercher un marteau et de péter le placo. Mais alors que j’y pense sérieusement, des coups résonnent à ma porte. Je me rue hors du lit et vais ouvrir.
Elle est là. Les yeux gonflés d’avoir trop pleuré. Les miens se baissent sur le sol. Mon cœur se brise. Ses doigts se portent à mon visage et m’intiment de relever la tête. On se regarde. Les mots peinent à passer la barrière de mes lèvres.
— Pourquoi étais-tu là-bas ? murmuré-je.
— J’ai reçu un message de ta part qui m’invitait à m’y rendre.
— On… on m’a volé mon portable. Je ne t’en ai envoyé aucun, jamais je ne t’aurais fait une chose pareille.
— Je sais.
Je lui fais signe d’entrer, mais elle refuse et ne quitte pas mon regard. Quand elle inspire et qu’elle s’apprête à me parler, je sens que la terre s’ouvre sous mes pieds.
— Je suis désolée, dit-elle encore.
— Non, arrête…
— Je suis désolée parce que j’ai toujours su ce que tu fais dans la vie, Kaël, et que je… j’ai…
Elle se tait et ses larmes reviennent baigner ses iris chocolat. Je peine à respirer.
— Je ne t’en veux pas, poursuit-elle après avoir expiré un souffle, mais je… Ce que je ressens pour toi est si fort que…
Elle pleure et je lutte pour ne pas la prendre dans mes bras. Je sais qu’elle ne les accueillera pas, et je reste là, comme un con, la gorge nouée et retenant une nouvelle envie de crier.
— Je croyais pouvoir, poursuit-elle, la voix chargée de sanglots, mais quand je t’ai vu, j’ai cru qu’on m’arrachait le cœur de la poitrine. Je suis désolée…
— Ne le sois pas.
— Je suis désolée, car je ne peux pas.
Le coup de massue qui m’achève. Hébété, je reste là, figé sur le seuil de mon appartement, tandis que Zoé s’approche doucement et m’embrasse sur la joue. Quand elle se tourne pour rentrer chez elle, je sais que c’est la fin et que je suis foutu.
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vic.DS
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Gwenaelle Teyssier
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CelineMaire
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