Fyctia
Chapitre 22.2 Zoé
"— Où est Kaël ?"
Eliot consulte rapidement papa des yeux, puis revient à moi.
— Il est resté toute la nuit de ton accouchement.
— Oh.
— Il est aussi venu hier prendre de tes nouvelles. Je crois qu’il a cru bon de te laisser en famille le temps que tu te reposes un peu.
Je trouve ça touchant, mais je me sens étrangement abattue. De plus, j’ai le sentiment qu’Eliot ne me dit pas tout au moment où il jette un nouveau coup d’œil sur mon père.
— Je suis certain qu’il viendra aujourd’hui, poursuit mon frère.
Je n’ose pas dire que je l’espère.
— Cet homme est... intéressant, déclare papa, tandis que son front se plisse.
À la gêne manifeste qui se lit sur son visage, je devine qu’il est courant du métier singulier qu’exerce Kaël. Ça, je ne l’ai pas vu venir…
— Il l’est, papa.
— J’en suis sûre ma chérie, commente ma mère.
— Il est plus jeune que toi, n’est-ce pas ? continue mon père, qui s’aventure sur un chemin glissant.
— En effet.
— Et il est…
— … Génial, alors arrête avec tes remarques blessantes.
— Oh, mais… je ne voulais pas te blesser, ma puce.
Je vois à son regard que ce n’est pas son intention, mais ce qu’il a dit me reste en travers. Je comprends qu’il s’inquiète. Eliot a fait pareil. Mais j’ai passé l’âge de recevoir des leçons. Même si je peux comprendre leurs griefs quant à la situation de Kaël, je garde en tête que tous deux ne savent rien de lui. Puis je me rappelle que mon père n’a jamais été fan des tatouages. Qu’il n’a jamais apprécié Adam, pourtant vierge de tout dessin sur son corps, et cela même avant que sa véritable personnalité se révèle. En réalité, aucun des hommes que j’ai pu fréquenter n’a eu grâce à ses yeux. Mais Kaël n’est pas comme les autres. Ce que j’éprouve pour lui, je ne l’ai jamais ressenti. Je m’apprête à prendre sa défense quand on frappe à la porte de ma chambre. Et c’est lui…
Il porte un bouquet de fleurs et un ballon de baudruche sur lequel est inscrit « Félicitations ! ». Mes lèvres se courbent à cette attention. Mon cœur s’emballe de le revoir enfin, et mes yeux pétillent de quelques larmes que j’ai du mal à retenir. Depuis l’accouchement, je ne fais que pleurer, et je ne sais pas toujours pourquoi. L’infirmière dit que c’est à cause de la descente d’hormones. Formidable…
Kaël pose le bouquet sur la desserte près de la porte et y attache le ballon. Puis il s’approche doucement. Je ne sais pas s’il a remarqué que ma famille se tenait le long du mur de ma chambre, puisqu’il n’a toujours pas détourné les yeux de moi. Ce n’est que lorsqu’il perçoit le berceau dans son champ de vision que son attention s’incline au-dessus. Le sourire scintillant qui s’imprime alors sur ses lèvres m’envoie tout droit au paradis. Son regard azur se relève sur moi, l’expression chargée de cette expression fascinée, qui me touche tant que, cette fois, mes larmes débordent.
— Elle est parfaite, dit-il, tandis que ses doigts se portent sur mon visage pour les essuyer.
Ma poitrine se gonfle à ces mots.
Quand il se penche sur moi et que sa bouche s’approche enfin de la mienne, un raclement de gorge retentit derrière lui. Eliot…
— Salut, Kaël.
Ses yeux s’écarquillent. Je devine qu’il prend enfin conscience de la situation. Il se redresse et secoue la tête, avant d’aller serrer la main à mon frère, et à mes parents.
— Pardon, je…
— Vous étiez dans la lune, mon garçon, lance ma mère en souriant.
— Oui, je… j’avais hâte de voir comme vous vous portiez toutes les deux, déclare-t-il à mon intention.
— À part que je pleure pour un oui ou pour un non, tout va bien, le rassuré-je.
— Tu as l’air si fatiguée…
— À son âge, on récupère moins vite, lâche mon père.
Je le fusille du regard. Oh, je sais ce qu’il fait. Il s’inquiète pour moi et rappelle à Kaël tout ce qui nous sépare. Cette fois, je lui en veux, et à sa mine désormais embarrassée, je crois qu’il a compris que son attitude n’est non seulement pas digne de lui, mais qu’en plus elle m’a blessée.
— Ce qui fait que j’admire tant votre fille, rétorque Kaël d’un ton de celui qui ne se laissera pas décontenancer.
— C’est si mignon ! s’emporte ma mère, dans le but évident de détendre l’atmosphère.
Je souris à son ton jovial, avant de m’interroger sur sa manière de l’observer. Est-ce possible qu’elle ait aussi vu un de ses films ? Seigneur… Puis je me dis que peu importe, car à son expression, je vois qu’elle est tombée sous le charme de mon voisin. Comment ne pas y succomber de toute façon ?
— Je propose qu’on aille boire un café, suggère Eliot à mes parents.
Et c’est soulagée que je les vois quitter ma chambre, me laissant seule avec Kaël, et ma fille.
Un petit silence s’installe tandis que ce dernier observe la porte qui vient de se fermer. Puis il se retourne, ses fossettes marquant agréablement ses traits.
— Je peux t’embrasser maintenant ?
Mon sourire lui adresse ma réponse. Il se penche et pose un baiser sur ma bouche, puis un autre et encore un autre.
— Tu m’as manqué, murmure-t-il contre mes lèvres.
— J’ai eu peur que tu ne reviennes jamais, après…
Il se recule, interloqué.
— … après que j’ai hurlé à la mort dans la voiture et que j’ai mouillé mon pantalon, terminé-je.
Il s’esclaffe et me prend la main.
— Je ne m’y attendais pas, mais je suis heureux d’avoir été là.
Son regard se tourne vers mon bébé et se pose sur l’étiquette qui mentionne son prénom, sa taille à la naissance et son poids.
— Lilou, dit-il seulement.
À croire qu’il fallait qu’il l’appelle pour que ma beauté se décide à se réveiller. D’abord un œil, puis deux. Elle cligne un peu des paupières et se met à s’agiter.
— Elle doit avoir faim, remarqué-je, tu veux bien me l’amener ?
D’abord, il se tend à cette idée, puis se lève avec hésitation et prend une inspiration avant de plonger ses bras dans le berceau. Il prend bien garde à en laisser un derrière la tête de Lilou et la soulève, son corps crispé exprimant sa crainte de la faire tomber. Je me pince les lèvres pour ne pas sourire, car je trouve cette scène adorable. Quand je lui prends des mains, son visage marque le soulagement. Lorsque je sors mon sein pour lui donner, ses yeux s’arrondissent. Je rougis devant sa mine perplexe, puis me mets à rire, tandis que Lilou se régale de sa tétée.
— Ils sont… ils sont gros, me taquine-t-il.
— Énormes, tu veux dire ! corrigé-je. Ils me font mal, aussi. Mais j’ai la solution, n’est-ce pas ? J’ai deux tire-laits, à présent.
Il rigole en secouant la tête, puis l’allaitement se poursuit dans un silence à peine troublé par les bruits de succion de ma fille. Kaël observe la scène avec fascination. Lorsque son regard se relève sur le mien, le temps se suspend.
Je sais une chose désormais : quoi qu’il arrive entre nous à l’avenir, je n’oublierai jamais ce qu’il a fait pour moi.
Qu’il a été là, pour moi.
78 commentaires
isabellemartinez
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Il y a 2 ans
Di Anna
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Il y a 3 ans
Mouahcf
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Il y a 3 ans
Laurence Chevallier
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Il y a 3 ans
SiennaPrattOverDark
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Laurence Chevallier
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Il y a 3 ans
Stephanie Benoit
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Laurence Chevallier
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Wonder Gi
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Il y a 3 ans
Laurence Chevallier
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Il y a 3 ans