Fyctia
Chapitre 10.1 Zoé
Depuis quand je n’ai pas passé de moment si agréable ? Je me le demande, tandis que j’écoute Kaël m’expliquer qu’il vit à Montmartre depuis trois ans.
— Et tu as commencé le X quand ? osé-je.
— Cinq ans. Mattéo et moi travaillions comme serveur au Petit Montmartre, avec Axel.
— C’est une curieuse transition.
Le coin de ses lèvres se courbe. Une fossette se dessine sur son visage d’une beauté affolante. En réalité, je mène la conversation, parce que je ne me remets toujours pas d’avoir accepté de le prendre en photo. Je repense à mon matériel entreposé dans la cave d’Eliot, et au fait que je n’ai pas touché un appareil depuis si longtemps que je crains d’avoir perdu mon talent. Car j’étais plutôt talentueuse dans mon domaine, à l’époque où je travaillais pour le Glob’trotteur. Je ne m’en suis pas vantée devant Kaël, mais moi aussi j’ai gagné un prix. On m’a alors contactée pour intégrer mes clichés dans divers magazines et j’ai empoché beaucoup d’argent. Économe, je n’ai quasiment rien dépensé durant ma relation avec Adam. Sa situation suffisait, disait-il. Finalement, je devrais le remercier d’avoir refusé mon fric, c’est grâce à lui que je peux me permettre de vivre à Montmartre, aujourd’hui. Mais après la naissance du bébé… que vais-je faire ? J’évite d’y songer, car cela me donne le sentiment que la terre s’ouvre sous mes pieds. Le futur me paraît comme un abîme sans fond, et j’ai peur. Bon sang, oui j’ai la trouille. Comment se fait-il que j’aie perdu toute confiance en moi ? Kaël se fourvoie s’il pense que je vais assurer avec ces photos. Un vrai photographe de mode ferait mieux l’affaire. Je me promets de le convaincre de renoncer à cette idée, tandis que les plats sont servis. Une partie de moi doit aussi avouer que la perspective de le photographier nu m’étreint d’un sentiment étrange. Je n’ai jamais… Enfin, si… j’ai déjà peint des nus à l’époque de mes études, mais je ne les connaissais pas !
— Mattéo et moi avions besoin de thunes, continue Kaël, loin de se douter où mes pensées m’emmènent. On vivait tous les deux en banlieue où nous avions pris une coloc durant un temps. Il aimait ramener beaucoup de filles, et…
— Et ?
— Il m’arrivait de profiter, tu vois.
Il se gratte la tête en m’avouant cela, et ébouriffe un peu plus sa crinière indisciplinée.
— Tu rougis ? remarqué-je, amusée.
— Pas du tout !
— Enfin, Kaël, tu avais vingt-et-un ans, c’était normal que tu profites de la vie. Ça serait normal que tu en profites toujours, d’ailleurs.
Son sourire charmant s’estompe lorsqu’il commence son plat.
— Et donc, poursuivis-je, qu’est-ce qui vous a amenés à devenir acteurs ?
— Une des filles que Mattéo a ramenée était la cousine de Micka, un réalisateur bien connu dans le milieu. Une danseuse de cabaret. Elle nous a dit avoir été impressionnée par nos prouesses et notre capacité à… bander longtemps.
Je manque de cracher mon morceau de bavette ! Je serre la mâchoire pour ne pas m’esclaffer. Kaël esquisse un nouveau sourire en coin et passe sa langue sur sa lèvre inférieure. J’ai constaté qu’il avait trop tendance à faire ce geste. A-t-il remarqué que j’ai dégluti ?
— Toujours aussi gênée à ce sujet ? dit-il.
— Je ne le suis pas, réponds-je.
— Cette fois, c’est toi qui rougis.
— On ne sort pas ensemble tous les deux, rétorqué-je, alors je ne vois pas pourquoi cela m’embarrasserait.
— Mon activité serait un problème si on sortait ensemble ? demande-t-il.
Mes jambes se liquéfient sous la table. Pourquoi ai-je la sensation que cette question provoque une envolée de papillons dans mon ventre ? Il fait du hard, bordel, Zoé !
Il est temps de me reprendre et de déclarer :
— Je ne me vois pas avec un homme qui couche avec d’autres femmes, quand bien même ce serait son métier.
Il penche la tête sur le côté, nullement vexé.
— Je suis heureux de l’entendre.
— Pour quelles raisons ?
— Je n’aimerais pas sortir avec une fille qui accepterait que je la partage avec d’autres femmes, moi non plus.
C’est alors que je lève mon regard qui s’ancre au sien. Et le temps se suspend, comme les particules de poussières qui volent autour de nous. Comme les mots que nous venons de prononcer. Et nous nous sourions…
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bianca2sassy
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Il y a 2 ans
AGNÈS
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Il y a 2 ans
40books
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Il y a 3 ans
Gwenaelle Teyssier
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vertdemousse
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Laurence Chevallier
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Laurence Chevallier
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Le_monde_livresque_de_delf
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Laurence Chevallier
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Il y a 3 ans