Fyctia
Chapitre 5.2 Kaël
Quel enfoiré abandonne la femme qui porte son enfant ? Cette nouvelle question menace de franchir mes lèvres, mais l’arrivée d’Axel me retient de la poser. Zoé ne lui prête aucune attention et continue de m’observer attentivement.
— Tu as quel âge, Kaël ?
Je souris, également curieux de connaître le sien.
— Vingt-six ans, et toi ?
Je serre la mâchoire pour ne pas me marrer quand je la vois déglutir. Je crois deviner qu’elle regrette amèrement sa question.
— Je suis plus âgée que toi.
— De quoi, cinq, six ans ?
Ses épaules s’affaissent. Son visage se crispe. Elle fait un geste avec la main qui me fait signe d’élever les enchères.
— Huit ?
Elle secoue la tête.
— Neuf ?
Sa main frappe maintenant son front.
— Dix ?!
— Chut ! murmure-t-elle après un gloussement. Oui, dix ans, espèce de jeunot !
Cette fois, je ne peux réprimer mon amusement.
— Quoi ? demande-t-elle, interloquée.
— Tu as dit « jeunot ». Qui dit ça ?
Ses yeux s’écarquillent. Sa main gifle gentiment la mienne.
— Les femmes de mon âge disent ça !
— Les hommes de mon âge se moquent de ça !
Ma phrase n’a pas sonné comme je le souhaitais, bien que le regard amusé de Zoé se mue en surprise.
— Je veux dire que… tu ne fais pas ton âge. Mais tu fais très enceinte.
Elle pose ses yeux sur son ventre et le caresse à nouveau avec ses doigts.
— C’est le cadeau que m’a laissé Adam. Je n’avais pas prévu que cela se passerait comme ça, pour ce bébé et moi.
— C’est un garçon ou une fille ?
— Je ne sais pas.
— Tu n’as pas voulu le savoir ?
— J’aime assez l’idée de le découvrir à la naissance.
J’aime assez l’idée aussi.
— Tu fais quoi dans la vie, Zoé ? m’enquiers-je, après une nouvelle gorgée de café.
— Je… enfin j’étais photographe. Photographe paysagiste.
— Pourquoi « étais » ?
— J’ai arrêté il y a deux ans. Adam estimait que… qu’il fallait que je cesse de voyager.
Je me tais en apprenant cet élément de sa vie privée. Elle n’a peut-être pas envie de s’épancher. Mon opinion sur son ex se confirme. Je crois qu’elle est mieux seule qu’avec ce sale con.
— Pardon de me montrer curieux, dis-je. Je ne veux pas être intrusif.
— Non, ne t’excuse pas. Tu m’as porté secours hier soir. J’ai paniqué et tu m’as apaisée. Et puis… dans le mesure où tu as entendu mon médecin dire « Le col ne montre aucun signe de dilatation », on peut considérer qu’on a passé un cap dans l’intimité, tu ne crois pas ?
J’éclate de rire et manque de cracher ma lampée de café. Son humour me plaît.
— Et toi, que fais-tu ?
Mon rire se dissipe aussitôt. En temps normal, je dis ce que je fais à mon entourage sans vraiment me poser de questions. Mes proches connaissent mes activités, comme la plupart de mes amis. Quant aux femmes… Cela fait si longtemps que je n’ai pas eu l’occasion de discuter avec une nana qui ne travaille pas dans le porno que je ne me souviens pas d’avoir un jour été gêné d’en parler. Pourtant, l’idée de dévoiler ma profession à Zoé a quelque chose de très embarrassant. Je n’ai étrangement pas envie qu’elle me juge.
— Tu tues des gens ou quoi ? rigole-t-elle face à mon hésitation.
— Non.
J’expire un souffle, puis me lance.
— Je suis acteur dans l’industrie du X.
Sa mâchoire va se décrocher. Sa respiration s’est bloquée. Ses yeux se sont écarquillés. On peut au moins lui reconnaître qu’elle ne s’embarrasse pas de dissimuler ses émotions. Son regard se plante dans mien, puis s’attarde lentement sur mon torse et mes bras, pour en revenir au visage.
— Sérieux ?
J’opine deux fois de la tête. Ses mains se portent à ses lèvres qui esquissent un grand sourire.
— Oh, la vache !
Un rire m’échappe. Sa réaction est rafraîchissante. Les filles prennent souvent peur quand je révèle mon boulot. Je réalise que Zoé est plus mure que celles que j’ai l’habitude de rencontrer.
— Wow ! Alors ça, c’est original comme métier.
— Photographe n’est pas très habituel non plus.
Elle glousse encore une fois, puis se pince ses jolies lèvres.
— T’as tourné beaucoup de films ?
— Beaucoup.
— Et tu… es capable de tenir combien de temps, au max ?
Je pouffe, amusé par l’expression goguenarde qui accompagne cette question.
— Des heures.
— Seigneur, j’espère que nous ne coucherons jamais ensemble ! lâche-t-elle, effarée.
Ma surprise est totale. En général, c’est plutôt quelque chose qui impressionne et qui provoque la convoitise. La spontanéité de Zoé est singulière. À la tête qu’elle fait, je conclus qu’elle regrette soudain ce trait de caractère.
— Ne le prends pas mal, Kaël, tente-t-elle de se rattraper, les joues cramoisies, mais des heures à faire l’amour… Non… Non, vraiment pas.
Sa remarque me laisse coi. Puis je m’esclaffe à nouveau devant son air faussement blasé. Lorsque je me reprends, un sourire en coin glisse sur mes lèvres, et je dis :
— Peut-être est-ce parce que tu n’as jamais rencontré un homme qui sait s’y prendre avec toi ?
Cette fois, c’est elle qui en reste pantoise.
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Pauu_Sweeney
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Il y a 2 mois
Ersi_bookaddict
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40books
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Sabrina A. Jia
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Laurence Chevallier
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Laurence Chevallier
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