Fyctia

J’ai essayé d’appeler Marta quatre fois, et son mari tout autant. Je n’ai évidemment eu aucune réponse.

Au bout de plusieurs minutes où je me renferme avec mes pensées, je ressens vraiment l’envie d’aller sonner chez eux et me rendre compte moi-même que la maison est vide. Une petite voix dans ma tête me souffle qu’ils n’ont peut-être pas entendu qui que ce soit toquer ce matin, sans même penser que la police a déjà fouillé les lieux.

J’enfile un sweat à la va-vite avant de changer d'avis, prête à m'engouffrer sur leur terrain, quand on sonne à ma porte.

C’est Arnaud qui va ouvrir et quand je reviens dans le salon, je le trouve en pleine conversation avec un lieutenant de police. Il se tourne vers moi qui reste dans le hall et me fait signe de venir. C’est moi que les policiers attendent. J’appréhende un peu ce moment, même si je suis presque sûre qu’ils ne me diront rien sur ce qu’ils savent.

– Bonjour Mademoiselle, nous venons vous interroger en rapport avec la disparition de vos voisins. Quand les avez-vous vus pour la dernière fois?

Je détaille le policier de haut en bas un instant, assez impressionnée par tout ce qu’il se passe devant moi, puis je m'appuie contre l’encadrement de ma porte en comprenant que l’interrogatoire risque de durer un petit moment.

– Il y a deux jours. Je gardais leur fils de quatre ans.

Je vois son collègue hocher la tête en prenant des notes de son côté sur un petit calepin.

– Vous ont-ils dit qu’ils devaient quitter la maison pour une quelconque raison?

Je secoue la tête d’un air sérieux.

– Non, je devais les voir demain soir. Ils n’avaient pas prévu de partir tous ensemble, encore moins sans leur voiture.

Je m'arrête un instant en repensant à la Porsche devant leur maison.

– Ils n’avaient pas d'autre voiture. Ils ont vendu l’ancienne il y a peu et il ne leur restait que le Macan, précisé-je pour qu’ils aient toutes les informations afin de mener à bien leur enquête.

Quand le policier me demande si je suis sûre de ça, j’acquiesce vivement. Leur garage est vide désormais, ils ne s’en servent que pour stocker quelques affaires et les jouets d’Alexis.

– Je vais vous poser une question qui pourra vous paraître un peu inquisitrice…

Je secoue la tête avant qu’il ne finisse sa phrase. Ne voulant manquer aucun élément sur ce que je pourrais penser, il s’arrête volontairement, m’invitant d’un signe de la main à poursuivre.

J’expire doucement en fuyant son regard, posant les yeux sur l’entrée de leur propriété.

– Vous me demandez si je suis au courant de quelconques problèmes de couple? Non, rien. Pas de violence, pas d'éloignement, ils semblaient tous unis et avaient l’air de s’aimer.

Le policier me fixe encore quelques secondes et je comprends, quand je me décide enfin à le regarder, qu’il en attend plus.

– Leur enfant ne m’a jamais rien dit. Si je savais quoi que ce soit, je vous en informerais. Ne pas savoir ce qu’il se passe m’angoisse de plus en plus.

Ils prennent des notes et j’expire à nouveau. J'espère fortement ne pas m'être fait berner et que le bonheur que cette famille laissait paraître était réel.

– Est-ce que vous avez entendu du bruit hier soir, ou bien dans la journée? Quelque chose d’étrange, inhabituel?

Je lance un regard vers Arnaud qui se tient éloigné sans me quitter des yeux, puis reporte mon attention sur les policiers.

– On n’était pas là. On a décidé d’aller se promener puisque les températures permettaient qu’on mette le nez dehors. Mais…

Je fronce les sourcils en me rappelant d’un détail. Arnaud fait de même mais je comprends que sur lui, ça veut plutôt dire que j’en fais trop et que je vais sûrement dire quelque chose d’inutile.

L’homme en face de moi s’arrête d’écrire et je le sens pendu à mes lèvres. Pourtant, je ne suis pas sûre que l’information que je vais lui donner fasse avancer l’enquête.

– Ils ont un vieux chat qui vient toujours me voir le soir. Hier à 23 heures, il n’était pas là. Et dans les deux heures qui ont suivi, je ne l’ai pas vu non plus.

J’entends Arnaud soupirer et les policiers hochent la tête. C’est son collègue qui retrace mes dires sur papier.

– Ils avaient eu des conflits avec certaines personnes du quartier?

– Non, aucun. Ils étaient appréciés. Je ne leur connais pas d’ennemis, ni personne de leur famille avec qui ils étaient fâchés. D’un autre côté je ne pense pas qu’ils m’en auraient parlé… Je suis désolée, pour moi ils semblaient être la famille parfaite.

L’homme m’offre un sourire bienveillant et son collègue me fait un signe de la tête avant de retourner près de leur voiture.

– Merci Mademoiselle pour les informations. Je vais prendre votre numéro de téléphone au cas où nous aurions d’autres questions, si vous le permettez.

Je hoche vivement la tête, dévouée à participer moi aussi, comme je peux, à l’enquête. Je lui dicte mon numéro qu’il inscrit sur une feuille avant que nous ne nous saluions.

Quand je referme la porte, il se passe exactement ce à quoi je m’attendais.

– C’est n’importe quoi cette histoire de chat. C’est pas parce qu’il n’est pas venu une fois que ça veut dire quelque chose.

Arnaud secoue la tête d’un air dépité avant de se faire couler un café. Dos à moi, alors qu’il est vulnérable, je pourrais essayer de l'étriper, mais je me dis qu’un fait divers suffit pour notre petit quartier tranquille. Je lui fais seulement un doigt d’honneur qu'il n’aura pas la joie de voir, avant de retourner dans ma chambre. De ma fenêtre, je vois leur cour, et je tire légèrement le rideau pour l’observer.

Tout est calme, je n’entends pas un bruit. Contrairement aux autres jours où ça me rassurerait, là c’est angoissant. J'espère que la police les retrouvera vivants, que tout ça n’est qu’un malentendu. Ils sont deux enfants adorables qui n’ont rien demandé à personne, et je crois que je ne m’en remettrais pas si j’apprenais qu’Alexis…

Je pose ma tête contre la vitre en soupirant. Je ne prie jamais, eux si. Peut-être que ce soir, je ferai une exception.