Fyctia

On replonge dans le silence et je fais gaffe ou je mets les pieds pour pas faire de bruit puisqu'il me l'a si gentiment demandé.

On débouche dans une clairière. Elle est légèrement plus haute que le reste de la forêt. Malgré tout, on ne voit rien d'autre que des arbres et le ciel étoilé au dessus de nous.

— Bon, voilà. Demain tu verras, on arrivera dans un coin magique...

— Ok. Sympa ta petite balade. J'en peux plus !

— Va falloir que tu dormes bien parce que... demain on avale des kilomètres.

— Oh noooon, je gémis. J'adore en réalité la randonnée, mais je suis au bout du rouleau à cause du boulot. Je n'ai pas pris un seul jour de congé depuis que je suis arrivée, faisant près de 50 heures par semaine. Et puis il ne faut pas oublier que j'ai changé de pays, de taff, et que tout s'est enchaîné très très vite. Je ne sais même pas comment je tiens en réalité. Peut-être parce que je n'ai pas le choix.

Il me regarde, souris comme si il avait fait exprès de me rendre dingue et de me voir déjà craquer. Purée, lui aussi ne me foutra pas la paix.

— D'ailleurs maintenant, la miss sans rien pour faire un feu, t'aurais fait quoi si j'avais pas pris un briquet ?

Je me redresse légèrement piquée par la fierté :

— Tu veux vraiment le savoir ?

— Ouais, d'ailleurs tu vas me montrer.

— A vos ordres commandant ! et je mime un soldat grotesque avant de poursuivre : C'est classe de faire bosser les stagiaires pendant qu'on glande !

— Si tu continues, c'est toi qui ramène aussi à manger !

— Ok ok ok !Je pars chercher du bois !

Je repère de l'amadou, un champignon qui pousse sur le tronc des arbres, c'est le coeur qu'il faut prendre et de la mousse de lichen bien sèche, je prends des tas de brindilles, du petit bois etc... J'ai trouvé aussi des feuilles d'écorce de boulot au sol. Je les ramasse aussi. Ce sera ma base pour allumer.

Je ramasse des pierres puis je prépare un foyer en nettoyant bien tout autour. Je ne veux pas mettre le feu à la forêt. Il fait hyper chaud.

Cet hiver il faisait -12 et le lac Michigan était gelé. C'était magnifique. Maintenant il fait plutôt 36 en moyenne, on crève de chaud en été.

J'ai choisi un endroit où le vent ne souffle pas du tout. Et je ne le ferai que petit. Hors de question de prendre le moindre risque. Juste pour réchauffer ou cuire notre repas.

Je m'assoie et m'échine à frotter un morceau de bois dur sur du bois plus léger et sec sur lequel j'ai mis l'amadou et les herbes fines et seches autour.

J'ai mal aux bras mais je m'efforce de poursuivre, j'ai senti la chaleur du bois sous les frottements. Si je persévère, j'arriverai peut-être au point de combustion. Une légère fumée arrive. Ca fait au moins 20 minutes que je m'échine. Et là, je vois le premier point rouge, je fais un petit cri de victoire ! Je souffle, tout doucement. Un filet juste pour le faire rougeoier un peu plus mais il s'éteint. J'étouffe un cri de déception.

Je grogne et je repars sur mes frottements avec encore plus de vigueur, je frotte et là, la fumée s'élève plus franchement, je continue et magie. je vois ma toute première petite flamme s'élever alors que je souffle sur ma boule d'herbe seche. J'ai une boule d'émotion qui monte dans la gorge et j'ai les yeux qui brillent.

Je lève la tête et je découvre que Zach m'observe juste à côté. Je ne l'avais pas entendu revenir. Il a ramassé des baies et des herbes. Je lui souris et je rajoute vite d'autres brindilles, et place le tout dans le foyer.

Le feu s'élève très vite, mais je ne veux pas qu'il monte trop haut. Une fois rassurée qu'il est correctement parti, je m'effondre en arrière sur le dos, les bras et les jambes en croix pour dénouer mes jambes restées accroupies pour le feu pendant une heure.

Purée J'en peux plus. Mais je suis hyper fière et surtout j'ai passé un super moment. Je me redresse et m'assied en posant ma tête sur les genoux.

Zach se rapproche, il ne dit rien mais me sourit.

Du coup, je suis encore plus émue, j'aimerai qu'il me fasse un gros câlin, un câlin de frère. Mais je n'ose pas le lui demander, je ne veux pas qu'il se méprenne non plus.

Je déglutis ravalant discrètement mes larmes.

— Heyyyyyy ! Viens là ! T'es en manque d'affection toi !

— Zach, arrête, je veux pas !

Mais il ne m'écoute pas et me serre fort contre lui. Ses bras m'entourent et je ne peux plus m'échapper. Je me retrouve le nez collé contre lui. Son geste est plein de franchise, amical et bienveillant. Je respire le nez dans son tshirt et sens son odeur affolante. J'ai tout à coup l'impression que je ne suis plus à ma place, parce que j'ai bien d'autres idées qui me viennent en tête.

— OK, euh, merci...

Il ne dessère pas son emprise, mais me dis d'un air moqueur :

— J'suis là pour tous les câlins que tu veux tu sais !

Je redresse la tête et le voit me regarder avec l'oeil brillant de malice

— Oui, je sais, mais te fais pas de fausses idées.

— Je ne fais que proposer ma belle. Allez, je sais que t'as juste besoin d'un câlin gentil, je vais pas t'embêter plus. Ca me fait du bien aussi de crapahuter comme ça avec une fille qui sait marcher. Tu te débrouilles plutôt bien dans la nature, tu as appris ça où ?

— Ah, c'est ma période scoute/survivaliste/à fond sur les hommes préhistoriques... Euh, bon, en gros, je me suis intéressée au sujet.

— T'es vraiment étonnante ! Allez, princesse, il va falloir devoir vite faire un gros dodo.

— Merci Zach, j'avais besoin d'un peu de calme.

— Pas de quoi ma belle. Mais c'est justement dans les moments difficiles, quand on est hors de sa zone de confort qu'on reconnait ceux qui tiendront la route. Et tu assures, je peux te le dire.

— C'est pas du tout l'impression que j'ai. Mais si tu le dis...

— Non, l'objectif c'est que je te fasse le réaliser, que tu en ais la preuve... Donc demain, nouvelles épreuves !

— Oh la la !

— Arrête, tu vas me donner des idées avec tes expressions de sexy frenchie !

— OK OK. Good night. Have a good rest.