Fyctia
Un plan sans faille ?
Panora était préparée, il lui semblait avoir pensé à tout. Elle était méconnaissable, elle avait répété l’histoire de Panionos, son plan était parfait, du moins elle le croyait.
Cela faisait une semaine qu’elle s’entraînait, Panionos devenait de plus en plus réel, Panora s’effaçait au fil des jours jusqu’à ce qu’elle s’oubliât complètement. Elle ne se devinait femme qu’aux moments où elle se lavait et quand elle resserrait ses bandages autour de sa poitrine.
Elle demeurait seule à la maison ce matin-là et préparait le repas alors que Klymene faisait des courses.
Klymene revint les bras chargés de victuailles qu’elle s’empressa de ranger avant de s’adresser à sa fille, l’air paniqué.
— Panora, nous avons un problème, j’ai croisé Monima en rentrant et elle m’a posé des dizaines de questions.
La jeune fille s’arrêta net, elle savait que « Monima » et « problème » étaient deux mots qui se mariaient à la perfection.
— Qu’est-ce qu’elle voulait savoir ? demanda-t-elle.
— Elle m’a dit que cela faisait un moment qu’elle ne t’avait plus vue et elle s’inquiétait pour toi.
— Je crois plutôt qu’elle partait à la pêche aux informations… Que lui as-tu répondu ?
— Je lui ai dit que tu étais restée à la maison toute la semaine pour son entretien, c’était pour ça qu’elle ne t’avait pas vue sortir d’ici. J’étais prise au dépourvu, je ne savais pas quoi dire.
— Tu as bien fait maman ! C’est vrai que je n’ai pas pensé à ça. Avec Monima dans les parages, elle fera vite le rapprochement entre Panionos et moi. Comment allons-nous faire ?
— Je ne sais pas ma chérie, mais en attendant de trouver une solution, tu ne sors pas d’ici et nous ne recevrons aucun visiteur.
Le reste de la matinée se déroula en silence, chacune cherchant comment éluder le problème que posait la commère.
Panora s’en voulait, elle pensait avoir tout prévu et elle n’imaginait pas un seul instant une explication à sa disparition des rues du village et l’apparition simultanée d’un jeune homme. La faille dans son plan était énorme et elle ne trouvait rien pour la combler.
Aetes rentra à midi et vit les mines déconfites des deux femmes de sa vie. À cet instant, accablée par le chagrin, Panora ne prenait pas la peine de transformer sa voix.
Klymene expliqua la situation à son époux qui comprit pourquoi sa fille semblait si dépitée.
— Quelle plaie cette Monima ! Mais au moins elle nous permet de penser aux derniers détails. Sans sa curiosité maladive, tu aurais eu des ennuis.
Aetes souleva un point important et il promit de revenir le soir avec une solution, il avait déjà une petite idée, mais il voulait y réfléchir calmement pour qu’elle fût parfaite.
Panora était triste, elle avait perdu sa joie de vivre, elle repensait à Monima en se disant que cette commère serait toujours en travers de son chemin. Il fallait trouver le moyen de la gruger ou, tout du moins, la détourner vers d’autres histoires croustillantes pour qu’elle puisse vivre sa vie en toute quiétude.
Elle espérait que son père trouvât une idée en rentrant à la maison, car elle avait beau retourner le problème dans tous les sens, rien ne lui venait à l’esprit, cela semblait insurmontable.
Quand Aetes revint le soir. Panora lui sauta dessus, s’agrippant à lui comme au dernier espoir de ne pas gâcher tous les efforts consentis jusque-là.
Il rit et la rassura, il lui proposa de s’asseoir autour du repas car la faim le guettait, mais il promit qu’il avait pensé à tout.
— Alors ? C’est quoi ton idée ? dit Panora, n’y tenant plus.
Aetes sourit, il aimait faire languir sa fille et se complaisait dans son rôle de sauveur de la situation.
— Nous allons jouer au jeu de Monima.
— C’est-à-dire ? Tu fais exprès de me faire attendre ?
Klymene, tout aussi impatiente que sa fille, les regardait avec délectation, elle aimait ces instants complices entre Aetes et Panora.
— Très bien, j’arrête de faire durer le suspense ! Klymene, écoute-moi bien aussi car nous devons être tous d’accord avec l’histoire que nous allons raconter à Monima.
— Elle ne nous croira jamais si on le lui dit directement, tu la connais, elle aime fouiner, chercher par elle-même, tendre l’oreille, répliqua Klymene.
— Laisse-moi terminer, s’il te plaît ! Je sais comme elle est et nous allons justement profiter de ses sales manies. Je vous explique. Demain, quand je partirai travailler l’après-midi, je vais piquer une grosse colère parce que Panora aura fait une bêtise. Toi, ma petite, tu resteras à la maison et crieras ton innocence et ton incompréhension. Je te punirai sévèrement, interdiction de remettre le nez dehors jusqu’à nouvel ordre. Je suis sûr que Monima va nous entendre et c’est là que toi, Klymene, tu joueras ton rôle.
— Qu’est-ce que tu as prévu pour moi ? répondit sa femme, amusée.
Panora avait retrouvé le sourire, elle était ravie de voir que ses parents continuaient de l’aider pour poursuivre son rêve. Même si cela n’avait pas été rose tous les jours, ils mettaient du cœur pour la soutenir et cela la touchait profondément.
— Toi, tu vas sortir un peu plus tard dans l’après-midi, faire quelques achats, Monima ne va pas manquer de te demander pourquoi Panora est consignée. Tu lui diras qu’elle a de nouveau voulu saper mon autorité, qu’elle ne sortira plus de la maison avant très longtemps et qu’elle ne pourra pas recevoir de visite non plus.
— Mais ça n’explique pas pourquoi Panionos vit ici, dit Panora.
— Vous êtes impatiente mesdames ! Quand je reviendrai le soir, j’annoncerai avoir engagé un garçon pour te surveiller et s’assurer que tu ne partes plus de la maison. Tu pleureras très fort de sorte que Monima t’entende.
— Ton plan est tellement élaboré que je me demande si tu as vraiment travaillé aujourd’hui, ajouta Klymene.
Panora se réjouissait de jouer le rôle qu’Aetes lui avait attribué, elle se permit quand-même une remarque.
— Mais si Monima n’entends pas tes cris le soir ? La journée, c’est sûr, elle tend l’oreille et garde sa porte grande ouverte pour ne rien rater, mais peut-être que la soirée elle ne sera pas focalisée sur nous.
— Ton papa a pensé à tout, ma chérie. Je te rappelle que je travaille avec le mari de Monima, elle va forcément l’envoyer se renseigner. Je parlerai de Panionos.
Panora laissa couler une larme de joie et se colla à son père, elle ne voulait plus le lâcher, il venait de compléter parfaitement son stratagème pour passer incognito.
— Encore une chose, dit-il alors que sa fille relâchait son étreinte. Tu vas devoir rester quelques jours ici afin que tout se mette en place et que tout le village soit averti par Monima, mais je peux te garantir que Panionos sera connu avant même que tu ne mettes un pied dehors. Nous devons être patients.
Panora le regarda d’un air entendu. Elle partit se coucher en attendant impatiemment de pouvoir jouer son grand rôle le lendemain.
Une nouvelle étape à franchir, encore une, avant d’intégrer l’école hippocratique. Panora espérait qu’elle fût la dernière.
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Rose Lb
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Karl Toyzic (Ktoyz)
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Sand Canavaggia
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kleo
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