Fyctia
Coquillage 2 (partie 1)
- Je suis Joseph, rédacteur chargé des rubriques sport et culture. Si t'as des questions, va réviser tes cours ou cherche sur Internet, mais t'as intérêt à me foutre la paix.
La présentation sèche et indubitablement hostile du fameux Joseph jette un froid dans la salle. Je ne sais pas quoi répondre à ça. "Ok" ? "Merci pour le conseils" ?
À coté de moi, Marie-Claire, la rédactrice en chef, fronce les sourcils.
- Jo, c'est quoi cette façon d'accueillir la nouvelle ?
- C'est ma façon de me protéger, Claire, répond celui-ci d'un ton décidé. Quand elle va comprendre que je suis le mec le plus gentil du bureau, elle va se mettre à me poser un milliard de questions toutes les deux minutes. Tu me connais. D'habitude c'est avec plaisir que je l'aurais fait, mais là je suis en alerte rouge, alors la nouvelle, tu poses les questions à qui tu veux sauf à moi, compris ?
-Il y a des façons plus gentilles de le dire, réplique la cheffe.
-C'est la plus rapide et la plus efficace, contre-t-il.
Il regarde l'écran de son ordinateur et son visage déjà sévère devient encore plus contrarié.
- Et voilà, à cause de la présentation de la nouvelle, j'ai perdu quatre minutes. À plus !
Sur ce, il porte son casque audio et se remet au travail. Je me demande si la pression ici est telle qu'on ne peut pas sourire les mauvais jours.
Ou c'est juste qu'il supporte pas ta tronche d'imbécile.
Marie-Claire lève les yeux au ciel. C'est une femme de taille moyenne, portant un chemisier à fleurs et un pantalon noir sur de petits talons. Toutes les femmes ici portent des talons, sauf moi.
- S'il te plaît, mets son comportement sur le compte du stress. Il travaille sur un important projet spécial et il doit le rendre dans quelques jours.
Je hoche la tête pour montrer que je comprends, mais le regard méprisant de cet homme a déjà fait son chemin jusqu'à mon coeur.
-Il se fera pardonner quand il s'en sera débarrassé, intervient la grande perche à coté de Jo.
C'est Salim, le rédacteur chargé des rubriques jeux et loisirs. Il arbore un large sourire et ses yeux pétillent de joie. Mais il a des cernes. D'énormes cernes.
Marie-Claire me présente rapidement divers éléments de la salle.
- Voici l'imprimante, on la surnomme Prima. C'est le petit chouchou de tout le monde. Là-bas, le placard. Stylos, classeurs, feutres... Tu trouveras tout ce dont tu pourrais avoir besoin au quotidien. Et s'il n'y en a pas, tu peux faire une demande par mail. N'oublie pas de rapporter les objets à usage commun comme les ciseaux ou l'agrafeuse. Je te ferai le tour des locaux tout à l'heure. En attendant...
Elle s'arrête devant le seul bureau inoccupé et pose une main sur la chaise.
-Voici ta place. Je te laisse prendre tes marques. On parlera de ton travail tout à l'heure.
-D'accord... Merci, je parviens à bredouiller.
La cheffe récupère des documents sur son propre bureau et sort de la pièce.
Je regarde MON bureau. Après avoir posé mon sac à dos, je m'assois sur la chaise à roulettes, et j'ose pivoter sur moi-même, avant de me rappeler que je ne suis pas seule dans la salle.
Enfin. Enfin, je comprends que tout est vrai. Je travaille pour un magazine !
Dans le domaine de l'édition !
J'ai envie de crier, de sauter, de danser de joie. Mais je ne peux pas, alors je me contente de sourire comme une idiote. Ce travail sera dur, je le sens, mais ce sera surtout amusant.
Mon regard se pose sur mon voisin d'en face, monsieur Je-suis-débordé. Il a l'air terriblement absorbé par ce qu'il fait. Il tape terriblement vite sur son clavier. Il a des cernes terriblement marquées. Encore plus que celles de Salim.
Soudain, il lève les yeux et nos regards se croisent.
Merde.
Je sais que je dois baisser la tête, détourner les yeux, faire quelque chose, mais je n'y arrive pas. J'ignore si c'est par peur ou par curiosité, ou les deux.
Nous nous regardons pendant des secondes qui semblent infinies.
Il va t'étriper.
5 commentaires
Ava Montastier
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Il y a un an
EmyDestiny
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Il y a un an
Jeanne Carré
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Il y a un an
blondie.64
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Il y a un an
VelvetRope
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Il y a un an