Fyctia

— Tu sais où dormir ? questionna-t-il en se détournant vers une malle et déposant ses béquilles.

— Non. Pas encore.

— Tu peux dormir ici. Elle est disponible.

Elle se tourna vers lui, touchée par son attention et observa plus attentivement les lieux. Une paillasse protégeait de la terre battue, une lampe à huile était posée non loin d’un amas de fourrure ; cette tente venait d’être préparée pour un Roi ; non pour un rescapé quelconque.

— Mais c’est la tienne.

Tâchant de conserver son équilibre, il attrapa un pot posé sur la malle et l’ouvrit. L’air fut saturé de thym et de citron.

— Qu’est-ce que ça change ? dit-il. Allonge-toi, je vais t’en mettre.

Elle n’obéit pas et le détailla. À rester ici, dans la tente du Roi, les mauvaises langues se délieront.

— Will, je ne vais pas dormir ici.

— On ne se posait pas la question dans la grotte.

— C’était un cas de force majeur. Nous n’étions pas entourés de soldats.

Quelque chose clochait dans son comportement. Ne devait-il pas se sentir soulagé de se retrouver parmi ses hommes ? Pourquoi le sentait-elle si fébrile ?

— Pose-moi ça, fit-elle en lui arrachant le pot des mains et le forçant à la regarder. Qu’est-ce qui t’arrive ?

Son regard bleu cobalt s’ancra au sien, lui arrachant un frisson au passage.

— Je te l’ai dit. Tu es la seule en qui j’ai confiance.

Elle enveloppa ses mains des siennes.

— De nous deux, ce n’est pas toi qui as le plus à craindre, tenta-t-elle de le détendre en un rire.

Les traits de Will se crispèrent un peu plus.

— Quelqu’un t’a manqué de respect ? Si c’est le cas, je…

— Non, non. Ne t’en fais pas. Je voulais seulement dire que tu peux avoir confiance. Je les ai écoutés. Un soulagement s’est emparé d’eux lorsque la rumeur de ta résurrection a enflé. Elle lui adressa un sourire doux. Ils te suivraient n’importe où.

Will se raidit un peu plus.

— Justement. Il chuchota. Ils attendent de moi un nouveau miracle et avec ce que j’ai vu, c’est impossible.

— Tu y arriveras, souffla-t-elle également dans un murmure. Laisse-toi le temps d’observer. Tu trouveras une solution.

— Une solution ? J’ai tenté avant la chute du royaume, Nolane. Les autres souverains me refusent, encore et toujours, leurs soutiens.

— Continue, ne lâche pas, lui asséna-t-elle leur corps se rapprochant inconsciemment. Renvoie des messagers. Insiste. J’ai confiance. En toi. Au Royaume.

L’espace d’un instant, il se fit pensif entre ses bras. Impossible de savoir si ses paroles l’avaient atteint.

— Allons-y, fit-il en indiquant le pot.

Nolane s’allongea, remonta sa tunique et ferma les yeux de soulagement lorsque Will recouvrit ses plaies de l’onguent.

— Tu devrais aussi l’utiliser pour ta plaie, dit-elle.

Il acquiesça dans un grognement. De longues minutes passèrent avant que l’un d’entre eux ne parle.

— Tu comptes toujours partir ? demanda-t-il en refermant le pot.

Elle tourna la tête vers lui, déçue qu’il s’éloigne.

— Je ne sais pas. Au vu du chaos, et des échos, je ne saurai où aller.

Un soupir de soulagement passa sa gorge. Il sortit une seconde paillasse de la malle, s’allongea près d’elle et éteignit la lanterne. Malgré leur conversation, elle en fut étonnée, mais ne fit aucune remarque. Passer la nuit dehors ne la tentait pas. Tant pis pour les médisances. Au point où elle en était de toute façon… Will passa les mains sous sa tête, scrutant le plafond.

— Nolane, je dois t’avouer quelque chose.

Elle le sentit se tourner dans sa direction. Malgré ses blessures, elle avança également son corps. Dans l’obscurité légère, ils se frôlèrent. Nolane déglutit. Prendre ses distances avec Will ? Ben voyons ; elle faisait tout l’inverse.

— Le Talisman, celui m’ayant permis d’atteindre Malt la première fois, souffla Will. Je ne l’ai plus. Nous allons tous vers notre mort.

Elle glissa sa main dans la sienne et étreignit ses doigts avec ferveur.