Fyctia
Chapitre 20 - Nolane
Nolane se tenait en amont du couloir. Des voix graves parvenaient jusqu’à elle. Elle hésitait. Cameron avait de nombreuses fois évoqué ses compagnons et le tableau brossé n’était pas des plus engageants. Cependant, Will l’avait conviée. Même si, en grande majorité, les Faucons semblaient obtus, ils ne pouvaient s’opposer à la décision de leur Roi. Du moins l’espérait-elle…
Respirant profondément, elle avança, ne pouvant empêcher son corps de demeurer sur le qui-vive et de marcher de façon mesurée. Sortant d’un pas précipité de la salle, une servante manqua de la percuter. Elles s’évitèrent de justesse et Nolane reconnut une jeune fille des cuisines.
— Nol ? s’étonna la jeune servante. Que fais-tu ici ? Sans attendre de réponse, elle continua. Je te préviens si tu rentres là-dedans, ils sont d’une humeur massacrante. Elle conclut sa phrase d’un magnifique sourire, replaça pudiquement une mèche de cheveux derrière son oreille avant de s'éloigner d’un pas rapide vers le niveau inférieur.
Derrière cette porte se tenait tout ce que Lody comptait de jeunes hommes aptes à devenir chevaliers. Les meilleurs. Les seuls capables de supporter des années d’entrainement, d’ingurgiter les connaissances diplomatiques des royaumes voisins, tout cela en vue de se préparer à gouverner le pays aux côtés du souverain.
L’hésitation la fit vaciller.
Leur accueil ne pouvait être favorable. Et si son frère avait conservé le silence sur ses années de formation en se murant dans un stoïcisme déstabilisant à la moindre évocation, cela ne devait pas être un hasard. La raison se rappela enfin à elle. S’apprêtant à faire demi-tour, on l’interpella :
— Nol !
Les bras tendus, un sourire figé sur le visage, un homme avançait dans sa direction d’un pas décidé. Tendue, Nolane lui renvoya la politesse, se demandant s’ils s’étaient déjà rencontrés pour qu’il la hèle de façon si familière. Plutôt petit, brun, de son âge, un physique classique sans être désagréable, elle ne parvint à mettre un prénom dessus. Méfiante, elle renfonça son chapeau et s’assura d’un geste discret que son corset demeurait parfaitement fixé.
— Nous avons été informés qu’un nouveau venu serait des nôtres ce soir, expliqua le jeune homme.
Sans attendre, il l’entraîna dans la salle d’un mouvement ample. À son arrivée, les murmures s’estompèrent et les regards se tournèrent dans sa direction. Une dizaine de jeunes hommes se tenaient dans cette salle à la décoration épurée. À son souvenir, la confrérie accueillait une vingtaine de membres. Elle était donc en avance. En ces fortes chaleurs inhabituelles, les fenêtres étaient ouvertes et les bruits de cours résonnaient contre la façade. Aucun visage ne lui sembla familier, Cameron étant le seul à fréquenter les écuries. Rapidement, elle le chercha du regard, mais celui-ci semblait absent. Tout comme Will.
— Alors comme ça, le Roi t’entraîne personnellement ? l’interrogea l’homme face à elle.
— En réalité, c’est plutôt Cameron, précisa Nolane n’appréciant pas son intonation.
Les autres s’approchèrent, l’encerclèrent. Un nœud d’angoisse enserra ses entrailles.
— Néanmoins, pour que le Roi se préoccupe d’un valet d’écurie, c’est que ce dernier doit être particulier…
L’homme la dévisageait, tentant de l’évaluer. Elle se risqua à faire un pas en arrière, mais on la rabroua sèchement vers le centre du groupe.
— Tout le monde peut prétendre au titre de chevalier, argua-t-elle.
Des rires gras répondirent à sa parade. Prenant confiance, le Faucon la menaça de sa carrure.
— Ne rêve pas, palefrenier, tu ne feras jamais partie des nôtres.
La suffisance de ce petit coq l'obligea à rétorquer :
— Ce n’est pas à vous de choisir.
Sa réplique eut pour effet de calmer les moins téméraires. D’un rapide coup d’œil, elle remarqua que certains hésitaient à persévérer.
— Et, crois-tu, que ce soit à un palefrenier d’imposer sa loi ? souligna l’autre. Ceux qui sont ici ont mérité leur place. Ce n’est pas en se roulant dans le purin qu’on forge un chevalier.
— Et il ne suffit pas d’avoir du sang noble pour être noble.
L’insulte fut de trop.
— Méfie-toi palefrenier. Ne joue pas à ça avec moi. Te crois-tu si important ? cracha-t-il. Penses-tu sincèrement que le Roi s’inquiéterait si on retrouvait ton cadavre pourrissant dans un fossé ?
— Korwin ! s’interposa un autre.
Un regard passa entre les deux Faucons. Korwin serra les poings et recula légèrement.
— Tu n’aurais pas dû venir, palefrenier. Retourne dans ton écurie.
Nolane maintint son regard quelques secondes, mais la lueur qu’elle discerna l’incita à cesser toute provocation. Il était plus raisonnable de se retirer avant que les choses ne dérapent. Reculant prudemment, les jeunes hommes la laissèrent partir. Elle sortit de la pièce tandis que deux nouveaux Faucons arrivaient. L’un, grand à la peau sombre, et un autre, beaucoup plus petit, l’étudièrent avec attention. Elle ne leur adressa pas une parole, repartant d’un pas pressé en direction des écuries.
Cette humiliation la marquait au fer rouge. C’était l’affront qu’elle ne pouvait supporter ; horrifiée de voir avec quelle hauteur ces jeunes nobles la traitaient. Avait-elle été ainsi autrefois ? Condescendante et humiliante ? Elle n’en avait pas eu l’impression, mais la vision des choses changeait selon du côté de la barrière où on se tenait. Les belles idées de Will n’étaient qu’illusion et il l’avait entrainée dans ses chimères.
Descendant l’escalier de service, elle ne réalisa pas qu’on la suivait.
— Palefrenier !
Nolane sursauta et son cœur se figea. Elle se retourna lentement, la main à porter de dague en cas de besoin.
Tout juste arrivé à son niveau, Korwin la plaqua violemment contre le mur en pierre.
— Que les choses soient claires entre nous, palefrenier. Si tu repointes ton nez ici, j’abîmerais tellement ton joli minois que même tes amis ne te reconnaîtront plus.
La voix était cinglante. Les mains posées de part et d’autre de sa tête, Korwin la scrutait intensément. Se soumettre la révulsa. Pour autant, Nolane connaissait parfaitement ce genre d’homme pour en avoir côtoyé dans le passé. Prendrait-elle le risque de se retrouver transpercée par une lame ? Car Korwin n’hésiterait pas un seul instant. Ce n’était pas de simples menaces en l’air. Et si, par mégarde, il finissait blessé de leur affrontement, c’est elle qui croupirait dans une geôle. Un palefrenier ne pouvait porter offense à un chevalier.
Elle baissa les yeux, se mordant la joue pour ne pas répondre.
Hors de question, de perdre sa liberté par la faute de ce Faucon.
Après de longues secondes Korwin s’éloigna, lui jetant un dernier regard noir.
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Lu La Morinie
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Adele Maine
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Claire Berthomy
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