Fyctia

Le souverain jetait des regards à Nol tandis qu’ils prenaient le chemin du retour. Le palefrenier demeurait silencieux depuis l’étrange rencontre. Même Will s’avérait inquiet. La magie régnait à Lody et nombre de légendes couraient. Cependant, c’est la première fois qu’ils croisaient une telle puissance.

— Will, le surprit Nol, étaient-ce des kamastociens ?

Il discerna l’inquiétude dans son regard. Lui aussi y avait pensé. Néanmoins que le palefrenier y songe immédiatement l’étonnait.

— Non, fit Will après réflexion. Ce sont des sorciers, certes, mais ils ne peuvent sortir ainsi de leurs corps.

Nol acquiesça, silencieusement, toujours dans sa réflexion. Will comprit que la peur de Nol l’avait étreint. Rencontrer des Kamastociens ici aurait signifié l’impensable. Lieutenant de Malt, les sorciers kamastociens étaient les plus puissants jamais rencontrés. Et, les bêtes qu’ils engendraient, les plus cruelles. Des images de la guerre contre l’Éminence lui revinrent en mémoire. Sur le champ de bataille, comme chez les civils, les morts s’étaient comptaient par milliers. Les lyhos, ces créatures créées par les soldats ennemis, arrachaient les membres, s’engouffraient dans les viscères, parfois, par simple plaisir de la chasse.

— Tu en as déjà croisé ? lui demanda-t-il en sortant de ses pensées.

Nol acquiesça. Avait-il combattu durant la guerre ? D’un rapide calcul, le souverain réalisa que non. À moins que la vie n’ait obligé un enfant de dix ans à combattre ces monstres. Il espérait sincèrement que ce ne soit pas le cas.

— De loin, ajouta Nol. Je les ai vus traverser le domaine. Là où mes parents travaillaient, s’empressa-t-il de compléter. Qu’était-ce alors ?

Une seule réponse lui vint en tête.

— Les sorciers peuvent se montrer particulièrement virulents pour protéger leur magie.

Nol ne parut pas convaincu. Les sorciers lodyens n’étaient pas réputés pour leur aisance en ésotérisme.

— Je…, débuta Nol avant de se taire.

Le Roi lui fit signe de continuer. L’échange avec Nol lui permettait de se questionner également.

— La légende raconte que tu es parvenu à vaincre Malt en lui coupant les mains, là où résidait son pouvoir.

— C’est à moitié vrai, soupira Will. À mon grand regret, je ne suis parvenu à lui arracher qu’une main.

— La moitié de sa magie donc, conclut Nol.

Il le détailla. Will en était venu au même raisonnement, mais ses conseillers lui affirmaient que la mutilation suffisait. Les sorciers de Lody soutenaient que la présence des deux mains s’avérait nécessaire pour lancer des sortilèges. Une sorte d’équilibre comme le feu et l’eau qu’il n’avait pas très bien saisie. Et la disparition de Malt, par la suite, avait suffi à les en convaincre. Will n’était pas initié aux forces occultes et ne pouvait que leur faire confiance. Il avait, par ailleurs, croisé quelques sorciers lodyens effectivement amputés d’un bras et donc de leur magie. Mais que Nol pense comme lui le fit douter de ses conseillers.

Encore une fois, le Roi revit la bataille dans les mines de Gersey.

Que s’était-il passait lorsqu’il avait perdu connaissance ?

— La mutilation a privé Malt de sa puissance, expliqua Will afin de rassurer le palefrenier.

— Comment peux-tu être sûr qu’il ne tentera pas de réattaquer Lody ?

— Je l’ai cherché Nol. J’ai lancé des hommes à sa poursuite, les frontières sont surveillées et des murailles, renforcées de sortilèges, protègent le Royaume.

— Nous n’avons pas vu un Kamastocien depuis la fin de la guerre, reconnu Nol rassuré.

Will aussi. Ce point s’avérait exact. Aucune âme ne semblait vivre dans l’ancien royaume de Malt. Tout était plongé dans l’obscurité et rien n’y poussait.

— J’imagine qu’ils auraient, au moins, cherché à se nourrir, fit Nol en frissonnant face à ses souvenirs. On en aurait entendu parler.