Lire Le Premier Jour Chapitre XXVII - Eleanor

Chapitre XXVII - Eleanor

Elle regardait le paysage défiler sous ses yeux tandis qu'Alex la conduisait au lycée. Eleanor était épuisée : elle avait d'immenses cernes noirs sous les yeux, et ses traits étaient tirés. La jeune fille avait dû veiller très tard pour pouvoir terminer tout son travail scolaire : elle n'était partie se coucher qu'aux environs de trois heures du matin. Ses yeux papillonnaient d'eux-mêmes, et elle devait se concentrer pour ne pas se laisser emportée par un sommeil tentateur, mais absolument prohibé. Pourtant, elle savait que d'ici quelques jours, elle serait habituée à cette routine écrasante. Elle y était habituée depuis longtemps, maintenant : le plus dur était simplement la reprise chaque fois que les cours reprenaient.


La jeune fille sentait bien qu'Alex l'observait du coin de l'œil, un air inquiet perçant dans ses yeux bleus. Le garçon savait à quel point cette charge de travail pesait à Eleanor, et il s'en voulait de lui imposer cela. Malheureusement, elle n'avait pas le choix ; le seul salaire d'Alex en temps qu'employé dans un magasin de téléphonie mobile ne suffisait pas à subvenir à tous leurs besoins. La paie que la jeune femme recevait tous les mois suffisait tout juste à maintenir leurs têtes hors de l'eau sans se laisser happer par les dettes. Plusieurs fois, Eleanor l'avait supplié de la laisser abandonner les cours pour pouvoir travail à temps complet et de ce fait être payée plus. Alex avait toujours refusé. Lui avait dû laisser tomber ses études pour veiller sur elle et prendre soin d'eux. Il ne voulait pas qu'Eleanor suive le même chemin : un meilleur avenir l'attendait. D'une certaine manière, la jeune fille constituait leur seul espoir pour se sortir définitivement de la misère.


La voiture vira à droite et fit irruption sur le parking du lycée. Alex coupa le contact, et le véhicule arrêta de faire cracher son moteur. Le conducteur regarda celle qui se tenait à côté de lui, et qui pourtant ne bougeait pas, comme tétanisée à l'idée de passer une nouvelle journée ici. Elle inspira.


Depuis qu'elle avait pris la direction du lycée, elle ne cessa de repenser à Maxen, et à la manière dont il allait encore l'observer. Il y avait quelque chose de gênant, de terriblement embarrassant quand il la détaillait, et Eleanor savait bien qu'elle serait trop timide pour le lui reprocher, ou pour lui interdire de la regarder ainsi. Il ne lui rester plus qu'à endurer cette situation.


Elle ne se sentait pas à sa place ici. Tous les élèves avaient de l'argent. Ils riaient, étaient heureux, et n'avaient aucun problème mis à part de choisir qui les accompagnerait pour le stupide bal du lycée. La jeune fille se demandait vraiment ce qu'elle faisait là. Elle aurait mille fois mieux préférer travailler toute la journée au bar-restaurant et avoir pour seul contact les clients qui demanderaient à être servis.


- El ? Tu vas être en retard, fit doucement remarquer le brun.


Elle déglutit. Véritablement, rien ne la poussait à se lever, mais elle savait bien qu'elle devait le faire. Elle devait bien ça à Alex, et elle n'avait pas le choix. En soupirant, elle ouvrit la portière et sortit de la voiture.


- Ce soir, tu devras te débrouiller pour rentrer à la maison, l'avertit son aîné. Hier j'avais un jour de congé, c'était exceptionnel.

- Je sais, Alex. Ne t'inquiète pas pour moi, je me débrouillerais.


- Bonne journée, ma puce, répondit-il en redémarrant le moteur.

- A toi aussi... murmura la plus jeune tandis qu'il manœuvrait en marche arrière pour sortir de la zone de stationnement.


Elle resta statique tandis qu'elle le regardait s'éloigner, son cœur se fragilisant un peu plus. Même si elle savait qu'elle le reverrait le soir, elle supportait mal l'éloignement avec Alex. Celui-ci n'était présent que très tard le soir ou très tôt le matin : elle passait peu de temps en sa compagnie durant toute la journée. Cette distance qu'il y avait malgré tout entre eux constituait une grande partie de son sentiment d'isolement. Bien évidement, Alex n'était pas responsable de cela. Au contraire, il faisait tout pour leur assurer une vie à peu près stable, et Eleanor lui en était grandement reconnaissante pour cela. Mais parfois, la jeune fille aurait préféré le voir plus souvent que quelques minutes le matin.


Prenant son courage à deux mains, et songeant que toutes les épreuves auxquelles elle serait confrontée au lycée ne seraient jamais plus terribles que celles qu'elle avait connues, elle se dirigea vers l'entrée de l'édifice, essayant tant bien que mal de se faire la plus discrète possible. Cela fut une chose facile : dans la mare d'élèves qui prenait la direction de leur premier cours de la journée, personne ne lui prêtait attention.


Alors qu'elle allait pénétrer dans le bâtiment, un énorme bruit pétaradant lui fit tourner la tête, comme à la majorité des élèves qui se trouvaient autour d'elle. Distinctement, elle aperçut une carrosserie d'un rouge profond, un véhicule étincelant qui roulait vers l'entrée. L'engin était d'une taille démesurée, et attirait tous les regards. Le conducteur ne semblait pas remarquer qu'il avait tous les yeux fixés sur lui. Entièrement vêtu de cuir noir, il maniait sa moto avec la plus grande douceur, comme s'il s'agissait de son bien le plus précieux. Eleanor avait les yeux écarquillés. Quel beau véhicule ! Rutilant, il était évident qu'il devait être entretenu avec le plus grand soin. Celui qui le conduisait se gara, et retira son casque. Lorsqu'elle vit son visage, le cœur d'Eleanor dégringola tant elle fut frustrée. Il s'agissait du blond d'hier, aux yeux si sombres et nostalgiques, celui qui ne faisait que de la considérer avec étonnement, comme si elle était une créature venue d'un autre univers. Elle tenta d'entrer dans le lycée sans plus attendre, soudainement agacée, mais elle ne fut pas assez rapide pour ne pas croiser ses yeux.


Haletante, elle dévisagea quelques secondes. Il ne semblait pas remarquer que les autres filles se pâmaient devant lui, ou qu'un garçon brun à la peau mâte s'approchait de lui pour lui taper dans la main, un immense sourire aux lèvres. Son attention était entièrement dédiée vers elle, et cela la mettait étrangement mal à l'aise. Mais que voulait-il donc ?


Elle s'éloigna le plus rapidement possible afin de mettre le plus de distance entre lui et elle. Même si il ne lui avait rien fait de mal, elle le haïssait déjà, et elle n'avait aucune envie de le connaître. Enervée, elle zigzagua entre les différents groupes, emprunta plusieurs couloirs, se perdit une ou deux fois. Finalement, elle arriva devant sa salle de classe, soulagée ; personne n'était encore là, personne ne l'importunerait. Elle s'assit, ouvrit son sac, et reprit son livre, « Adrénaline », puis se plongea dans sa lecture. Soudain, tout avait disparu autour d'elle, et il n'y avait plus que Jack, Anna et leur amour qui comptait.

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