Miskail Le Poison des Djinns 11 : Fratricide (partie 1)

11 : Fratricide (partie 1)

Nous revoilà dans une calèche mécanique, mais celle-ci n’a pas grand-chose de commun avec le service public. Très spacieuse et reflétant un luxe que Kylia doit connaitre, elle est à la hauteur du prix que coûte le billet. Astelle est assise face à moi, les bras posés sur le dossier de velours, son regard sombre perdu dans une pensée lointaine. Son qipao et ses escarpins ont été troqués pour de belles bottines noires, un pantalon serré d’une matière que je suis en peine de reconnaitre, un tangzhuang carmin aux entrelacs noirs. Chassant mon trouble d’un mouvement de tête, je me penche vers elle, toujours l’œil attentif au moindre geste. Faisant fi de subtilité, je décide l’attaque frontale pour tenter de la déstabiliser :


— Astelle, vous êtes une empoisonneuse, n’est-ce pas ?


Ses pupilles d’encre se rivent sur moi, un léger sourire s’esquisse sur ses lèvres.


— Ce n’était pas une déduction ardue.


Bon, pour la déstabilisation, c’est mal engagé. Du coin de l’œil, je note que Kylia a le poing serré sur la garde de sa rapière. Astelle semble le voir aussi.


— Jeune fille, ta hargne affichée n’est pas de mise. Si je te voulais le moindre mal, tu trépasserais avant même que ta cervelle n’en reçoive l’information. Démonstration…


Malgré ma vigilance, le geste est tellement rapide que je le discerne à peine. D’un seul mouvement elle a dégainé une griffe d’acier ajourée, la tenant calée entre son majeur et son annulaire. La pointe ne s’arrête qu’à un cheveu de la gorge de Kylia.


— Il suffirait d’une estafilade sur ta peau…


Mon acolyte ravale difficilement sa salive, sans baisser les yeux pour autant.


— Je me suis promise de coffrer la Reine des Veuves.


— Une noble ambition. Hélas pour toi, elle a fort peu de chance de se réaliser.


— Personne n’est infaillible, pas même vous.


— Certes. Néanmoins tous mes ennemis sont morts et les cardinaux sont à mes genoux. Ne t’y trompes pas, je navigue dans des cieux que tu ne distingues même pas.


— Peu m’importe !


Astelle retire son arme, son sourire s’agrandissant.


— Je respecte ton courage. Mais jamais tu ne me traineras devant une cour de justice. Bien trop de gens auraient à y perdre. Le trépas est la seule finalité. Je ne suis pas de celles qui trépassent.


— Peut-être est-ce cela qu’espère le Cardinal en nous associant, interviens-je. Vous exposer.


— C’est bien possible, mon ami…



A peine descendu de la calèche, l’évidence me saute aux yeux.


— Il devrait encore y avoir un garde.


Kylia replace ses binocles, rajuste sa redingote.


— Je suis derrière vous, patron.


Astelle se contente d’épousseter son genou, alors que les cliquetis du mécanisme s’éloignent dans la ruelle. La main sur la garde de ma rapière, je progresse jusqu’à la porte de l’entrepôt. La lumière du jour éclaire une silhouette en uniforme étendue sur le sol. Astelle pose sa senestre sur mon épaule.


— Nous ne sommes pas seuls.



C’est d’abord un bruit. Une succession de claquements secs. Devant. Derrière. Tout autour de nous. Puis une odeur âcre qui brûle les narines. La luminosité même semble s’étioler dans la petite cour. Je fais trois pas en arrière, dégainant mon arme. Le corps du garde est agité de convulsions. Une mousse rosâtre s’échappe de ses lèvres bleues, accompagnée du son dérangeant d’une côte qui se brise. Il se dresse lentement sur ses pieds, les organes pendants d’une profonde plaie à l’abdomen.


— Quel est ce maléfice ? s’exclame Kylia.


— Un possédé, murmure Astelle.


Contrairement aux légendes, le mort éveillé ne se traine pas lamentablement. Bien au contraire, il se rue sur moi, sans émettre un son. Je frappe d’estoc au niveau de la gorge, sans effet notable. Le monstre m’assène un revers qui me fait voler sur un bon mètre. La chute est lourde et la douleur violente. Ma rapière tinte sur les pavés. L’esprit embrouillé, je discerne Kylia frapper le crâne de mon agresseur d’un puissant coup de pommeau. L’autre se retourne et l’expédie au loin d’une seule gifle. Astelle se dresse alors face à lui, psalmodiant en brandissant un pendentif étrange. L’abomination semble vouloir hurler mais rien ne sort. Le voilà qui se déchire la peau du visage avec ses propres doigts avant de tomber inerte...


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1 commentaire

Marion_B

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Il y a un an

Pluie de likes et vent de soutien pour cette nouvelle année. Qu'elle t'apporte réussite et créativité 🌸
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