Mikky Sophie Le Monde de June Choisir ou subir - Simon

Choisir ou subir - Simon

J’ai reçu ma convocation pour mes heures de travaux d’intérêt général. J’ai déchiré l’enveloppe. Par moments, j’ai du mal à sortir de chez moi. La dernière fois m’a servi de leçon. Je ne me maîtrise pas suffisamment. Me rendre à la boîte aux lettres est difficile alors passer ma journée auprès d’inconnus me paraît insurmontable. Cela fait déjà plusieurs jours que je suis cloîtré. Je me rappelle le jour où j’ai visité cette maison. À cette époque, je ne considérais pas l’intérêt d’avoir un jardin. Je pensais que je n’en profiterais jamais. Entre le froid de la région et mes missions à l’étranger, j’avais l’impression de jeter l’argent par les fenêtres. Ma mère m’avait convaincu en songeant au désir profond de voir des petits-enfants s’épanouir dans cet espace. Moi aussi, j’épousais ce projet. Avant. Aujourd’hui, aucun rire ne résonne dans ces quelques mètres carrés de verdure, mais ils m’aèrent l’esprit sans que je n’aie besoin de me méfier ou de me cacher.

Je joue encore avec la roulette de mon briquet lorsque des coups retentissent contre la porte d’entrée. J’hésite longuement à bouger. La case prison m’attend probablement et j’ai la trouille. Pas celle d’être enfermée, de craindre pour sa vie ou de n’être entouré que d’hommes. Ces caractéristiques sont assimilables à la carrière militaire. J’ai plutôt une peur bleue de ne trouver aucune issue à la paix de l’esprit. Je repose tous mes espoirs sur le rachat de mes erreurs, mais si payer mes dettes ne soulageait pas mon âme, que me resterait-il ? Je ne le saurais qu’en ouvrant cette porte.


Je suis partagé entre réconfort et lassitude lorsque j’aperçois mon père sur le palier. Il porte son indétrônable costume gris taillé sur mesure et malgré son âge proche de la retraite, il continue d’être un très bel homme. Ma grand-mère Nonna prétend que nos origines italiennes estomperaient les marques du temps. Un truc dans la nourriture, dit-elle, l’huile d’olive, je crois. Moi, je suis passé entre les mailles du filet de l’eugénisme. Je suis américanisé depuis ma naissance et je mange plus de hamburgers que de pannacotta… je ne sais même pas ce que c’est d’ailleurs, mais ça sonne plutôt bien. J’ai remarqué quelques cheveux blancs sur mes tempes, l’autre jour. Ma mère s’en est inquiétée. Elle pense que je me fais trop de soucis. J’ai failli rire.


– Papa ? Qu’est-ce que tu fais là ? Ta cafetière est en panne ?

Il n’attend pas mon invitation pour entrer. Il a toujours agi ainsi puisqu’il considère que cette maison lui appartient. Lorsque j’ai voulu l’acheter, j’ai demandé une aide financière à mon père. Il a accepté de me donner un apport, non sans contrepartie. Je l’ai doublé, il m’en fait baver depuis.

– J’en ai déjà bu un avant de venir, je te remercie, fiston.

Nous ne parlons pas le même langage, lui et moi !


– La juge Efferson fait du très bon café, précise-t-il en s’asseyant sur mon canapé.

Je tourne la roulette de mon briquet avec agacement. L’envie d’allumer une cigarette me submerge. Je me doutais bien que cette affaire tomberait dans ses oreilles. Il se débrouille toujours pour tout apprendre.

– Nous avons une amie en commun, à ce que je vois, ironisé-je.

J’enfile mon tee-shirt des Guns N’Roses qui traînait sur une chaise. Je préfère anticiper. On ne sait jamais avec mon père quand j’aurais besoin de fuir à toute vitesse.


– Ne t’inquiète pas, je n’ai rien dit à ta mère. Elle aurait d’énormes soupçons sur ta santé mentale et t’obligerait à te rendre chez un spécialiste.

Il gesticule ses bras dans tous les sens et me fait penser aux traducteurs des journaux télévisés pour les sourds. J’aimerais ne rien entendre aussi, parfois.


– Et je refuse de filer mon fric à ces charlatans qui n’attirent que les gonzesses qui chouinent.

Je retiens un sourire en me rappelant tous les éminents psychiatres, ceux qui participent à ses galas de charité. Les arnaqueurs n’en sont plus quand leur argent tombe entre les bonnes mains apparemment.

– Je vais bien, papa, le coupé-je avant qu’il ne profite de mes faiblesses. J’ai eu une altercation avec une folle à lier, l’autre jour. Ce n’était pas ma faute.

– Certainement.

Aïe ! Il ne me contredit pas ou ne cherche pas à me réprimander. C’est un mauvais signe. Il a sûrement quelque chose à l’esprit et ce sera pire que d’être molesté.

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4 commentaires

alexia340

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Il y a 6 ans

Les heures d interets généraux... je sens venir la collaboration houleuse...

Myjanyy

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Il y a 6 ans

Qu'est il arrivé à Simon pour qu'il soit si pessimiste ? Hâte de savoir ! J'ai aussi hâte de voir le lien que tu vas faire avec ton héroïne. Tu maintiens cette sorte de suspens et je trouve ça très bien amené.

Delinda Dane

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Il y a 6 ans

Son t-shirt je valide

Lonely Feather

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Il y a 6 ans

Guns N' Roses... J'aime cet homme !!!!!
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