Fyctia

- Sa fermeture ?

Ma mère prit une profonde inspiration avant de me regarder avec l'air le plus sérieux du monde. Le sujet semblait vraiment important.

- Le lycée Kenelm a ouvert ses portes pour la première fois en 1823, son fondateur est cependant inconnu. En 1979, pour des raisons qu'on ignore, il a dû être fermé provisoirement. Ce n'est qu'en 1989 qu'il s'est rouvert, avec... quelques petits changements.

J’écoutai attentivement ma mère, étonné qu'elle en sache autant sur un endroit situé à plus de dizaine de kilomètres de notre ancienne région.

- De ce que je sais de ton père, ce lycée était pour lui sa deuxième maison. Il me disait qu'il passait ses journées à la bibliothèque, dans la cour arrière, près du square... Jamais il ne m'a parlé de quelconque mal autour de ce lycée. Pourtant, à chaque fois qu'il y faisait allusion, il y avait une pointe de... d'étrangeté dans ses yeux, comme s'il n'y avait pas que ça. Comme s'il ne faisait pas simplement qu'étudier. Je n'en ai plus grand souvenir... mais je suis convaincue qu'il ne me disait pas tout.

Après un temps de silence, elle reprit d'une voix légèrement plus tremblante.

- Il m'avait demandé de t'inscrire ici. Il m'a convaincu que cet endroit allait être parfait pour toi...

Parfait pour moi ? S'il y a bien un endroit parfait ce n'est certainement pas ici. Qu'est-ce qui est passé par la tête de mon père ?!

Je ne l'avais pas remarqué, mais ma mère s'était levée et se dirigée vers sa chambre. Je sortis de mes pensées et tendis le cou, la voyant revenir avec un petit objet brillant et un morceau de papier dans la main. Elle me le tendit, et fit tomber dans ma paume une sorte d'insigne argenté et oxydé, représentant la lettre "K", et une petite carte plastifiée. En dessous de la la lettre, la date "1972" était inscrite. Sur la carte, il était marqué deux trois mots...

Aston Bentley Classe 3 - 2e année

Niveau : B

- Aston Bentley... c'est le nom de... mon père ? Pourquoi tu ne me l'as jamais dit ?

- Même encore aujourd'hui, j'ai du mal à parler de ton père... Dit-elle en baissant le regard. Tu sais qu'il est...

- Mort dans un accident de voiture. La coupais-je.

- Oui... excuse-moi d'avoir mis autant de temps avant de te le dire...

Qui suis-je pour en vouloir à ma mère ? Je comprends bien que c'est compliqué...

Après quelques minutes de silence, nous nous levâmes et partirent nous coucher. Mais arrivé dans ma chambre, je sortis immédiatement le livre de sous ma couverture et me replongea dedans, même si parfois, l'image de mon père me revenait en tête.

Il ne devait pas être loin de 2h du matin. J'avais les yeux qui piquaient, le cerveau engourdit, je n'avais plus la force de continuer, surtout quand ma compréhension faillit. Je ferma sèchement le livre, faisant soulever la poussière des pages et le fit glisser sous mon lit. Le sommeil ne mit pas beaucoup de temps avant de m'engloutir.

...

Un endroit sombre... Un miroir au fond de celle-ci...Une ambiance pesante... une voix, oscillante mais chuchotant...

... Jaiden... tu m'entends ?...

... Oui ?

... Regarde devant toi...

Je lève la tête face au miroir... une ombre qui ne m'appartient pas...

...Tu me vois ?...

...Oui.

... Es ce que tu sais qui tu es, ce que tu es ?...

...Oui, un humain.

... Un humain ?... non...

... Si, je suis un...

... Tu n'as rien d'humain Jaiden, tu es...

... BIP... BIP... BIP..

Je me réveille en sursaut, le corps en transe et tremblant. Ma respiration ne se calmait pas ; mes mains étaient moites ; des gouttes de sueurs roulaient le long de ma tempe et de mon dos ; Mes doigts tremblaient, j’eus du mal à éteindre mon réveil. Je me frotta les yeux frénétiquement, me redressa, lentement parce que ma tête tourné, posa mes deux pieds au sol et fixa le vide.

- Bon sang... c'était quoi ça...

Je tenta de garder en mémoire ce rêve. Il me semblait que c'en était un, mais tout était si... réel. Malheureusement, plus j’essayais de me souvenir, plus il disparaissait. J'attrapa une feuille et griffonna la seule phrase que j'ai pu parfaitement retenir.

"Tu n'as rien d'humain Jaiden..."

- Rien d'humain... qu'est ce que ça veut dire...

Je me tâtonna, comme pour vérifier si j'étais vraiment vivant. Je ressentais le contact, sentais les odeurs, voyais les paysages, entendais les sons, tout comme un humain... Oh et puis c'est bon ce n'est qu'un rêve, j'oublie vite tout ça avant de me prendre trop la tête...

Je me leva de mon lit en traînant des pieds, descendis déjeuner sans envie et enfila mon uniforme devant mon miroir. Je regarda mon reflet, avec une impression de déjà vu. Et si j'approchais ma main ? Et si je vérifiais ?...

Je tendis mon bras, avança ma main, déplia les doigts à quelques centimètres du miroir, mais me stoppa au dernier moment. Je n'arrivais pas à aller plus loin, un sentiment de peur et d'angoisse me retenait. Je fis volte face, attrapa mon sac et claqua la porte de ma chambre.

En sortant, j'avais mis le livre dans mon sac pour le montrer plus en détail à Isla, et maintenant voilà, j'entame une nouvelle journée dans cet endroit. Je vais m'y faire.

Aujourd'hui, travail en groupe. La psychologie traite parfois du comportement humain en société, et le but de cet exercice est d'évaluer la réaction de chacun d'entre nous à des questions complexes. J'étais assis autour d'une table avec deux autres garçons. L'un avait des cheveux rouges flamboyants et ébouriffés. Ses yeux, cachés par ses mèches, reflétaient une lueur verte émeraude, mettant en avant son visage parsemé de grains. L'autre avait ses cheveux plaqués en arrière, un teint sale et des pierres bleus à la place des iris. Sa cravate était mal serrée et son insigne à l'envers, soit j'étais en face d'un nerveux, soit en face d'un anti-social...

Le roux se racla la gorge et me tendit sa main, un large sourire lui traçant le visage.

- Tu dois être Jaiden, n'est ce pas ? Enchanté je m'appelle Alby et je suis en classe 8.

Je lui serra la main, un peu étonné qu'il sache mon prénom, mais surtout qu'il soit assigné à une classe.

- Euh... enchanté de même. Tu dis que tu appartiens à une classe ?

Il me regarda un peu de travers, ne comprenant pas vraiment le sens de ma question.

- Oui, comme tout le monde ?

- Hein ?

- Bah ? C'est inscrit derrière ton insigne, non ?

Je dépingla mon insigne et le retourna, pour effectivement y lire quelque chose. Classe 4 - 1re année. Je souris, embarrassé et chercha immédiatement à changer de sujet. Je m'adressa à l'autre garçon d'un petit signe de tête.

- Bon... euh, et toi tu comment tu-

- Jack. Jack Calder... Me coupa-t-il.

Calder... ça me dit quelque chose...

Mon regard s'illumina soudainement. Calder, c'était le nom de l'auteur du livre...