Fyctia
Chapitre 16 (2)
La classe plonge dans le silence tandis que M. Marlin avance tranquillement dans la pièce. Dédaignant la chaise prévue pour le professeur, il s'assied directement sur le bureau et claque des doigts. Les signes sur le tableau s'effacent aussitôt en laissant derrière eux une poussière de craie qui s'attarde dans l'air. Le proviseur a agi comme si de rien était, mais je suis certain que son geste était prémédité. Les magiciens sont des frimeurs. Il suffit de voir la couleur qu'ils ont attribuée à leurs vestes d'uniforme. Les fées, elles, reconnaissent que leurs habits sont verts. Elles pourraient très bien affirmer que cette couleur est en réalité de l'émeraude. Oui, parfaitement. Je devrais lancer une pétition à ce sujet. Morgane la signera certainement.
— Pour commencer, qui peut me dire ce qu'est un artéfact ? demande pendant ce temps-là le proviseur qui ne souhaite apparemment pas perdre de temps à nous faire remplir des fiches de présentation.
La main du magicien boutonneux devant moi jaillit en l'air comme un boulet de canon.
— Un artéfact est un objet manipulé par la magie de façon à disposer de certaines qualités, répond-il.
M. Marlin hoche la tête.
— Tout à fait, Hector. Ces objets magiques peuvent être manipulés par n'importe qui, ce qui explique pourquoi ce cours est proposé à tous les élèves. Notons simplement à ce stade qu'une majorité d'entre eux nécessite néanmoins une impulsion magique pour être activés.
Il agite les bras pour illustrer ces propos. Je l'observe plus attentivement que la veille de la rentrée. C'est vrai qu'il est plutôt beau gosse, avec ses yeux verts et son visage régulier, presque aussi harmonieux que celui d'une fée. Je comprends pourquoi Maman…
Je me donne une gifle mentale. Oh et puis zut ! J'en ai assez d'imaginer ma mère avec mon proviseur ! C'est une image pour le moins dérangeante !
J'attrape mon stylo et je me mets à noter sur une feuille tout ce que ledit proviseur est en train de raconter.
— Ce cours du premier semestre sera divisé en deux parties, ajoute-t-il. La première sera théorique. Nous étudierons les différents types d'artefacts et la façon de les utiliser. Vous choisirez ensuite par groupe de deux un objet à analyser et à présenter lors d'un exposé noté.
Je réprime un grognement. J'ai horreur des exposés ou, de manière générale, de tout ce qui m'oblige à faire le guignol devant tout le monde. D'autant plus lorsque cette présentation est notée.
— La seconde partie sera plus pratique, poursuit pendant ce temps-là le proviseur. Nous verrons ensemble comment créer un artéfact. Bien sûr, seules les créatures dotées de magie le peuvent, comme les magiciens et les fées les plus puissantes.
Le boutonneux devant moi se redresse avec suffisance, apparemment toujours aussi content de lui-même. Quelque part sur ma droite, Morgane se trémousse sur sa chaise, impatiente de faire ses preuves. Quant à Auguste, il se contente de me jeter un regard en coin, comme s'il s'attendait à ce que je fasse apparaître un artéfact dans mon chapeau inexistant. Apparemment lui n'a toujours pas entendu les rumeurs concernant mon absence de pouvoir.
— Il existe toutes sortes d'artefacts, explique pendant ce temps-là M. Marlin. La plupart d'entre eux sont suffisamment petits pour pouvoir être glissés dans une poche. D'autres sont si gigantesques qu'il est impossible de les déplacer. Leurs usages sont de même d'une grande variété. Voyons donc quelques exemples.
Il tire un écran devant le tableau noir et allume un vidéoprojecteur, comme le faisaient mes professeurs au collège, ce qui est un peu de la triche, si vous voulez mon avis. N'est-il pas supposé être un magicien ? Je m'attendais à quelque chose d'un peu plus spectaculaire.
Un diaporama se lance et des objets d'une grande variété se mettent à défiler. M. Marlin les commente un à un, précisant leurs caractéristiques. C'est intéressant, au début. Puis, au bout de la quarantième poterie étrusque supposée faire pleuvoir ou mieux conserver la nourriture qu'elle contient, je commence à m'ennuyer un peu. Je ne suis pas le seul. Le loup à côté de moi semble avoir du mal à retenir ses bâillements. Il s'étire sur sa chaise et en profite pour se rapprocher encore davantage de moi. Mes narines palpitent, palpitent, palpitent et soudain, je pousse un éternuement sonore qui résonne dans toute la pièce. Tout le monde se retourne pour me regarder. Je me sens rougir jusqu'aux oreilles.
— À vos souhaits, M. Guyonvarc'h, me dit très poliment M. Marlin.
Je m'empourpre encore davantage en découvrant que le proviseur connaît mon nom. Probablement parce que tout le monde sait que je suis ce fameux garçon fée. Ou parce qu'il a réellement passé un bon moment avec Maman et s'en souvient encore.
— M... Merci, je bredouille, au comble de l'embarras.
Auguste me tend un mouchoir en prenant l'air plus innocent que jamais. Je lui arrache des mains en le fusillant du regard. Je lui avais bien dit de ne pas s'approcher autant ! Tient-il donc tant à me ridiculiser devant tout le monde ?
Nous en avons heureusement fini avec les poteries et des objets plus volumineux arrivent, réveillant l'attention de la salle. Des murmures s'élèvent lorsqu'une grande tour familière s'affiche.
— La tour Eiffel est l'artefact le plus gigantesque de ces derniers siècles, affirme M. Marlin. Treize magiciens se sont unis pour le bâtir, sans que les humains se rendent compte de rien, bien sûr. Pour eux, il ne s'agissait que d'une prouesse architecturale. Quelqu'un sait-il ce qui s'est passé un an après la fin de la construction ? M. Guyonvarc'h, peut-être ?
Je me pétrifie, le mouchoir d'Auguste pressé contre mon nez. M. Marlin m'observe avec espoir.
— Euh…, je bafouille. Euh… Je ne sais pas…
Le magicien boutonneux, lève à nouveau la main et le proviseur se détourne de moi, le visage impassible.
— Oui Hector ?
— L'un des treize magiciens a tenté d'activer cet artéfact qui était conçu pour être une sorte de portail surpuissant à n'utiliser qu'en cas d'urgence, car son usage pourrait dévoiler l'existence de la magie aux humains. Les douze autres l'ont arrêté juste à temps.
Le proviseur hoche la tête.
— En effet. La tour Eiffel n'a donc jamais été utilisée. Curieusement, on ne connaît d'ailleurs pas très bien ses propriétés. Une étude resterait à mener à son sujet. Passons maintenant à l'artéfact suivant.
La diapositive change. Je reste toujours aussi tendu.
Auguste me jette un regard.
— Moi non plus je ne connaissais pas la réponse, me souffle-t-il à l'oreille dans le but apparemment de me consoler.
Je l'ignore, trop mortifié. Est-ce que cette année va continuer à aller de mal en pis ? Si ça continue ainsi, je risque de me faire virer pour incompétence avant la fin du premier trimestre…
4 commentaires
Fanny Nohal
-
Il y a 4 mois
Herrade_Riard
-
Il y a 4 mois
Emmy Jolly
-
Il y a 4 mois
Herrade_Riard
-
Il y a 4 mois