Herrade_Riard Le lycée des Surnaturels Chapitre 14 (1)

Chapitre 14 (1)

Quand j'ouvre la porte de ma chambre, je manque d'entrer en collision frontale avec Jérémie qui s'apprêtait à en sortir avec énergie.


— Tu es prêt ? me demande mon colocataire après avoir réussi à s'arrêter in extremis. Je ne savais pas si je devais t'attendre ou non.


Je cligne des yeux.

— Prêt pour quoi ?


Le triton tire sur sa fermeture éclair de la veste légère qu'il a enfilée par-dessus des vêtements ordinaires, un jean et un pull vert plus relâchés que notre uniforme. Je remarque qu'il a mis du fond de teint brun sur le visage pour camoufler (assez mal) ses écailles permanentes.


— Pour la fête, bien sûr !


Il se met presque à sautiller sur place d’excitation.


— Oh... Tu y vas, toi aussi ?


Il paraît surpris.


— Bien sûr que oui. C'est la tradition, non ?


Un goût désagréable se répand dans ma bouche. Mon impression de solitude ne fait que s’accentuer. Si j’étais une personne ordinaire, je me précipiterais moi aussi à cette fête, n’est-ce pas ?


Mais je ne le suis pas.


— Hum... Pour ma part, je passe mon tour.


Mon colocataire ouvre de grands yeux tandis que je le contourne pour entrer dans notre chambre plongée dans la pénombre.


— Vraiment ?


J’actionne l’interrupteur, laissant la lumière se répandre, et me laisse tomber sur le fauteuil à roulettes devant mon bureau.


— Vraiment.


Je farfouille dans mon sac pour en sortir mon manuel de mathématiques afin de montrer ma détermination à rester. Sans compter que M. Markovitch nous a donné quelques exercices à faire. Autant m'y mettre tout de suite pour ne pas prendre du retard. C'est en remettant tout au lendemain qu'on finit par se laisser déborder.


Comme je m'y attendais, la vue du manuel aux bords cornés paraît agir comme un repoussoir sur le triton qui recule vivement en direction de la porte.


— À plus tard, alors, me lance-t-il avant de se précipiter dehors et de fermer la porte derrière lui.


Je ferme les yeux un instant, savourant ma solitude. J’apprécie beaucoup Jérémie, mais cela me manque de ne pas avoir un refuge juste à moi, comme ma petite chambre à la maison. Bon, certes, il s'agissait d'une tranquillité toute relative, car ma mère et mes sœurs ne se sont jamais gênées pour débarquer sans frapper à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Les fées considèrent le respect de la vie privée comme un élément très secondaire. Surtout lorsqu'il s'agit de ma vie privée. Parce que vous imaginez bien que Morgane pousserait de grands cris si je débarquais dans sa chambre sans prévenir.


Je bâille en observant mon manuel de mathématiques d'un œil vitreux. Sa couverture jaunâtre n'est pas très engageante. On y voit deux jeunes gens, un garçon et une fille (des humains), en train de résoudre ensemble une équation avec un air beaucoup trop enthousiaste pour être naturel.


Je me gratte la tête. Ai-je vraiment besoin de me donner tout ce mal ? Mon prochain cours de maths a lieu après le week-end et ce sont les seuls devoirs qu'on nous a donnés à faire pour le moment.


Je range le livre dans mon sac en chassant ma mauvaise conscience. Tout le monde sait qu'il est important pour la santé mentale de se détendre de temps en temps. Je ne vais jamais réussir à tenir toute l'année scolaire, sinon. Et rien de mieux pour se détendre que de se plonger dans l'univers de The Witcher 3. Si j'ai encore de l'énergie d'ici une heure ou deux, j’achèverai peut-être d'ailleurs d’installer mes posters. Ils vont finir par se froisser, si je les laisse roulés trop longtemps.


Mon ordinateur portable - trop vieux - met des heures à s'allumer. J'en profite pour me changer et enfiler des vêtements plus confortables que mon uniforme et je retourne m'avachir sur ma chaise. L'appareil mouline toujours en produisant tout un vacarme. Je tourne sur mon fauteuil à roulettes pour m'occuper comme je le peux.


On frappe à la porte. Persuadé qu'il s'agit de Morgane qui cherche à nouveau à me faire changer d'avis, je grogne :


— Quoi encore ?


La porte s'ouvre. Je fais pivoter une nouvelle fois mon siège, le visage renfrogné.


— Je t'ai dit que je..., je commence à protester.


Puis je m'interromps en pleine phrase en me rendant compte que ce n'est pas ma jumelle ou même mon colocataire qui se trouve en face de moi. C'est Geralt de Riv. Euh... Je veux dire, pas le vrai Geralt de Riv (malheureusement), mais cet Auguste. Auguste Koch. Il s'est changé, lui aussi, et porte un jeans et une veste noire avec des clous aux épaules, ce qui lui va plutôt bien. Je suis sûr que c'est le genre de vêtements que porterait le vrai Geralt s'il vivait à notre époque et dans notre univers.


— Salut, me dit-il de sa voix grave.


J'ouvre la bouche pour lui répondre, mais je reste figé en plein mouvement, incapable de produire un son. Cela ne paraît pas perturber le loup qui en profite pour entrer dans ma chambre sans en avoir été invité et sans se soucier, d'ailleurs, de mon allergie. Mes narines se sont mises à palpiter dès lors qu'il a franchi le seuil.


Je retrouve soudain l'usage de la parole pour bafouiller un « qu'est-ce que tu veux ? » pas des plus aimables.


Le loup se laisse tomber sans la moindre gêne sur le lit de mon colocataire. Il me détaille des pieds à la tête et je regrette soudain d'avoir enfilé les premiers vêtements qui me passaient sous la main (un pantalon noir et un sweat-shirt beaucoup trop large qui ne me mettent pas à mon avantage).


— J'ai pris conscience du fait que j'allais un peu trop vite avec toi, déclare alors cet Auguste Koch. J'ai donc décidé de prendre du temps pour te courtiser.


Ma bouche s'ouvre encore un peu plus. Me courtiser ? Qui emploie encore le mot courtiser, d'ailleurs ? Cela fait tellement vieux jeu !


— Je n'ai pas la moindre envie d'être... d'être courtisé, je finis par parvenir à protester.


Le loup fait comme si je n'avais rien dit et m'adresse un regard... mignon. Oui, ce sosie de Geralt de Riv est capable de se faire passer pour une petite chose fragile et inoffensive que n'importe qui aurait envie d'adopter (à condition de ne pas avoir des problèmes d’allergie). Sauf que je ne tombe pas dans le panneau. Je vis avec quatre fées. Je sais reconnaître et déjouer les tentatives de manipulation.


— Tu veux aller à la fête avec moi ? me demande l'alpha en battant des cils.


Je croise les bras.


— Non. Je n'ai d'ailleurs pas l'intention d'aller du tout à cette fameuse fête. J'avais l'intention de réviser un peu, et...


Auguste fait la moue.


— Mais... Et la tradition ?


Je soupire. Pourquoi toutes les personnes que je rencontre sont à ce point obsédées des traditions ? Cela commence à devenir ridicule.


— Je me moque de la tradition, je me sens donc obligé de préciser. Cette fête ne me tente pas du tout. Je préfère travailler et...


À ce moment-là, mon écran accepte enfin d'afficher la page d'accueil de The Witcher et je ferme précipitamment mon ordinateur pour ne pas perdre toute crédibilité.

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23 commentaires

cedemro

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Il y a 4 mois

Va pour une petite partie de The Witcher en duo ? 😅

Herrade_Riard

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Il y a 4 mois

Ça serait une façon plus douce que la savonnette pour faire connaissance 😅

Anthony Dabsal

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Il y a 5 mois

Il est mignon, il ne veut pas perdre toute crédibilité mais lui ment en lui disant qu'il ne veut pas être courtisé XD

Emmy Jolly

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Il y a 5 mois

Il va craquer notre cher garçon fée et surtout avec ce loup qui le courtise💖

Herrade_Riard

-

Il y a 5 mois

Difficile de résister 😅
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