Fyctia
Chapitre 13 (1)
Le moins qu'on puisse dire, c'est que cette journée n'a pas été la meilleure de toute ma vie. En réalité, elle s'est déroulée aussi mal que je ne le craignais. Et c'est en grande partie de ma faute. Je n'aurais jamais dû insister pour suivre ce cours de magie féerique. Ce n'est pas comme s'il pouvait en plus me servir à quelque chose ! C'est juste que… que…. Eh bien… Depuis tout petit, j'ai toujours espéré qu'un jour je parviendrai à développer des dons en plus. Même des minuscules. Et où pourrais-je mieux réussir cela qu'ici ? Je pensais donc que… Enfin, j'ai été naïf, comme d'habitude…
Je n'ai pas envie d'aller m'enfermer dans ma chambre. Jérémie y sera peut-être. Il me posera des questions et il finira bien par se rendre compte d'à quel point je suis nul (s'il n'en a pas déjà eu vent par quelqu'un d'autre). Lorsque la cloche du dernier cours sonne, je préfère donc sortir du bâtiment en évitant de me mêler à la foule des élèves.
Je ne suis pas le seul à avoir eu cette idée. Le soleil brille de toute sa splendeur sur le parc. Apparemment, personne ne l'a averti que les vacances étaient finies. Tous les bancs disponibles ont été pris d'assaut par les élèves. Certains me frôlent en passant sans même m'adresser un regard. Je croise cette Titania Prigent, entourée d'amies qui éclatent de rire à ses plaisanteries. Tout me paraît flou, distant, comme si je regardais à travers une vitre épaisse.
Je m'agrippe aux bretelles de mon sac à dos, la tête baissée, et presse le pas, espérant me fondre dans le décor. Personne ne m'interpelle ou ne me fait signe. C'est comme si j'étais invisible, ce qui est sans doute mieux que d'être montré du doigt ou traité de "garçon fée".
Je m'enfonce plus loin dans le parc sans but, les mains dans les poches. À force d'avancer, je finis par arriver au bord du petit lac. Ses eaux sont calmes. Je suppose qu'aucune sirène ou qu'aucun triton n'est en train de s'y baigner et tant mieux : j'ai besoin de solitude.
Je trouve une pierre pas trop sale et je l'utilise comme siège de fortune.
Le lac s'étend devant moi, calme et limpide. A sa surface, quelques rides trahissent le passage d'une brise douce ou d'un poisson qui ondule sous l'eau. Je prends un profonde inspiration, soulagé par le silence qui règne en ces lieux.
Mes yeux se portent sur la minuscule île artificielle qui émerge au centre de l'étendu d'eau. Ce n'est qu'un simple monticule rocheux couvert de mousse et de lichen. Une épée au métal usé par les intempéries y est enfoncée. Il s'agit bien sûr d'une représentation d'Excalibur, l'arme mythique qui a donné son nom au lycée.
Je la fixe, morose. La rumeur prétend que cette chose toute rouillée est la véritable épée du roi Arthur, un artefact magique que lui avait remis la fée Viviane, celle dont je tire mon prénom. Vu son état, ça m'étonnerait. Ou alors il aurait mieux fallu la conserver dans un musée, plutôt que sur un îlot humide. Abandonnée là, elle est devenue parfaitement inutile. Comme moi.
Mon cœur se serre. Je repense à la discussion que j'avais surprise le jour du départ. Maman m'avait défendu énergiquement devant le Cercle. Elle avait clamé haut et fort que j'avais parfaitement ma place au lycée des surnaturels. Elle se trompait. Je n'ai rien à faire ici. C'est Grand-mère qui avait raison, et croyez-bien que cela me pèse de l'admettre à voix haute.
Je me retourne en entendant des bruits de pas derrière moi. C'est Morgane, ce qui ne me surprend pas plus que cela. Ma jumelle paraît toujours savoir où je suis ou ce que je pense, et inversement. J'ignore si c'est le fait d'avoir partagé un même ventre pendant neuf mois qui a créé entre nous une telle connexion. Peut-être bien. À moins qu'elle utilise un pouvoir féerique qui m'est inaccessible. Ou alors elle a installé un traceur de localisation sur mon téléphone.
La jeune fille vient s'asseoir à côté de moi et m'enlace.
— Ne fais pas cette tête, p'tit frère.
Je pose mon front sur son épaule.
— J'ai été ridicule, je marmonne. Tout le monde a fait des choses incroyables pendant le cours de magie et, moi, j'ai juste changé la couleur de ce cahier. J'ai l'impression que la moitié des personnes présentes n'ont même pas compris ce qui s'est passé.
Ma jumelle me caresse les cheveux.
— Mais non, tu n'as pas été ridicule ! Et puis ce n'est pas de ta faute, si tu n'as pas beaucoup de pouvoir ou si tu es un garçon.
— Hum…
— Tu as d'autres qualités, m'assure Morgane avec optimisme. Tu es plutôt mignon, dans le genre mec maigrichon. Tu te débrouilles bien avec les bébés, comme avec Oriande. Et tu es doué dans ton espèce de jeu vidéo.
Je lève vers ma sœur un regard malheureux.
— Qu'est-ce qui cloche avec moi ? je gémis.
Quand j'étais enfant, j'ai souvent surpris des discussions à ce sujet entre Grand-mère et Maman. Elles pensaient sans doute que j'étais trop jeune pour les comprendre, mais ce n'était pas le cas. Je les entendais s'interroger sur ma nature. Sur ma presque absence de pouvoir. Sur le fait que je n'étais pas une fille. Elles élaboraient toutes sortes d'hypothèses sans jamais parvenir à se mettre d'accord sur une.
— Rien ne cloche, m'assure Morgane en me tapotant l'épaule. Tu es juste une bizarrerie de la nature. Comme les jumeaux siamois, par exemple. Tu sais, ceux qui naissent collés l'un à l'autre. Heureusement que cela n'a pas été notre cas !
Je recule en grommelant.
— Une bizarrerie ? Merci bien.
Au moins, je peux toujours compter sur ma jumelle pour me lancer des compliments.
16 commentaires
cedemro
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Il y a 4 mois
Herrade_Riard
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Il y a 4 mois
Fanny Nohal
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Il y a 5 mois
Ode 30
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Herrade_Riard
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M.B.Auzil
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Psyckito
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Emmy Jolly
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Il y a 5 mois