Fyctia
Bleu marine
Chapitre 16 : Jamie
Je vois un maelstrom d’émotions défiler sur le visage de Kate Mason. Mais la plus présente reste la peur. Rien d’étonnant à ça : comment vous réagiriez, vous, si vous vous retrouviez tour à tour accusée de meurtre, puis menacée d’assassinat ?
Personnellement je n’irais pas bruncher en me disant que ce n’est pas si grave. Mais en sortant de chez Mr Li ce matin j’ai eu une idée. J’ai bien envie de l’exposer à Miss Mason, même si je doute que son bavard soit d’accord avec ça.
-Madame Mason, je me demandais si vous seriez d’accord pour voir un psychologue de nos services.
Elle fronce les sourcils.
-Un psychologue ?
Je pèse soigneusement mes prochains mots.
-Un spécialiste de l’hypnose, pour être très précis. La méthode est encore peu conventionnelle, mais elle fait des miracles dans certains cas d’amnésie et….
-Non mais vous avez perdu la tête ?
Ultra Bright intervient, forcément. Je m’y attendais un peu, mais je me disais que qui ne tente rien…
-Cette méthode est très controversée, elle fait parfois plus de mal que de bien, et ne parlons même pas de son possible pouvoir de persusas…
-C’est d’accord.
Kate Mason avait parlé d’une voix claire.
Nous nos tournons vers elle, complètement surpris.
-Pardon ?
-C’est d’accord.
-Kate, je vous le décons…
-J’ai dit, c’est d’accord. Je n’ai pas tué cet homme. Quoi qu’il se soit passé, si ça peut m’empêcher de me retrouver égorgée en sortant d’ici , alors je suis d’accord . Tout, plutôt que de ne pas savoir.
Voilà comment on cloue le bec d’un avocat. Je lutte contre l’envie de sourire.
-Voilà ce que je vous propose . Je vais m’entretenir avec vos amies de chez Karzell cet après midi. Cela nous donnera déjà une idée de ce qui s’est passé pendant ce début de soirée. Cela donnera à notre psychologue un cadre pour commencer la séance. Je pourrais vous arranger un rendez- vous pour demain matin.
Elle hésite puis acquiesce.
-Je ne vais nulle part, de toute manière.
En effet.
Je me lève et la laisse avec Ultrabright le surpayé. J’ai su que c’était Karzell qui réglait la note. Sa directrice adjointe accusée de meurtre, ça la fout mal.
J’avale un sandwich triangle en provenance directe du distributeur. Puis je reprends le métro, direction Karzell, pour mon rendez-vous avec Kirsty Poole.
Les bureaux de Karzell sont situés juste au-dessus de la boutique , sur Oxford Street. Lorsque je pénètre dans le magasin, je me sens comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Kerzell semble avoir fait du minimalisme son fonds de commerce.
Chaises Ghost, table en plexiglas , tableau monochrome. Les haut-parleurs diffusent un bruit blanc.
Le style Bauhaus revisité, mixé avec un style Shaker très à la mode. Le Corbusier aurait sans doute adoré ça. Moi, beaucoup moins. Je suis plutôt du style chiens jouant aux cartes.
J’emprunte le grand escalier blanc .
Les bureaux de Karzell sont situés dans un grand open space vitré. Ici aussi, tout le design est soigneusement contrôlé : les bureaux blancs laqués, les sols blancs, les tapis blancs, seul les éléments de papèterie : agrafeuse, crayons, tapis de souris, sont noirs.
Kirsty Poole est là. Grande, brune, anguleuse, aux yeux de chat. Je lui donne une petite quarantaine d’années. Elle porte une robe fourreau noire et des boucles d’oreille en lapis Lazuli.
A côté d’elle, une petite femme d’un mètre soixante se tient voûtée. Un peu d’embonpoint, des joues rouges et des cheveux courts, très blonds, frisés . Elle porte un tailleur en lin.
Kirsty Poole s’avance vers moi, et me serre la main franchement. Elle se retourne et me présente sa compagne, qui n’est autre que Jolene Douglas.
Elles me précèdent à leur salle de réunion , entièrement vitrée, elle aussi. Lorsque nous entrons, deux hommes se tiennent autour de la table. L’un est Richard Kerzell, le fils du fondateur de Kerzell. Il a un air faussement décontracté, polo Eden Park et pull sur les épaules.
L’autre est plus petit, plus nerveux, et plus apprêté. Le PDG de Kerzell me le présente comme étant Arnold Douglas , conseiller juridique.
Nous nous installons sur les chaises inconfortables autour de la table.
-Je suis venu m’entretenir avec mesdemoiselles Poole et Douglas sur les évènements de samedi soir. Je suis d’ailleurs surpris, mademoiselle Poole, de vous trouver ici . J’ai vainement cherché à vous joindre plus tôt dans la journée.
Jolene Douglas ouvre la bouche pour répliquer, mais le conseiller juridique la devance.
-Oui, ma fille m’en a parlé. Comme je savais que vous voyiez Kirsty cet après midi , je me suis dit que Jolene pourrait assister à l’entretien.
Jolene Douglas. Arnold Douglas. Evidemment.
-L’une de vous peut-elle me raconter la soirée de samedi soir ?
Sans surprise, c’est Kirsty Poole qui prend la parole.
-Nous sommes parties du bureau vers 20H30. Nous avions décidé d’aller au SoHo fêter la promotion de Kate. Nous sommes amies toutes les trois depuis que nous avons démarré à Kerzell, dans notre succursale de New York. Comme c’est la tradition à Londres, nous nous sommes lancées dans un pub crawl . Nous sommes allées au So Ho comme prévu. Nous y avons bu trois verres, et quelques shooters. Ensuite nous avons repris nos affaires et nous pensions aller au Spot. C’est près d’Hyde Park. Seulement Kate s’est absentée quelques minutes pour aller aux toilettes. Son quatrième shooter lui avait quelque peu mis la tête à l’envers . Nous l’avons attendue au bar pendant vingt minutes, puis nous sommes allées voir aux toilettes, au cas ou elle serait malade. Mais nous ne l’avons pas trouvée. Kate n’était nulle part.
-Qu’avez-vous fait alors ?
-Nous avons supposé qu’elle était rentrée chez elle, et nous sommes allées boire quelques verres au Spot.
Nous sommes rentrées chez nous un peu après une heure du matin ?
-En taxi ?
-Non, notre hôtel se trouve sur Hyde Park. Nous sommes rentrées à pied, et nous sommes couchées directement.
-Vous partagez une chambre ?
-Non, nos suites sont l’une en face de l’autre.
Evidemment.
Richard Kerzell se lève.
-C’est horrible ce qui arrive à notre Kate. J’en suis bouleversé.
Ben tiens. Il n’en a vraiment pas l’air, pourtant. Il a l’air plutôt contrarié, comme si ma présence dans ses locaux retardait l’heure de sa partie de golf .
Lorsqu’elles me raccompagnent à la sortie, Jolene ne cesse de me jeter des coups d’œil à la dérobée.
Mon instinct de flic me dit qu’elle me cache quelque chose. Mais quoi ?
2 commentaires
Samara litsey
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Il y a 7 ans
Jacques Pons
-
Il y a 7 ans