Fyctia

Je me suis réveillée hyper tôt ce matin et depuis je tourne dans mon lit comme un lion en cage… Je suis fatiguée mais totalement stressée pour ce soir… Première soirée du lycée à laquelle je vais assister. Peur de pas être à ma place. Peur de m'ennuyer, de ne pas savoir quoi dire, de faire potiche. Peur de me ridiculiser à cause de Blanche et sa bande, comme l'autre jour en sortant de la salle.

Jusqu'à maintenant, j'ai toujours feinté quand il fallait sociabiliser au lycée ou en dehors. Pas de soirées gigantesques, j'ai toujours réussi à dire que mes parents ne voulaient pas. Mais là, Soliman me pousse, et Géraldine compte sur moi. Je n'ai pas le choix.

Je ne sais pas comment m'habiller. J'ai pas franchement de vêtements à la mode, je ne sais pas les choisir. Je me sens toujours déguisée quand je porte quelque chose d'un peu habillé. Et puis, c'est pas le peu de formes que j'ai qui me mettent en valeur. Poitrine quasi inexistante, fesses idem, je flotte dans le 36. Rien que d'y penser j'angoisse totalement. J'envoie un message à Géraldine. Elle saura me conseiller elle.

**Coucou, tu t'habilles comment pour ce soir ?**

** Salut ! c'est juste une soirée du lycée, je vais seulement améliorer ma tenue quotidienne. Je veux pas en faire trop.. Et toi ?**

Ah ben j'ai bien fait de lui demander… Je pensais qu'il fallait que je me transforme en "vraie fille branchée ".

**Justement j'en sais rien… J'ai pas trop l'habitude et j'ai pas grand chose non plus. Tu me conseilles quoi ?**

**Mince, c'est con que tu me l'aies pas dit avant, sinon je t'aurais proposé de passer à la maison, on se serait préparées ensemble. T'as pas une tenue améliorée ?**

**ben non je crois pas :-/ Je vais voir…**

**Ok, tu me redis si t'as besoin d'un accessoire ;-)**

Améliorée… J'imagine qu'elle veut dire une tenue que je peux mettre tous les jours avec un petit truc en plus…

Bon, je vais ouvrir mon armoire et fouiller… Je pose mon portable sur la table de nuit et je m'étire de tout mon long en m'apprêtant à me lever quand on frappe à ma porte de chambre. Il est super tôt et comme je n'ai pas cours… D'habitude personne ne vient me réveiller. Que se passe-t-il ?

— Salut soeurette ! On peut entrer ?

Romy ! Je me relève d'un coup, oubliant ma probable tête de déterrée à la coiffure punk, j'ai la banane d'un coup, envolée la fatigue !

— Maman m'avait pas dit ! T'es là tout le week-end ?!

Romy entre, accompagné de Lise, qui reste discrètement dans l'encadrement de la porte, sans doute gênée de me déranger au saut du lit.

— Oui, on s'est dit que vous aviez besoin d'un peu de soutien, on voulait voir Régis et Sylvie aussi… Qu'est-ce que tu racontes ?

— Ca va … J'essaye de pas trop penser à tout ça en fait… Tu me laisses me préparer ? Je descends dans un quart d'heure pour le petit déjeuner ok ?

— Pas de souci frangine ! Papa est parti chercher des croissants ! Me laisse pas trop longtemps en tête-à-tête avec maman hein !

Il referme la porte derrière lui en m'adressant un clin d'oeil. Le week-end s'annonce bien ! Je file rapidement remettre mes idées en place sous la douche et je m'habille, trop pressée d'aller les rejoindre !

Je les retrouve attablés devant leur mug de café, à discuter sérieusement avec les parents, visages fermés. Caroline évidemment. J'aimerais l'oublier parfois. J'oscille entre inquiétude, tristesse et colère à son égard. Comment peut-on éprouver autant de sentiments partagés en même temps ?!

Je vais sur la chaise libre à côté de Romy et en passant je le décoiffe de mes deux mains, le menton dans son cou pour le faire râler, ce qui ne manque pas d'arriver. J'adore le titiller et je crois que, sous ses airs bourrus, lui aussi. Je vois mon père sourire et m'adresser un regard narquois. C'était bien quand Romy vivait là…

Ma mère, elle, ne sait pas se détendre. Elle est engluée dans les soucis. Je la regarde pas, j'ai pas envie qu'elle me plombe encore le moral. Toujours crispée, on a l'impression de jamais faire les choses correctement pour qu'elle se sente bien. La moindre de ses réactions me culpabilise. on a toujours l'impression qu'elle porte toute la misère du monde en elle… Qu'est-ce qu'on a fait pour qu'elle soit comme cela ?! Pourquoi on arrive pas à la rendre heureuse ?

— Alors Jo, tu es prête pour ce soir ?

Mon père a compris lui, il change de sujet. Il sait combien penser à Caroline m'est difficile…

— Non, pas vraiment…

— Qu'est-ce qu'il y a ce soir, cachotière ?! Demande Romy en tentant de me chatouiller sous les côtes pendant que j'attrape mon bol.

— On me traîne à la soirée trimestrielle du lycée, dis-je en grimaçant.

— Comment ça "On te traîne" ?! T'as pas envie d'y aller ?

— Ben… je suis pas très à l'aise dans ce genre de trucs déjà et en plus j'ai pas de tenue adaptée alors… D'ailleurs… Lise… Tu veux pas m'aider à trouver quelque chose à mettre ?

Lise me regarde avec des grands yeux noisettes et un sourire détendu éclaire son visage.

— Si tu veux ! On va bien trouver quelque chose !

— Bon, sans Romy hein, c'est des trucs de filles, ça le regarde pas !

— Ah ok, tu la joues comme ça ?! Tu perds rien pour attendre frangine !

Je vois à son sourire qu'il est plutôt satisfait en fait, et il se détend d'un coup. Lise est adoptée. Et moi, j'ai une grande sœur sur qui compter.