Catherine Domin Le Glaive et la Rose Chapitre 50

Chapitre 50

A force de chercher dans le dédale des vieilles rues du Havre, ils trouvèrent enfin une auberge qui pouvait les accueillir et ils s’y installèrent pour la nuit.


Les trois femmes partageaient la même pièce. Etant donné la rareté des auberges dans les villes, il était très fréquent que plusieurs occupants soient regroupés dans une chambre, et parfois, qu’ils dorment dans le même lit.


Oriane et Clotilde partageaient le lit et la Reine couchait dans un autre, au fond de la pièce. Clotilde semblait dormir du sommeil du juste et sa petite respiration rythmait le silence pesant. Mais Oriane, elle, ne dormait pas.


La princesse se remémorait les événements vécus dans la journée. Elle n’avait aucun souvenir d’être intervenue dans la bataille. Elle se rappela seulement d’en avoir vu le début et d’en avoir été horrifiée. Puis, elle se souvint n’avoir repris conscience que dans les bras de Ronan qui l’enserrait fort. Que s'était-il donc passé ? avait-elle donc commis les choses terribles dont on lui avait parlé ?


Voulant oublier ces souvenirs terribles, elle se concentra sur Ronan. Et elle repensa à lui.

Ronan ! Il l’avait serrée dans ses bras. Il était visiblement très ému. Si affecté qu’il lui avait même déposé un baiser sur ses cheveux. Il avait donc un sentiment pour elle. Cette simple pensée la mit en joie et effaçait un peu les horreurs qu’elle avait vues ensuite.


Etait-ce le produit d'un simple attachement ou de l’amour ? Si c’était cela, elle s’efforça d’y croire. Mais, conformément à son habitude, et aussi parce qu’elle avait été surprise, elle l’avait raillé. Soudain, elle eut honte de son comportement. Cette attitude hautaine, voire sarcastique qu’elle affichait depuis le début envers Ronan, bien qu’elle l’aimât profondément et ne pensât qu’à lui. Pourtant, celui-ci s’était toujours montré attentionné. Et il avait abandonné, sur le coup de l’émotion, la déférence polie qu’elle lui avait reprochée quelques jours auparavant. Alors, pourquoi ?


Mais c’était plus fort qu’elle. Il fallait qu’elle agisse toujours en petite princesse gâtée. On lui avait appris depuis toute petite à mettre de la distance entre elle et les simples gens. Il était évident qu’elle manquait de chaleur, et pourtant, elle n’était pas dénuée de sentiments, bien au contraire, mais elle avait tellement appris à les cacher…et avait si peur de les dévoiler.


Il était grand temps qu’elle change et, peu à peu, les épreuves endurées lui avaient ouvert les yeux. Elle se promit donc d’être plus tendre avec lui, même si leur amour n’avait pas d’avenir.


Pas d’avenir ? Qu’était-ce vraiment que l’avenir, cette promesse illusoire ? Tout futur semblait incertain. Elle avait réalisé peu à peu que chacun d’entre eux pouvait perdre la vie à tout moment au cours de cette mission et elle se dit que, jusque-là, elle avait agi en sotte. Alors, l’avenir ? celui-ci semblait bouché.


Carpe diem, lui avait dit autrefois son précepteur. Cette expression prenait maintenant tout son sens.


Cependant, les sentiments de l’un envers l’autre semblaient la seule chose tangible, là où tout pouvait basculer. Mais comment lui faire comprendre les siens ? il y avait toujours un obstacle entre eux. Que ce soit Merlin, qui la surveillait constamment comme le lait sur le feu, ou la Reine qui mettait maintenant un soin jaloux à séparer les femmes des hommes, afin d’éviter tout problème lié à la promiscuité dans laquelle ils devaient vivre.


Mais, quand ils étaient en contact, Ronan et elle n’arrivaient pas à communiquer leurs sentiments l’un pour l’autre. Aucun d’entre eux ne semblait trouver les mots et l’attitude adéquats.


Ces questions restaient sans réponse, mais elle espérait pouvoir y trouver une solution un jour où l'autre.


Au bout d’un long moment, elle finit par s’endormir sur cette note d’espoir.


Ronan, quant à lui, ruminait dans son lit. Il partageait sa chambre avec Gislebert. Celui-ci, épuisé, dormait du sommeil du juste et ronflait un peu.


Pauvre noble et courageux Ronan, dont l’amour n’était pas récompensé. Se retournant sans cesse sur sa couche, il pensait à Oriane. Il avait eu si peur quand il l’a vue sauter de la dunette sur le pont et fut époustouflé quand il la vit se battre. Il avait vite compris qu’elle était sous le pouvoir du Glaive. Cependant, il avait craint pour son existence.


Il maudissait cette prophétie qui obligeait Oriane à tuer Othon. Il aurait préféré le faire lui-même et prendre tous les risques. Mais il serait toujours à ses côtés, dusse-t-il y laisser sa vie.


Conformément à son habitude, elle ne s’était pas laissée aller à l’émotion, mais il était certain qu’elle avait des sentiments envers lui. Quand ils s’étaient endormis côte à côte dans l’église de Saint Philibert, elle avait tendu sa main vers lui et il s’en était saisi. C’était si doux, de tenir cette petite menotte dans sa main. Il aurait voulu la porter à ses lèvres et la baiser, sans oser le faire. Il se délecta de ce souvenir. Peut-être avait-elle simplement besoin d’être rassurée, ou peut-être que non. Il espérait pouvoir tôt ou tard lui avouer qu’il l’aimait, qu’il la chérissait, et tant pis si elle le rejetait. Il l’aimerait, malgré elle.


Il finit par s’endormir, cette pensée en tête.


Merlin avait du mal à trouver le sommeil, lui-aussi. Il avait vécu déjà deux mille cinq cents ans. Il avait été témoin de bien des guerres et de drames, et aussi de périodes heureuses de paix. Il avait maintes fois tenté d’influencer les hommes afin qu’ils fassent le bien autour d’eux et éviter les conflits. Et aussi de corriger les déséquilibres du monde comme il aimait à le dire. Il avait réussi quelques fois, mais, tout comme ses pairs, il avait échoué bien souvent. Même s’il arrivait à lire dans les esprits des grands de ce monde et les influencer, il ne disposait que de potions et d’incantations magiques et ne pouvait agir qu’avec ces moyens limités.


Finalement, découragé, il se dit que les hommes étaient incorrigibles et belliqueux et que la guerre règnerait sans fin, tant que les humains existeront. Ils étaient en grande partie responsables de leurs malheurs. Et il était fatigué. Il avait rempli largement sa part du pacte qu’il avait souscrit et il songeait à redevenir un simple mortel. Il avait cette possibilité. Il suffirait simplement qu’il le souhaitât ardemment. S’il arrivait, par le biais du Glaive, et des trois prédestinés, à terrasser Evilyn, l’esprit du Mal, il aurait accompli sa mission la plus importante et ce serait peut-être la dernière.


« A chaque jour suffit sa peine et demain est un autre jour » pensa-t-il. Puis il sombra dans le sommeil.



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