Fyctia
Chapitre 30
L’initiation de nos trois héros commença dès le lendemain et dura plusieurs semaines.
Le premier entraînement consista à manier la lance dans un combat à cheval, se battre à pied et à l’épée. Lancelot et Perceval leur montrèrent comment faire et ils s’entraînèrent chacun leur tour à se battre contre eux. Ils ne pouvaient pas trouver de meilleurs professeurs.
Ce ne fut pas chose facile car ils n’avaient pas bénéficié de la formation qu’ils auraient dû suivre pendant leur enfance, et n’avaient pas appris les nobles règles. Cependant, leur entraînement au combat pendant leur enrôlement dans l’armée leur avait bien servi. Ils étaient devenus plus forts, avaient appris à manier les armes et à se battre. Et Ronan avait, malgré son manque d’expérience, fait preuve d’adresse et de force lorsqu’il avait défié Amaury. Il avait les aptitudes pour devenir chevalier. Gislebert, avait l’habitude de monter à cheval depuis sa plus tendre enfance, mais, de santé fragile, n’avait pas suivi un tel enseignement. Il était plutôt destiné à devenir un clerc ou un lettré. Mais les hasards de la vie l’avaient conduit sur une autre voie.
Puis, les garçons durent s’entraîner pour passer l’ultime épreuve qui suivait l’adoubement. Elle consistait à sauter, revêtu de son armure, sur un destrier, sans toucher les étriers et partir au galop en reversant une série de mannequins avec la lance.
Ils s’entraînèrent d’abord à sauter sur le cheval sans leur armure. Il leur arrivait parfois de mal se recevoir. Une fois, Gislebert, ayant pris trop d’élan, avait atterri sur le pommeau de sa selle. Inutile de décrire la douleur qu’il ressentit à cet endroit sensible de sa personne et les cris qu’il poussa alors. Parfois, les chevaux, lassés qu’on leur saute sur le dos, s’écartaient et leurs cavaliers se retrouvaient à terre, sur leur postérieur, ce qui n’a pas manqué de faire rire leurs entraîneurs. Puis, ayant acquis une certaine habileté, ils refirent le même exercice revêtus de leurs armures.
Chaque soir, ils rentraient fourbus, courbaturés et avaient quelques difficultés à se tenir assis. Pendant le repas, les chevaliers ne manquaient pas de rire d’eux. Pris de pitié, le seigneur du château leur fit apporter des coussins sur lesquels ils purent s’asseoir. Puis, après avoir pris un bain bien chaud, ils se couchaient, exténués et couverts de bleus, mais déterminés à continuer jusqu’au bout.
Et, à force d’acharnement, ils finirent tous deux par réussir cet exercice du premier coup.
Au milieu du mois de février, vint le jour de l’adoubement. Tout d’abord, Ronan et Gislebert devaient suivre le rituel. La veille, on leur demanda de prendre un bain purificateur, puis de revêtir une tunique blanche et de jeûner. Ensuite, ils passèrent la nuit à prier à la chapelle, assistés des trois chevaliers de la Table Ronde, devenus leurs parrains.
Enfin, ils durent se confesser, et faire bénir leur épée par le prêtre. Leur âme était pure et ils n’avaient à avouer que des péchés véniels. Ronan confessa au prêtre son amour pour une femme et celui-ci le rassura. Il ne ferait pas pénitence, tant que ce sentiment resterait pur. Afin de tenir cet engagement, Ronan se promit alors de ne penser à rien d’autre qu’à servir Oriane, sans espérer avoir de commerce charnel avec elle, et de rester chaste. Difficile était ce vœu à respecter pour une jeune homme si plein de santé !
Ensuite, ils durent, chacun leur tour, réciter le serment des chevaliers qu’ils avaient appris par cœur, en posant la main sur l’Evangile. Après quelques siècles d’abandon, le christianisme était revenu en force et l’église toute puissante régnait de nouveau sur le salut des âmes. La religion servait de réconfort et permettait d’affronter les vicissitudes de l’existence. Plus que jamais, on y eut recours par ces temps difficiles.
Ces prescriptions, retrouvées parmi les parchemins sauvés de la destruction, avaient été remises en vigueur. Ces commandements étaient restés les mêmes que ceux édictés plus de deux mille ans auparavant. Et, pour répondre aux injonctions les plus importantes, les chevaliers ont fait vœu de défendre tous les faibles, d’aimer leur pays, ne jamais fuir devant l’ennemi, ne jamais mentir, rester fidèle à sa parole, d’être libéral et généreux, et de combattre l’injustice et le mal.
Puis, des pages les aidèrent à revêtir leur tenue, et ils durent ceindre l’épée. Le seigneur du château leur donna trois coups du plat de son épée sur la joue en disant à chacun la formule rituelle : « Au nom de Dieu, de Saint Michel et de Saint Georges, je te fais chevalier. Sois vaillant, loyal et généreux ».
Après cette émouvante cérémonie célébrée en présence d’Oriane, Merlin et des trois chevaliers, on leur amena leur destrier et ils revêtirent leur heaume. Et vint l’ultime épreuve du saut sur leur monture et le renversement des mannequins à l’aide de leur lance, qu’ils réussirent brillamment.
Oriane dut passer des épreuves elle aussi, mais son enseignement prit beaucoup moins de temps. Elle fut questionnée sans relâche sur ses motivations mais et jamais sa réponse ne varia, malgré les pièges qu'on lui tendait. La noblesse de ses sentiments se révéla à chaque fois.
Au fil du temps et après les épreuves endurées, elle avait fini par oublier sa rancœur et l’objectif de vengeance de la Reine. L’amour qu’elle portait à Ronan l’avait détournée de ces sombres desseins. Pour elle, seule la délivrance du Royaume comptait à présent.
La veille du jour de la cérémonie d’initiation, on lui reposa les questions rituelles. Après qu’elle ait répondu, on lui a fait jurer sur l’Evangile qu’elle ne se servirait du Glaive que pour le bien du royaume et non par vengeance. Ceci n’eut lieu qu’en présence d’un prêtre et des sages de la Confrérie.
Et maintenant, il ne restait plus à Oriane et aux jeunes hommes qu’à être initiés au pouvoir du Glaive. Ce jour-là, Merlin vint chercher Oriane et les deux garçons. On les amena dans une crypte, située dans les fondations du château. S’y tenaient les sages de la Confrérie du Glaive, ainsi que Lancelot, Perceval et Galaad, et Tancrède.
A ce moment-là, Oriane devait passer l’ultime épreuve : prendre le Glaive en main. C’était la seule personne autorisée à le faire. Si elle était animée de mauvaises intentions, elle serait foudroyée séance tenante. Elle avait été prévenue auparavant. Toute sa vie se joua à ce moment précis.
Pâle et déterminée, elle s’avança vers l’épée, posée sur une table en pierre. Elle la prit en main et la leva. Celle-ci devint aussitôt luminescente. Elle la reposa dès qu’on lui en donna l’ordre et revint s’asseoir près de Ronan et Gislebert.
— Votre Altesse, vous êtes maintenant digne de vous en servir. Nous avons lu dans votre âme : vos intentions sont pures et vous ne souhaitez agir que dans un but altruiste dans lequel la haine et la vengeance n’ont pas leur place. Le jour venu, vous devrez n’avoir que cette noble pensée en tête : délivrer Othon de l’emprise d’Evilyn, et sauver le Royaume.
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