Fyctia
Chapitre 25 partie 2
Lorsqu'ils pénétrèrent dans la grande salle, Aodren sentit un poids peser sur ses épaules, et eu tout à coup l’impression de suffoquer. Il reprit difficilement sa respiration, érigeant une légère barrière magique autour de lui et reconnut le grand hall dans lequel le maire donnait autrefois les banquets en l’honneur de ses invités, notamment la famille royale.
La pièce avait été vidée de ses tables, un gigantesque tapis de laine rouge et or occupant tout l’espace. Sur l’estrade haute de deux marches, un homme était installé dans un grand fauteuil en bois, une jambe posée sur l’autre, appuyé sur les accoudoirs, le menton posé nonchalamment sur son poing. Il portait des scandales en lanière de cuir, un simple pantalon blanc, laissant son torse musclé entièrement nu, dévoilant une imposante cicatrice ronde sur la poitrine. Ses épaules couvertes d’épaulière en cuir noir comme les armures de ses guerriers. Ses cheveux noirs et brillants étaient coupés court, son menton carré rasé de près et ses yeux d’un noir profond, qui mirent mal à l’aise le prince.
Une sensation de malaise s’empara alors de son corps et il sentit sa tête lui tourner tandis qu’un frisson glacé lui frôlait l’échine. Il eut l’envie soudaine de mettre un genou à terre et du lutter de toutes ses forces pour rester debout. Derrière lui, il entendit ses compagnons perdre l’équilibre et tomber au sol. Marwen lui, resta debout les poings serrés et les yeux fixés au loin.
Aodren suivit le regard de son ami et remarqua alors les deux hommes qui se tenaient de chaque côté de l’étranger.
L’un d’eux, un étranger en armure à la carrure d’un ours, avait des cheveux brun coiffés en milliers de petites boucles luisantes, tirés en arrières par un lacet de cuir. De l’autre côté du fauteuil, Aodren reconnut celui que devait être le fameux mage dont leur avait parlé Yrua la veille, Rainir. Il portait une longue robe brune en laine typique des mages de seconde classe, ses mains croisées devant lui et il fixait Marwen avec une expression indéchiffrable. Ses cheveux blancs en bataille lui tombaient presque par-dessus ses yeux clairs, et son visage émacié était parsemé de taches de rousseur. Il portait serré autour du cou un étrange collier doré qui dénotait avec son humble tenue.
Est-ce là l’un de ses fameux bijoux que l’empereur offre aux habitants ?
Aodren reporta son attention sur l’homme assis sur le fauteuil qui fixait intensément Marwen. Ce dernier était à présent devenu aussi pâle que le maire, des gouttes de sueur perlant sur son front. Aodren se racla la gorge pour rapporter l’attention de l’étranger sur lui.
— Bienvenue, Prince Aodren, dit enfin l’homme d’une voix profonde qui résonna avec force dans toute la salle.
Aodren lutta pour soutenir l’intense regard de l’homme toujours accoudé à son siège.
— C’est bien la première fois qu’un étranger me souhaite la bienvenue sur mon territoire, répondit-il en relevant tant bien que mal le menton.
Il n'était pas très doué pour créer des sorts de protection et sentait sa maigre barrière commencer à flancher. L’empereur lâcha un petit rire avant de continuer.
— Je ne voulais pas vous offenser prince, dit-il en relevant les mains. Je ne suis pas encore au fait de tous vos protocoles. Je ne suis en effet qu’un étranger sur ces terres venu découvrir la culture de votre magnifique royaume.
Le prince constata avec stupéfaction que l’empereur parlait parfaitement leur langue. Comme s’il l’avait parlé toute sa vie.
— Vous me voyez ravi que mon royaume vous plaise empereur. Je vois que vous avez rapidement appris notre langue, cela m’honore. Cependant, je suis surpris de ne pas avoir été informé plus tôt de votre arrivée sur nos terres, continua Aodren en lançant un regard par-dessus son épaule au maire qui était resté à l’entrée de la salle, pâle comme un mort.
— N’en veuillez pas à sire Lughen , c’est moi qui l’ai prié de ne pas en informer tout le territoire, répondit l’homme.
Aodren se racla la gorge avec difficulté avant de reprendre :
— Le maire étant un des sujets du royaume, c’est au roi avant tout qu’il doit obéir, pas à vous. Mais passons je règlerai ça avec sire Lughen en temps voulu. Jusqu’à quand comptez-vous rester dans notre royaume empereur ? Non pas que je veuille vous chasser, mais la bienséance veut que les étrangers qui souhaitent visiter nos terres viennent tout d’abord se présenter au Roi.
L’empereur le fixa sans rien dire, plissant les yeux, son sourire ayant disparu.
— Si vous souhaitez découvrir la culture de notre peuple, continua Aodren, la cité royale est le meilleur endroit pour cela. Surtout si vous êtes intéressé par la magie, comme j’en ai entendu parler.
Les yeux de l’empereur semblèrent s’illuminer soudainement et il se redressa dans son siège.
— En effet, je suis passionné par cette pratique ! Mon ami Rainir essai justement de m’en expliquer les bases depuis quelque temps. Mais je suis convaincu qu’il serait tout aussi intéressant d’étudier auprès d’autres de ses confrères, dit-il en posant son regard sombre et froid sur Marwen. Si je ne m’abuse, vous êtes d'ailleurs accompagné par l’un deux...
Aodren sentit son cœur s’affoler et son corps se figer. Comment sait-il que Marwen est un mage ? Est-ce Rainir qui l’en a informé ?
— Je serais honoré de vous enseigner notre art empereur, intervint Marwen d’une voix douce et posée. Malheureusement, je dois m’en retourner à la cité pour m’occuper de mes patients. Peut-être pourriez-vous passer me voir après avoir rendu visite au roi.
L’empereur eut un rire bref avant de répondre avec un léger sourire en coin :
— Pourquoi pas. Je dois justement rencontrer une autre personne en chemin, allez-vous m’y guider mage ?
Marwen le regarda sans comprendre.
— Nous pouvons vous escorter si vous le souhaitez, intercéda Aodren.
— Parfait ! S'exclama l’empereur en se redressant. Allons-y de ce pas.
Aodren recula d’un pas, étonné.
— Et bien... Nous ne pouvons pas partir ainsi pour la capitale sans en informer au préalable le roi.
L’empereur se laissa à nouveau tomber sur son siège. Le visage contrarié, il observa un moment le prince sans rien dire avant de répondre :
— Et bien soit, retournez donc prévenir le roi.
Aodren sentit le poids qui pesait sur ses épaules s’alléger et se sentit tout à coup plus libre de ses mouvements.
— Je m’en vais donc informer le roi de votre visite empereur.
— Bien, fit l'homme en lui souriant étrangement.
Aodren se retourna, suivit de Marwen et de ses hommes qui s’étaient redressés. Ils avaient presque atteint la porte lorsque la voix de l’empereur résonna jusqu’à eux, menaçante.
— Ne traînez pas Aodren...
Le prince se retourna vivement vers l’empereur qui était penché en-avant sur son fauteuil. Les coudes posés sur les accoudoirs du siège, son visage reposant sur le dos de ses mains, une étrange lueur brillait dans son regard.
— J’attends cette rencontre avec impatience depuis trop longtemps déjà...
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