Fyctia

L’homme passe une main tremblante dans ses cheveux bruns, ses jambes le faisant avancer vers une destination que lui-même ignore. Il déteste perdre ainsi le contrôle de ses sentiments, surtout face aux autres. Sous ses yeux, une cascade apparaît. Cet endroit est immense, tout ce que chacun désire s’y trouve, tout ce dont chacun a besoin y existe.

Hyko lève un regard lassé vers le ciel. Il n’a jamais voulu être un Dieu. On ne lui en a pas laissé le choix. Il a vu ce monde évoluer et changer. Aussi bien positivement que négativement. Il lui est impossible de s’attacher à qui que ce soit, il lui est impossible de parler à un humain. Les fois précédentes lui ont suffi pour s’en interdire.

Ses milliers d’années de vie se font de plus en plus sentir sans qu’il sache pourquoi. Les mortels l’évitent et le craignent, comme s’ils sentaient ce qu’il avait vécu.

Les yeux sombres se perdent dans la contemplation de l’eau s’écoulant à l’infini. Ça pourrait être un paradis s’il n’était pas coincé ici. Mais il n’allait pas se laisser abattre. Le Dieu sait que c’est ce qu’Ils souhaitent. Qu’ils veulent tous les voir disparaître.

Plusieurs tombent dans le piège des Dieux Déchus à tuer, leur réduisant un peu le travail. Mais les plus anciens n’en font pas cas. Ils attendent. Que ces grands Dieux viennent finir ce qu’ils ont commencé. Ces derniers se doutent de ce qui les attendent, c’est d’ailleurs pour cela qu’ils ne sont toujours pas venus.

Mais les Déchus sont patients. Il le faut bien, car l’immortalité c’est long.

Alors tous attendent, observant le monde à ses côtés, intervenant de temps en temps. Se mêlant aux humains lorsqu’ils n’ont pas vécu trop longtemps.

Mais ils n’oublient pas la raison qui les pousse à agir ainsi, ils n’oublient pas ceux qui les forcent à se cacher. Ils nourrissent cette flamme de colère en eux, s’assurant qu’elle ne s’éteigne pas.

En refermant le livre, Mesdrak ne sait plus où en sont ses sentiments. Il ressent surtout de la frustration car, bien qu’il ait trouvé de précieuses informations, il y a quelque chose qu’il ne comprend pas.

Si tous ces détails sont connus par les siens, pourquoi n’en a-t-il aucun souvenir ?

Il lève le regard vers le plafond. Le nombre de choses illogiques qui prennnent place autour de lui le rendent incertain.

Mais il comprend tout de même mieux pourquoi Hyko a réagi de la sorte.

Mesdrak range le livre à sa place et se dirige vers la rangée d’à côté où Étaïla se trouve toujours. En le voyant arriver, la Déesse referme son livre et se lève.

- Tu as trouvé ton bonheur ?

- Oui… enfin je crois.

Les yeux noisettes de la femme se plissent, mais elle ne dit rien. Elle aussi, elle en sait beaucoup. Mais ce n’est pas son devoir de tout lui expliquer.

Comme les autres Dieux, son unique but est de quitter cet endroit qui n’est pas sa maison. Elle se soucie peu des autres, ne souhaitant que se venger de ces êtres qui se croient supérieurs à eux. Ils pensent que les autres Dieux ne sont que des nuisances, des êtres dont l’existence n’est pas nécessaire.

Ils sortent de la bibliothèque avec la même discrétion que lorsqu’ils sont entrés, pour descendre dans le hall et retourner dans le jardin.

- Je ne sais pas où peut être Hyko, il disparaît rarement comme ça.

- Ce n’est pas grave… je vais bien finir par le trouver.

Durant de longues secondes Étaïla fixe Mesdrak. Si leur vie à tous ne tourne pas rond, la sienne ne tourne même pas.

Le jeune homme observe rapidement le jardin avant de se diriger au hasard.

Sa présence sur Terre en est étrange. Innocent et ignorant de son propre passé, il n’est pas une menace. Alors pourquoi est-il parmi eux…?

Étaïla tourne un regard perplexe vers le ciel. Elle ne sait pas ce qu’Ils préparent, mais ce n’est rien de bon, elle en est certaine.