Fyctia
Partie de chasse
Encore en proie aux tremblements de mes muscles qui tardent à disparaître suite au contact de l’aguillon, j’observe la scène d’horreur dans laquelle je me trouve. Jamais auparavant je ne me suis attardé sur la Mort qui règne en cet endroit puisque celle-ci s’avérait être ma seule compagne.
Aujourd’hui, avec les quelques mots que j’ai échangés avec Albert, les premiers qu’il m’ait été donné de prononcer en plusieurs années, j’ai repris contact avec cette partie humaine enfouie au plus profond de moi. Malheureusement, ce lieu infernal n’appelle pas l’humain qui se trouve en chacun de nous, mais plutôt le monstre.
Et c’est justement le côté bestial de mon partenaire improbable qui vient de surgir pour lui faire abattre froidement nos adversaires. Heureusement pour moi, son inquiétude à mon égard démontre qu’il ne s’est pas totalement abandonné à cet instinct primal.
— Je suis désolé, s’excuse-t-il d’une voix anormalement calme vues les circonstances. Si je n’avais pas crié lorsque tu m’as replacé le doigt, nous aurions pu les entendre venir et t’éviter cette horrible blessure.
Portant mon regard sur mon bras, je dois reconnaître que les dommages causés par la pointe qui l’a traversé sont considérables. Il est évident qu’une intervention médicale est requise. Ce n’est toutefois pas la première fois que je me retrouve dans une situation comme celle-là. Pour l’instant, l’important est d’éliminer la menace de toutes ces personnes armées qui parcourent le dédale de corridors qui nous entourent.
Les yeux affolés de mon compagnon me rappellent brusquement à l’ordre et je me remémore sa dernière affirmation.
— Inutile de regarder dans le passé, lancé-je avec détermination. Si tu veux sortir d’ici en vie, concentre-toi sur le moment présent et essaie de prévoir le futur !
— Bon, voilà que tu te prends pour un grand sage en plus d’un docteur. Si nous sortons vivant de cet endroit, je te suggère de te lancer dans l’écriture.
Je n’en reviens pas que cet homme puisse faire de l’humour dans un moment pareil, mais j’avoue que cela me plaît beaucoup. Il est le premier semble-t-il à voir en moi plus que l’image de la bête que je projette…
— Si tu me présentes un bon éditeur, je te promets d’y penser, lancé-je avec une sincère bonne humeur. Mais pour le moment, ce sont nos talents de guerriers qui vont devoir nous guider. Nous avons une partie de chasse à mener et les mots ne nous seront pas très utiles.
— Je suis d’accord.
— Tu as une idée du nombre de personnes qui font partie de ce cycle ?
— Je dirais environ une vingtaine d’après ce que j’ai pu voir avant que l’on nous bande les yeux pour nous emmener ici…
— Il reste donc au moins six personnes si je compte ceux que nous avons éliminés jusqu’ici.
— Quoi !? lance mon ami avec stupeur. Tu as déjà tué sept participants en moins d’une heure ?
— C’est pourtant loin d’être mon record. J’ai déjà eu à combattre plus de dix attaquants à la fois lors d’une joute où ils ont condamné pas moins d’une centaine de personnes à une mort brutale entre mes mains…
— Sauf que ces “condamnés” n’avaient pas d’armes à feu ou de poisons comme c’est le cas aujourd’hui…
— En effet. Tout à l’heure, tu as dit avoir un plan pour nous permettre de sortir d’ici tous les deux. J’aimerais que tu m’en dises un peu plus, car je ne vois vraiment pas comment on peut sortir de cet endroit sans leur accord. Après chaque joute, ils injectent ce gaz qui leur permet de faire tout ce qu’ils veulent avec les occupants de cet endroit.
— Voilà justement le plan… Ils font tellement confiance à cet artifice que je compte le retourner contre eux. Je te partagerai les détails quand nous serons les deux seuls survivants.
J’avoue que cette réplique me blesse plus que je ne l’aurais imaginé. Évidemment, je devais m’y attendre : pourquoi Albert me ferait-il pleinement confiance après seulement quelques minutes passées en ma compagnie. Surtout que j’ai failli le tuer dès les premières secondes de notre rencontre…
— Tu ne me fais pas confiance ? lancé-je néanmoins avec une pointe de déception dans la voix.
— Je le vois surtout comme une assurance vie… Si tu veux avoir une chance de sortir d’ici et de te venger de ceux qui profitent de toi depuis toutes ces années, tu dois me garder en vie,
— Ça commence mal dans ce cas puisque c’est toi qui viens de sauver la mienne…
Quelque chose me dérange dans le déroulement des événements depuis mon entrée dans cette salle. Comment cet homme qui se prétend être un concurrent comme les autres peut-il en savoir autant sur les secrets de cet endroit ?
D’abord cette information sur la désactivation du système de surveillance, puis maintenant un supposé moyen de résister au gaz incapacitant… Même sa réaction lorsque les deux hommes ont brusquement pénétré dans la pièce est louche quand j’y repense.
Je crois que je ferais mieux de me méfier.
Toutefois, il a raison sur un point : le plus important en ce moment est de diminuer le nombre de participants et nous ne serons certainement pas trop de deux pour y arriver si je considère l’armement que j’ai rencontré jusqu’ici…
La partie de chasse peut maintenant commencer et je ne compte pas faire partie du gibier.
Après tout, je suis le Minotaure et ceci est mon territoire.
Mon instinct bestial réveillé par cette détermination de vaincre mes adversaires, je lance un regard confiant vers mon compagnon qui recule d’un pas en le croisant.
— Tu es prêt ? demandé-je d’une voix grave et menaçante.
— Je n’ai aucune idée de ce qui va venir, mais je préfère t’avoir à mes côtés que contre moi, ça j’en suis certain !
J’émets alors un puissant grondement guttural qui fait littéralement trembler la pierre sous nos pieds. Impossible que mes ennemis ne l’aient pas entendu. S’il y a une chose que j’ai comprise depuis tout ce temps passé ici, c’est que le meilleur effet de surprise est obtenu en étant le plus bruyant possible…
Il n’y a en effet rien de pire que l’écho qui règne entre ces murs pour désorienter le plus expérimenté des traqueurs et c’est précisément l’avantage que je compte utiliser pour terminer ce cycle le plus rapidement possible.
Avec le sang que je perd en ce moment, je doute de pouvoir rester conscient pendant de nombreuses heures…
La barre de fer de mon dernier agresseur à la main, je sors de la salle et j’arpente un premier corridor à la recherche d’une prochaine victime. Périodiquement, je frappe la pierre et porte attention aux réverbérations sonores qui résonnent quelques fois avant de s’estomper.
Ce n’est qu’au bout d’environ une heure que j’enregistre un bruit étouffé qui provient d’un embranchement un peu plus loin. D’après mon expérience, au moins deux personnes se déplacent en prenant soin de masquer le son de leurs pas. Immobile, je parviens même à percevoir quelques paroles échangées.
C’est le moment de chasser.
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Sabrina A. Jia
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Horliana
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Livia Tournois
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Gottesmann Pascal
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