Lune34 Le culte mortel Chapitre 4 : La rencontre

Chapitre 4 : La rencontre

Iris sortit du bar en serrant autour d’elle les pans de son manteau. Elle se trouvait dans une rue commerçante avec une pharmacie à gauche et des boutiques à droite. Elle passa devant une bijouterie, avant de dépasser une boutique ésotérique devant laquelle une vieille dame distribuait des miettes à des pigeons affamés. Après, elle traversa la rue au niveau d’une gigantesque librairie-papeterie, où des peintres perchés sur un échafaudage peignaient la façade en blanc.


Son immeuble, coincé entre un cabinet médical et un hôtel deux étoiles, contenait trois étages comportant chacun quatre studios. Elle habitait au deuxième et par manque de chance, elle fut coincée dans l’ascenseur jusqu'à ce qu’elle réussisse à appeler les pompiers, car l’interphone servant à appeler le mécanicien ne fonctionnait pas. Comme elle était ivre, elle mit au moins trente minutes pour transmettre son adresse, après avoir expliqué pourquoi il fallait selon elle avoir pitié des pigeons.


«Ces pauvres créatures, répétait-elle au standardiste, je les ai vues se jeter sur des miettes de pain. Nous, les humains, polluons et détruisons tout. Les volatiles n’ont plus rien à manger. Vous vous rendez compte ? C'est un scandale».


Une fois libérée de l’ascenseur, Iris rentra dans son logement de 25 m2 et se laissa tomber sur son lit, où elle s’endormit. Quelques heures plus tard, elle fut réveillée par la sonnerie stridente de l’interphone. Elle se leva difficilement et faillit trébucher quand son chat, Minou, croisa son chemin. Ensuite, elle décrocha et demanda qui c’était.


— Salut Iris, dit une voix féminine, c’est moi, Emilie. Tu te souviens de moi ?


Iris plissa les yeux. Émilie ? Ce prénom lui disait quelque chose … Soudain, elle se rappela. Émilie était dans sa classe en seconde et était partie du jour au lendemain. Les profs avaient évoqué des raisons personnelles pour justifier son départ précipité.


— Émilie … qu’est-ce que tu fais ici ?


— Je peux te parler ? C'est au sujet de Lys.


— Lys ? Comment est-ce que tu la connais ?


— C’est une longue histoire. Je peux monter ?


Iris hésita mais finit par lui ouvrir. Quelques minutes plus tard, une jeune femme vêtue d’un long manteau noir et portant des lunettes de soleil frappa. Iris l’invita à entrer et s’excusa : « Désolé, je n’ai pas eu le temps de ranger ». Ensuite, elle lui proposa un café. Émilie accepta et s’installa sur le canapé, pendant qu’Iris allumait la cafetière.


Le canapé trônait au centre du salon, à côté d’un bureau surchargé de livres et de feuilles éparses. En face, un bocal à poisson était posé sur une table basse. Son occupant, un poisson rouge nommé Truc, tournait inlassablement.


Une fois le café prêt, Emilie expliqua son départ brutal du lycée. Elle raconta le harcèlement qu’elle avait subi de la part des deux filles du proviseur, qui l’avaient insultée, humiliée puis agressée, quand elle avait osé se plaindre.


Enfin, elle parla des enfants de Gaïa.


— La communauté m’a aidée à me reconstruire. Et maintenant, j’aide ceux qui en ont besoin. D’ailleurs, Lys m’a dit qu'elle t’avait téléphoné..


Iris se raidit avant de froncer les sourcils.


— Attends… Lys m’a téléphoné ?


— Oui, répondit Émilie avec un léger sourire. D’ailleurs, elle voulait que je vienne te voir en personne.


Iris secoua la tête, tentant de rassembler ses souvenirs.


— C’est bizarre, murmura-t-elle. Je ne me souviens pas qu’elle m’ait parlé…


— Vous avez discuté ce matin par téléphone. Si tu ne me crois pas, vérifie ton journal d'appels.


Elle ouvrit son journal d’appels et chercha une trace de cette prétendue conversation avec Lys. A sa grande surprise, un appel figurait bien dans la liste : Lys – aujourd’hui, 11h05 – 10 minutes et 14 secondes.


Iris sentit son estomac se nouer. Elle fronça les sourcils, cherchant à se rappeler. Elle avait parlé à Lys… mais elle n’en gardait aucun souvenir.


— Tu vois ? dit Émilie en désignant l’écran du téléphone.


Iris hocha lentement la tête. L’appel était là, et pourtant, son esprit restait vide. Avait-elle rêvé ? Était-elle trop fatiguée pour s’en souvenir ?


— Qu’est-ce qu’on a dit ? demanda-t-elle, plus pour elle-même que pour Émilie.


— Elle t’a parlé d'une retraite en Suisse et de combien ça te ferait du bien, expliqua Émilie. Elle voulait que tu viennes, et tu as accepté.


Iris baissa les yeux sur son téléphone. Un appel de dix minutes dont elle n’avait aucun souvenir.


— Ça ne me ressemble pas d’oublier ce genre de chose, murmura-t-elle.


Émilie posa doucement une main sur son épaule.


— Iris… Tu es fatiguée. Tu vis beaucoup de stress en ce moment. Ton esprit a peut-être juste… mis ça de côté. Je sais que tout ça te paraît soudain, mais réfléchis. Qu’est-ce qui te retient ici ?


Iris ouvrit la bouche, mais aucun mot ne sortit. Ce qui la retenait ? Ses études sans intérêt ? Son appartement en désordre qu’elle ne prenait même plus la peine de ranger ?


— Tu as besoin de ce voyage, poursuivit Émilie d’une voix douce. Ça se voit. Regarde-toi. Tu es fatiguée, perdue…


Iris baissa les yeux. Une part d’elle voulait protester, dire qu’elle allait bien, mais ce serait un mensonge.


— Là-bas, tu pourras te recentrer sur toi-même, retrouver un équilibre.


— Mais partir comme ça… hésita Iris.


— Pourquoi pas ? Qu’est-ce qui t’en empêche ?


Iris resta silencieuse. Elle n’avait pas de réponse.


— Ce n’est que quelques jours, insista Émilie. Si ça ne te plaît pas, tu rentres. Mais au moins, tu essaies. D’ailleurs, tout est pris en charge : tu seras logé, nourri et blanchi. Quant à Truc et Minou, quelqu'un viendra s’en occuper.


Iris sentit son estomac se tordre. Une partie d’elle savait que c’était insensé, que tout allait trop vite. Mais l’autre… L’autre voulait croire qu’Émilie avait raison.


Elle inspira profondément, cherchant une échappatoire, un argument, quelque chose… Mais il n’y avait rien.


— D’accord, finit-elle par murmurer.


Le sourire d’Émilie s’élargit.


— Parfait.


Elle se leva et attrapa son sac.


— On doit partir maintenant.


— Maintenant ? répéta Iris, surprise.


— Maintenant.


Iris hésita une dernière fois. Mais c’était trop tard. Émilie avait déjà ouvert la porte.


Elles quittèrent l’appartement et montèrent dans un taxi, qui les attendait en bas de l’immeuble. Mais Iris ne se doutait de rien. Elle ignorait qu’Émilie était portée disparue depuis des années. Aussi, elle ne savait pas que, quelque part dans un commissariat, un homme en uniforme effaçait les images des caméras de surveillance. Et que le serveur du bar serait la dernière personne à l’avoir vue vivante…

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26 commentaires

Olympiaa

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Il y a 17 jours

Je sens mon coeur palpiter au fur et a mesure la. Tu es doué pour faire monter le suspens.

Rose D.M

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Il y a 21 jours

Iris a l’air d’avoir sacrément abusé de la vodka ! Ce que tu décrit très bien avec beaucoup d’humour. ! Ceci explique qu’elle ait dit oui aussi facilement à Lys ! L’arrivée d’Emilie, qu’elle connaît déjà permet également de la rassurer et que le piège se referme autour d’elle. Cette secteur a l’air d’avoir beaucoup de moyens et d’appuis notamment dans la police … ça n’augure rien de bon pour ton héroïne.

Ama12

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Il y a un mois

C’est intéressant de voir que tu prends le temps de faire connaître Iris. Dans ton résumé, on avait l’impression qu’elle allait plutôt servir de catalyseur à sa sœur mais elle a quelques chapitres dédiés et c’est hyper intelligent. Ici les dialogues entre Emily et Iris font très réalistes bravo ! (Et bien joué de faire quand même hésiter Iris avant de s’embarquer dans une telle aventure)

Virginie Roekens

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Il y a 2 mois

Le chapitre dépeint un Iris dans un univers très visuel et un peu décalé. On passe d'une sortie de bar, avec une ambiance urbaine bien détaillée, à des situations cocasses (comme l’ascenseur bloqué et la discussion avec le standardiste sur les pigeons) qui apportent une touche d'humour malgré le côté chaotique de sa vie. Le récit alterne entre descriptions de lieux, événements improbables et dialogues. Ce rythme dynamique permet de suivre le flot d’actions d’Iris, mais parfois, les transitions peuvent paraître abruptes (passage de l’ascenseur à l’arrivée d’Émilie, par exemple). La description de la rue commerçante, de la bijouterie, de la librairie-papeterie et même de la vieille dame qui nourrit les pigeons, rend l’ambiance très vivante et réaliste. Les petits détails (comme le chat Minou ou le poisson rouge Truc) apportent de la légèreté et du charme au récit. Tu pourrais ajouter quelques détails sur les sensations physiques d’Iris pour immerger encore plus le lecteur : la sensation du froid du soir sur sa peau, l’odeur du café fraîchement préparé, ou même le bruit ambiant dans le taxi qui l’emmène vers l’inconnu. Ces touches aideront à créer une ambiance plus immersive. L’arrivée d’Émilie et la révélation sur Lys sont intrigantes, mais il peut être utile de donner quelques indices supplémentaires sur la relation passée entre Iris et ces personnages. Par exemple, un petit flashback sur des événements marquants pourrait rendre leur impact encore plus fort.

Nicolasm59

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Il y a 2 mois

La fin est super et on est vraiment tenu en haleine. Impatient de découvrir la suite ! Ce que j'apprécie dans ton récit, c'est que le Pitch ne laissait pas entendre que tu allais passer "autant de temps" sur Iris pour planter le contexte donc ça renforce l'intrigue. Et il y aussi un décalage intéressant entre le manque de finesse de ses amis qui la trahissent et la sophistication extrême des enfants de Gaïa. Ils arrivent à obtenir son nom, son numéro de téléphone et son adresse on ne sait comment. Ils font intervenir une ancienne amie de lycée disparue. Cela donne l'image d'un complot hyper préparé par des pros qui tranche avec l'amateurisme de Clara et Esteban. A suivre...

Anthony Dabsal

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Il y a 2 mois

Ok, comme je disais, j’ai écrit ces commentaires au fur et à mesure de ma lecture. Donc, tu corriges les aspects qui me semblaient bancal par des pirouettes qui rendent le tout cohérent. Donc, bravo. Je pense que ce serait mieux qu’on puisse le voir venir, même si on ne s’en doute pas. Comme en montrant Iris comme hypnotisée par l’appel, mais ça a le mérite de se tenir. Pour conclure ton texte est bon. En terme de structure, de fluidité et de rythme ça se tient. Je pense que tu gagnerais à

Anthony Dabsal

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Il y a 2 mois

rendre plus vivant ta narration (comme je t’ai mentionné dans le chapitre 1) : les descriptions des actions seraient plus vivantes. Mais franchement ça se lit bien. Vu que ton résumé indique que Séléné est la protagoniste principale et que l’intrigue se déroule cinq ans après la disparition d’Iris, je me demande si ce ne serait pas plus percutant de fusionner ces 4 premiers chapitres en un prologue. Cela permettrait d’établir l’histoire d’Iris de manière intense et efficace, avant de basculer dans le présent avec Séléné. Bien sûr, ce n’est qu’une suggestion, mais ça pourrait renforcer

Anthony Dabsal

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Il y a 2 mois

l’impact de ton entrée en matière. Tu as su me montrer avoir un vision globale de ton texte, donc je te fais confiance pour la suite. Juste un dernier conseil sur les participes présents. En général, on les utilise pour trois raisons. La première apporter du flou pour casser une description claire : « Elle enfile son jean bleu, ses chaussures rouges et son t-shirt blanc. La théière siffle. C’est l’heure. Un tasse dans la main, le sachet dedans, elle verse l’eau. Elle manque de peu de se brûler. Le souffle sur son doigt

Anthony Dabsal

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Il y a 2 mois

n’est pas la panacée. Et pourtant, comme sa maman lui assénait en chantant, en pleurant ou en hurlant : souffle si tu te brûles. » Ici ça casse le rythme. La deuxième raison : parler d’une action nécessaire  : « En vivant, on meurt ». Ici l’action de mourir nécessite de vivre. La dernière : pour parler de simultanéité et pour grader la narration. « Je ne sais pas manger. À chaque fois que j’enfourne une bouchée, perdant la moitié au passage, je tache mes vêtements. » Ici, ça met en

Anthony Dabsal

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Il y a 2 mois

retrait le fait que j’en perd la moitié. Ce type de tournure a tendance à alourdir les phrases et la narration. Or, ce sont souvent ces types là que tu emploies. Pour moins casser le rythme, il vaut mieux faire des phrases plus courtes ou plus directe comme : « Je ne sais pas manger. Dès que j’enfourne une bouchée, j’en perds la moitié et me tâche. » Bref, j’ai fait un roman avec tout mes commentaires XD J’espère que ça t’aidera. En tout cas, ta façon d’écrire me fait penser à la mienne quand j’avais 18-20 ans. Et j’aurais bien aimé que quelqu’un me donne ces petits trucs. Même s’ils ne sont sûrement pas parfait, loooiiin de là ^^. Je te souhaite bonne chance pour le concours ! (Et bienvenue sur Fyctia, car je crois que c’est ton premier texte ici ^^)
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