Thylia Andwell Le cimetière des carcasses Chapitre 5

Chapitre 5

Ma respiration s’emballa alors que la lueur se rapprochait de notre position. Clémence m’agrippa le bras et secoua nerveusement la tête, les larmes aux yeux. Elle tenta de me dire quelque chose mais le balancement de la lumière nous força à nous baisser. Elle s’attarda sur nous lorsque de brusques fracas, comme des pierres jetées contre du métal, attirèrent son attention dans la direction opposée.


- Bande de voleurs !, tonna la voix en s’éloignant.


J’attendis d’être de nouveau plongé dans le noir et de ne plus entendre le moindre son avant de me redresser. Clémence se joignit à moi, tremblant tellement que cela se répercuta contre la tôle contre laquelle elle se tenait. Terrifiée à l’idée d’attirer à nouveau l’attention sur nous, je lui frictionnai les bras pour la rassurer.


- C’est bon, il est parti.


- Mais c’est quoi ce bordel !, bafouilla-t-elle.


- Je…


Je n’eus pas le temps de répondre que, de nouveau, de la lumière éclaira les voitures aux alentours.


Ce type allait-il donc nous lâcher un jour !


- Clem ?, appela une discrète voix familière.


Celle-ci bondit dans sa direction.


- Baptiste ?!


Je voulus la retenir mais elle se précipita hors de notre cachette.


- Attends !


- C’est bon, Lily ! C’est Baptiste et François !


Je sortis à mon tour et fût immédiatement aveuglée par une lampe torche.


- Lily ?!, s’étonna Baptise. Tu es venue ?


- Bien sûr que je suis venue !, m’exaspérai-je. Clémence était complètement flippée au téléphone !


- Qu’est-ce qui se passe, les gars ?, interrogea celle-ci.


- Aucune idée… Mais on ne devrait pas traîner ici, annonça François en m’aidant à enjamber le capot de la voiture derrière laquelle nous étions cachées.


- Ça aurait été bien d’y penser il y a une heure !, marmonnai-je à bout de nerfs.

Mes trois amis me regardèrent bizarrement avant de se jeter des coups d’œil qui n’annonçaient rien de bon.


- Quoi encore ?


Au point où on en était, je ne voyais pas ce qui pouvait arriver de pire.


- Foutez le camp de ma propriété !


Peut-être le retour du psychopathe en y réfléchissant…


Baptiste agrippa la main de Clémence et détala dans la direction opposée, vers les rails. François les suivit et j’eus le temps d’apercevoir une forme gigantesque surgir avant de me rappeler que je devais également utiliser mes jambes.


Je m’élançai à la suite de mes compagnons, dont seul le balancement des lampes m’indiquait le chemin à suivre. Un choc me projeta sur le côté et une douleur cuisante envahit mon bras. J’avais dû percuter une branche.


Je continuai de courir en me tenant le bras, l’ombre de la monstrueuse usine se dessinant dans le ciel. Un sourire étira mon visage en la voyant. Qui aurait cru qu’elle représenterait mon salut ?


Devant moi, Baptiste et Clémence enjambèrent les rails et pressèrent François d’en faire autant. Derrière moi, le souffle rauque de notre poursuivant se rapprochait, de même que ces pas lourds qui faisaient vibrer les carcasses instables.


Mes jambes étaient douloureuses et mes inspirations me brûlaient la gorge. J’avais chaud alors que l’air froid rougissait ma peau. François était de l’autre côté. Je me rapprochai des rails lorsque je sentis la terre trembler. Sur ma droite, au loin, un point lumineux apparut et se rapprocha rapidement.


Oh non… Le train.


- Lily !, crièrent à l’unisson mes amis.


J’enjambai la première voie alors que des doigts glissèrent dans mon dos. Poussée par l’adrénaline, je franchis la ligne de chemin de fer alors la lumière éblouissait plus largement mon champ de vision.


Les cris devinrent incompréhensibles sous le brouhaha du passage du train. Je sautai par-dessus le talus et tombai à terre alors que son souffle ébouriffait mes cheveux.


- Bande d’inconscients !


La silhouette de l’homme apparut par intermittence à chaque détachement de wagons. Il semblait immense, ainsi caché dans l’obscurité.


- C’est un train de marchandises, expliqua François. On devrait partir avant qu’il n’arrive à sa fin.

- Bonne idée !, acquiesçai-je essoufflée.


Je n’en revenais pas d’avoir failli me faire écrabouiller pour échapper à un psychopathe.


Quelle soirée…


Nous prîmes la direction du champ, chacun reprenant sa respiration en silence. Arrivée sur le chemin de terre, je ne pus retenir ma frustration.


- Quelqu’un veut bien me dire pourquoi vous vous êtes aventuré dans ce bourbier ?


Bien que ma question ne s’adresse à personne en particulier, c’était Baptiste que je regardai dans les yeux. Je savais que lui seul pouvait être l’instigateur de ce plan foireux.


- On a vu cet endroit depuis la route alors on a voulu…


- Clémence m’a dit, oui ! Mais il est clair que c’est chez quelqu’un et pas n’importe quelle décharge ouverte à tous ! Ça aurait dû vous sauter aux yeux quand vous n’avez pas trouvé de route pour y accéder !


J’étais à la limite de taper du pied par terre tant cette irresponsabilité me dépassait.


- Je ne comprends pas comment vous avez pu rester une heure, planqués là-bas, sachant que ce type traînait dans le coin !


- Bah on ne le savait pas justement…, avoua François, l’air penaud.


- Quoi ?


- Écoute, Lily…, commença Baptiste en s’avançant. On… On a juste voulu te jouer un petit tour dans le bus. Jamais je n’aurais pensé qu’il y avait effectivement quelqu’un après nous !


Je n’étais pas sûr de très bien comprendre. Ou je ne le souhaitais pas plutôt.


- Me jouer un tour ?


- J’étais… énervé que tu refuses de venir avec nous. Alors j’ai voulu voir si tu étais vraiment investi dans notre projet. Voir, si on t’appelait à l’aide, si tu rappliquerais.


Il haussa des épaules, comme si ce n’était rien de grave. Je restai calme, alors qu’à l’intérieur, je bouillonnai.


- Tu… Tu m’as puni ?


Incrédule, ma voix paraissait hurlante dans le silence de la nuit.


- Tout ce délire n’est qu’une mise en scène parce que je n’ai pas pu venir ?! Mais pour qui tu te prends !


- Ça va, Lily ! Calmes-toi !


- Ne me dis pas de me calmer ! Si je ne viens pas, c’est pour m’occuper de ma voisine malade ! Je te l’avais dit !


- Oui mais…


- Mais rien du tout !


Je cherchai du soutien du côté de Clémence et François mais ils gardèrent la tête baissée.


- Je le crois pas…


Écœurée, je les abandonnai pour poursuivre mon chemin.


Seul.


Ils tentèrent de me rappeler mais je ne m’arrêtai pas.


Sortant mon téléphone, je me décidai à dépenser le peu d’argent que j’avais pour me faire raccompagner en Uber. Ils m’avaient joué le pire des tours pour la plus égoïste des raisons.


Avec le recul, je me rendis compte que, si je les considérais comme des amis, eux n’en avaient jamais fait de même. Je n’avais toujours été que la cinquième roue du carrosse. Mon envie de m’intégrer m’avait poussé à croire que tout était de ma faute. À accepter des comportements qui je n’appréciais pas. Ma propre compagnie sera toujours meilleure que la leur.


Voilà une leçon que je n’étais pas près d’oublier.

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11 commentaires

Inès Takeya Ruiz

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Il y a 4 ans

La fin est un peu abrupte. Dommage que l'héroïne parvienne à cette conclusion fort décevante et amère. Je n'ai pas relevé de signes avant coureur de cette "fausse amitié". La blague aurait pu servir à prendre de supers prises pour leur film et leur faire gagner le concours scolaire... Qui sait ? L'idée de la poursuite chargée d'adrénaline était bonne. Le récit contient plusieurs éléments qualitatifs.

Thylia Andwell

-

Il y a 4 ans

Oui, le nombre de chapitres et de caractères m'a fait défaut... J'ai essayé d'intégrer des indices dans le premier chapitre sans que ce trop évident mais le dosage est à revoir effectivement. Merci beaucoup pour tes retours et tes commentaires ! ☺️

cedemro

-

Il y a 4 ans

Encore seule... En plein milieu de la nuit... Quelque chose me dit que ce n'est pas tout.
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