Fyctia
Chapitre 21
Elle pousse alors un cri de stupeur. Même si sa vision reste encore un peu floue, elle n'a pas de mal à reconnaître la couleur du liquide qui goutte sur ses doigts. C'est rouge. Elle ne comprend pas dès les premières secondes d'où peut provenir ce liquide, mais elle ne met pas beaucoup de temps à s'en douter par la suite. Du sang. C'est forcément du sang. Mais de qui? D'elle? Pourquoi saignerait-elle? Mais qu'a-t-il bien pu se passer? Que lui est-il arrivé? Où se trouve-t-elle et pourquoi est-elle ici? Pourquoi son crâne lui fait-il aussi mal? Elle tente alors de se lever. Elle peine, mais elle réussit finalement à s'asseoir tout en gardant un appui sur le sol visqueux avec ses mains. Elle balaye la pièce du regard. Elle n'a pas l'impression de reconnaître cet endroit. Quel est cet endroit? Où se trouve-t-il?
Elle entend des pas, cela provient de la pièce adjacente, est-ce un couloir? Cela y ressemble beaucoup, les pas résonnent en long. Les pas s'accélèrent et finissent par s'arrêter devant la seule porte de la pièce, une espèce de porte blindée en métal avec différents clous enfoncés tout autour, certainement plus pour le style que pour une quelconque utilité. Elle entend alors un bruit de clef dans la serrure. Était-elle enfermée? La porte s'ouvre en grinçant. Qui a mis du dégrippant et quand est-ce que cela a été fait pour la dernière fois? Il faudrait songer à remettre de l'huile sur les gonds. La personne qui a déverrouillé la porte s'avance vers elle. Elle observe toujours la pièce malgré sa vision qui la trahit. Elle utilise les sons pour se repérer, les clapotis des chaussures dans la flaque de sang la préviennent que la personne se trouve tout prêt d'elle.
Elle cherche alors à distinguer la silhouette. Peu à peu, l'image devient de plus en plus nette. Elle commence par apercevoir les formes, les bords et les couleurs avant de finir par voir les détails, même les plus petits par la suite. C'est un homme, grand, brun. Elle ne le reconnaît pas et fronce les sourcils. Sa voix est enrouée, elle n'a pas l'air d'avoir parlé depuis un moment, mais quelques sons arrivent à s'échapper tout de même.
— Q-Qui... ê... vu...?
L'homme sourit, et arque l'un de ses sourcils. Il est surpris d'entendre cette phrase.
— Tu ne me reconnais donc pas?
Elle fait un signe de tête à la négative. Est-elle censée le connaître? Pourtant, elle n'a aucun souvenir de ce visage, il ne lui paraît même pas familier. Elle est sûre d'elle, elle n'a jamais rencontré cette homme auparavant.
— C'est assez intéressant. Je ne pensais pas que tu m'aurais oublié après tout ce temps que nous avons passé ensemble, après toutes ces années. Je ne pensais pas non plus que tu serais aussi sage. Depuis que tu es ici, c'est la première fois que tu ouvres les yeux. Tu as mis beaucoup plus de temps que les autres à te réveiller. J'ai eu le temps de me faire passer pour innocent un bon nombre de fois. Les soupçons seront toujours présents, il y aura toujours des doutes à mon propos, même des années plus tard. Mais je suis sûr d'une chose, je ne serai jamais en train de croupir dans une prison, jamais.
Elle ne comprend pas ce qu'il sous-entend. Elle ne comprend pas non plus de qui il parle. Qui sont "les autres"? N'est-elle pas seule ici? Peut-être que cet homme sait ce qui lui est arrivé. Peut-être que c'est même lui qui l'a apporté ici. Il parle de prison. Pourquoi Diable parlerait-il de prison s'il n'avait rien à se reprocher? Tout se mélange dans sa tête, les souvenirs ne paraissent plus si clairs. L'homme sourit. Ce sourire n'est pas un sourire normal, il est... malsain, bizarre, pervers. Il n'a rien de gentil et de doux. Il est plutôt fort et méprisant. Elle a l'impression d'être réduite à une victime, un morceau de chair fraîche, à du bétail et à rien d'autre de plus glorieux.
L'homme s'agenouille pour être à sa hauteur et lui prend une masse de cheveux entre ses doigts. Il la contemple grimacer de douleur tout en souriant aussi perversement. Que lui veut-il donc?
— Je te préviens Amélie, si tu es ici aujourd'hui, c'est de ta faute. Tu as toujours voulu allumer les hommes du village, mais penses-tu une seule seconde que tu as le droit de regarder un autre homme que moi? Nous sommes pourtant des êtres quasiment semblables. Nous sommes supposés nous connaître par cœur, nous aimer. Non, toi tu préférais n'avoir d'yeux que pour lui. Peux-tu m'expliquer ce qu'il a de plus que moi? Je ne suis pas assez jeune? Pas assez beau? Pas assez cultivé? Ne te donné-je pas assez d'amour par rapport à lui? Oui, je suis jaloux, je suis passionnément jaloux. Il était hors de question que je te laisse dans ses bras. Ce n'est pas ainsi que ta vie se terminera. Si elle doit se terminer, c'est avec moi. Entre bien ça dans ton crâne Amélie, je ne le répéterai pas!
Il l'embrasse et passe sa langue dans sa bouche. Malgré son manque de force, elle le repousse. Il sourit face à ce geste et se relève. Il lui donne un coup de pied dans le ventre et se retourne pour sortir de la pièce et la refermer à l'aide d'une clef. Puis il parle assez fort pour qu'elle l'entende.
— Tu finiras pas n'être obsédée que par moi, Amélie!
Elle n'entend plus un seul pas dans le couloir après plusieurs minutes. Elle ignore combien de temps s'est écoulé entre le moment où il est parti de la pièce et le moment où les bruits de pas ont cessé. Elle n'a pas pu déterminer la longueur du couloir et surtout la portée de son ouïe. Pour l'instant, il y a plus important, couchée au sol tout en se tenant le ventre avec ses bras, elle souffre d'une douleur qui ne lui permettra pas de se rendormir de sitôt. Les larmes coulent alors toutes seules le long des ses joues. Est-ce son mal de ventre? Ou est-ce l'incompréhension de sa présence ici et de la situation? Elle ignore tout, elle n'arrive pas à comprendre ce qui se passe. Elle est sûre que d'une chose: elle ne doit pas se laisser aller et se laisser faire. Quel qu'il soit, elle ne doit pas abandonner et le laisser faire ce qu'il souhaite, elle compte bien se battre jusqu'au bout. Malgré cette ambition impressionnante de résister, les larmes continuent leur traversée sur son visage pour finalement atteindre les flaques de sang par terre. Le bruit de ses pleurs qui entrent en contact avec le sang, accentue sa tristesse et sa colère. Elle continue de déverser ses sentiments par ces gouttes d'eau salée et finit par inonder le béton de la pièce.
10 commentaires
Chada
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Il y a 4 ans
Zoé Sonobe (zizogoto)
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Il y a 4 ans
fabi72
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Il y a 4 ans
Zoé Sonobe (zizogoto)
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Il y a 4 ans
Gottesmann Pascal
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Il y a 4 ans
Zoé Sonobe (zizogoto)
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Il y a 4 ans