Serina Le berger et le loup Chapitre 7 - Partie 1

Chapitre 7 - Partie 1

Kali jaugea sa silhouette dans le miroir. Parfaite. Grande et mince, tout l’habillait, mais elle avait une prédilection pour les tenues de créateurs. Certains lui en offraient en échange de la promesse qu’elle les porte dans les soirées de la jet set toulousaine. Elle aimait passer du temps devant sa glace à essayer toutes ces parures. Le luxe lui seyait à merveille. Elle composa le numéro de son mari une nouvelle fois. Le répondeur s’enclencha immédiatement. Elle ne voyait que deux raisons à cela : soit il avait coupé son téléphone, soit celui-ci était déchargé. Après deux jours d’absence, Kali opta pour la deuxième. Il découchait rarement sans la prévenir, il inventait au moins un prétexte. Mais là, rien depuis quarante-huit heures. Elle avait de nombreux rendez-vous ce jour-là et ne pouvait se permettre un retard. Elle sortit de la villa et se dirigea vers le parking souterrain. Elle s’installa dans une Audi coupée. Elle raffolait de cette voiture. Petite et maniable, elle pouvait se faufiler n’importe où en ville à son volant. Et luxueuse, toutes ses amies la lui enviaient. Son téléphone sonna. Elle activa le Bluetooth et répondit d’un ton sec.


— Je n’ai pas vraiment le temps de m’en occuper, ne peux-tu pas t’en charger ?


Son interlocuteur soupira. Qu’y pouvait-il ? Le moment était arrivé. Elle devait venir tout de suite, après il serait trop tard, elle risquait d’avoir des remords. Kali s’agaça et raccrocha. Quels dépits ? Le regret de ne pas être présente pour les ultimes instants de sa mère ? Sa génitrice vivait dans la misère, la dernière fois qu’elle l’avait aperçue, elle mendiait devant une grande enseigne. Elle avait fait mine de ne pas la voir, mais la femme l’avait hélée d’une voix tremblante. Kali avait pris sur elle et était revenue sur ses pas.


— Que me veux-tu ?


— Te demander pardon.


— Le mal que tu m’as causé est ancré en moi, jamais je ne pourrai oublier, jamais !


— Mon enfant, je n’avais pas le choix. Ton père, tu sais…


— Je ne sais rien ! Tu entends ? Rien ! Tu aurais dû me préserver. Me protéger de lui et de toute sa clique de sauvages ! Je n’étais qu’une gamine insouciante. Te rends-tu compte de la souffrance que tu m'as infligée ?


— Je l'ai subi moi-même. Tu n’aurais jamais trouvé un compagnon sans ça.


— Tu plaisantes ? Édouard n’ose pas me regarder. Il m’a épousée mais il a cela en horreur.


— Tu aurais pu t'unir avec un homme qui comprend nos traditions.


— Non, on a résolu de rester en France et j’ai décidé de vivre comme tel, avec un mari ouvert qui n’attend pas que sa femme soit mutilée pour l’apprécier.


— Je ne sais si tu as pris la bonne option ma fille, mais je te demande de penser au pardon. Tu ignores les obstacles traversés pour que tu naisses dans ce pays et que tu aies accès aux richesses que cela offre.


— Tu as suivi cet homme que tu appelles mon père. Tu n’as jamais rien fait pour moi.


— Tu te trompes Kali, je souhaitais que tu aies un avenir. Et regarde-toi aujourd’hui. Le succès te sourit, tu portes de beaux vêtements et tu habites un appartement somptueux.


— Grâce à qui ? J’ai épousé Édouard qui m’a tirée de ce cloaque immonde où nous vivions. Si je m'étais mariée à mon promis, j’aurais fini femme de ménage, affublée de quatre ou cinq marmots dégoûtants et rouée de coups par cet homme chaque samedi soir ? Je m’en suis sortie seule, sans toi.


— Je t’en prie Kali, je t’en supplie, pardonne-moi.


Kali ouvrit son sac et jeta d’un geste rageur une liasse de billets dans la gamelle aux pieds de sa mère qui s’en empara et les cacha dans son manteau élimé. Elle tendit une main tremblante vers sa fille, mais déjà celle-ci s’éloignait.



Kali s'impatientait. Elle devait faire une brève apparition à la journée caritative qu’elle avait elle-même organisée. Elle aurait dû être la reine de ce jour, à papillonner entre les célébrités et les foyers pauvres qui bénéficiaient du programme de l’association. Dès qu’elle avait épousé Édouard et qu’elle avait eu les moyens financiers, elle n’avait eu de cesse de prêter de son temps pour aider les familles qui vivaient dans les cités. Ce n’était pas une mince affaire, mais au moins avait-elle la conscience tranquille en s’endormant le soir. Elle désirait mettre un terme à ces horreurs qu’on faisait subir aux enfants et donner leur chance aux petites filles. Elle souhaitait qu’elles puissent décider de leur avenir plutôt que se trouver au crochet d’un mâle, que la plupart du temps elles n’avaient pas choisi. Des hommes haineux prenaient souvent Kali à partie, ils lui criaient de se mêler de ses oignons, voire de rentrer chez elle s’occuper de son ménage. Elle les ignorait et continuait sa tâche en silence. Le contraste entre sa beauté et ses vêtements de luxe et ceux de ses protégées se démarquait terriblement, et cela ne la servait pas dans son objectif. Mais cela lui apportait l’argent nécessaire pour aider. Et cela prouvait que n'importe qui pouvait réussir. Kali se gara dans un parking souterrain avant de rejoindre en bus la rive gauche de la Garonne. Elle préférait laisser sa petite voiture à l’abri et ne pas l’afficher dans le quartier de la Fourguette. Le coin était réputé dangereux, à l'instar de Bagatelle et de son voisin la Farouette. Kali ne craignait pourtant pas de s’y aventurer, après tout, elle avait survécu à son enfance dans ces immeubles. La place grouillait de monde, chacun s’affairait. On avait installé des stands et l’on proposait des boissons chaudes, des gaufres, toutes sortes de gâteaux et confiserie. Dans certains, on prodiguait des conseils de santé, d’alimentation, d’aides diverses. Enfin, la vente aux enchères était prévue en plein air, et au milieu de l’estrade trônait un pupitre sur lequel un marteau attendait. Tout faisait très sérieux et Kali ne doutait pas que de nombreuses personnes se rendraient à cette rencontre.

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2 commentaires

NohGoa

-

Il y a un jour

Débloklike !

DOM75

-

Il y a 2 jours

😀
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