Serina Le berger et le loup Prologue - Partie 1

Prologue - Partie 1

Goran, levé bien avant l’aube, embrassa Amaya sur l’épaule. Celle-ci émit une sorte de grognement, se gratta, et le repoussa d’un geste endormi. Il soupira et quitta la pièce. Il s’agenouilla un instant près de son chien qui somnolait devant la cheminée. Zeus, affaibli, releva à peine la tête et se laissa caresser sans broncher. Goran sentit une boule se former au creux de son estomac. Il avait cru l'animal perdu, mais sa blessure guérissait doucement. Il se dirigea vers la cuisine. Il avait du travail. L’orage de la veille avait engendré de nombreux

dégâts. L’abri principal s’était en partie effondré après un fort coup de vent. Si la majorité du cheptel pouvait s’y camoufler, la menace que le reste de la bâtisse s’écroule n’était pas à écarter. Il avait posé des étais afin de maintenir le tout, mais il devait procéder à une remise en état de toute urgence. Goran possédait de nombreuses terres. Devant le risque, il avait accompagné le bétail dans un champ éloigné. Les gamins du village l’avaient aidé, ravis de jouer les apprentis bergers. Chaque déplacement des ovins créait une animation dans ce lieu rural. Goran s’était rendu auprès du cheptel la veille pour s’assurer que les moutons ne manquaient de rien. Il était inquiet et préférait savoir les animaux plus proches du hangar, à l’abri des prédateurs. Mais il aurait perdu du temps à redescendre le troupeau le soir et l’accompagner le matin. Il se mit au travail. Il devait faire vite afin de ramener les bêtes avant l’obscurité. Tant que Zeus ne serait pas rétabli, il devait assurer la sécurité du cheptel. Goran aimait son élevage. Il dorlotait les petits, chouchoutait les brebis. Il n’hésitait pas à dormir à la bergerie les nuits d’agnelage. Chaque mouton était affublé d’un surnom et Goran leur vouait une affection paternelle.

À l’heure du déjeuner, Sonia, une jeune fille du village, lui apporta son repas. Il la remercia d’un signe de tête et la regarda s’éloigner. Amaya ne s’était pas déplacée et avait préféré envoyer l’adolescente. L’épouse de Goran s’absentait souvent ces derniers temps. Son travail à l’épicerie l’accaparait de plus en plus et empiétait sur sa vie personnelle. Goran s’empara d’un sandwich dans lequel il mordit à pleines dents. Après tout, Amaya était libre. Tandis qu’il terminait de déjeuner et saisissait la thermos de café, il aperçut le maire qui gravissait le chemin boueux. Il s’en étonna. Le préposé faisait tout pour l’éviter depuis l’affaire de la préfecture.

— Goran, j’ai une bonne nouvelle pour toi.

— Laquelle ? Tu vas me débarrasser du fauve ? Toi ? Avec ton costume de créateur ?

— Arrête, tu sais bien que je n’y peux rien. Non, je voulais te dire que ton projet a été accepté.

— Enfin !

— Tu te doutes qu’il reste pas mal d’études et de dossiers à monter, cela durera longtemps. Mais dans quelques années, tu auras réussi.

Goran, tout à sa joie, oublia ses griefs envers le maire et lui tendit un gobelet de café. Les deux hommes discutèrent un moment avant que Goran ne reprenne son travail. À la fin de la journée, il s’essuya le front et recula de quelques mètres. Il observa son ouvrage. La cabane était réparée et pouvait de nouveau accueillir les bêtes. Le ciel s’était obscurci et l’éleveur scruta l’horizon avec anxiété. Il décida de monter chercher les moutons. Il se sentirait mieux s'ils paissaient en sécurité près du bâtiment. Même s’il savait que ce n’était pas suffisant tant que Zeus ne veillerait pas sur le troupeau, la pensée de les penser à proximité le soulageait. Il passa au hangar, se débarbouilla le visage et les bras directement sous le robinet extérieur. L’eau était froide. Il songea un instant à prévenir Amaya, puis haussa les épaules. Il attrapa son casque et s'élança sur son quad dans la campagne déserte.


A proximité de la pâture, les bêlements désespérés d’une brebis l’atteignirent. Il serra les dents. Il connaissait les raisons de ces cris. Un agneau avait disparu et sa mère tentait de le faire revenir avec le peu de moyen dont elle disposait. Il scruta le champ et vit une bête isolée, le troupeau s’étant déporté vers la porte en entendant Goran arriver. Ses moutons le reconnaissaient et s’approchaient toujours de lui pour quémander de la nourriture. La présence de la brebis au centre du pré n’était pas commune. Si effectivement sa progéniture s’était échappée, elle devait se trouver au bord, près du grillage. Il enjamba la barrière d’un saut leste et s’élança vers elle le cœur noué. Ce qu’il redoutait était arrivé : l’agneau gisait dans son sang, égorgé. Goran se mit à genoux vers la femelle et lui caressa l’encolure.

Il scruta les alentours, mais ne vit rien. Il sentit l’émotion monter dans sa gorge et il étouffa un sanglot. Il ressentait la détresse de l’animal et savait qu’il devait l’éloigner du corps encore chaud. Il se releva et tira la brebis qui le suivit docilement. Il ne se retourna pas sur le cadavre. Il devait ramener ses bêtes dans l’enclos initial, plus proche et plus sécurisé. Il essuya ses yeux d’un geste las et appela les moutons de sa voix virile. Il décida de redescendre à pied et abandonna son quad près de la pâture. Le troupeau le suivrait mieux ainsi. Il remonterait plus tard récupérer le véhicule et enterrer le petit agneau. Il s’empara d’un seau de graines et s’éloigna tout en hélant son cheptel. Il se retourna plusieurs fois, et scruta les environs en guettant le danger. Les loups n’approchaient pas des hommes. Pourtant, le fauve pouvait très bien avoir contracté la rage et il n’hésiterait pas à attaquer. Goran pressa le pas. Il commença à souffler lorsqu'il aperçut son hangar. La sueur perlait sur son front et l’appréhension nouait son estomac. Il enferma le troupeau dans son enclos et les moutons se dirigèrent vers la cabane remise d’aplomb. Goran s’empressa d'entrer dans une petite pièce qui servait de vestiaire. Là, il prit un fusil sur le râtelier et enfourna quelques cartouches dans sa poche de pantalon. Il repartit, pressé d’en finir avec l’enfouissement de l’agneau.


Il rejoignit sa demeure tard ce soir-là et s’aspergea longuement le visage à l’eau froide. Il s’empara d’une serviette et se sécha, le cœur au bord des lèvres. Un flot de bile remonta de son estomac. Il se laissa glisser à terre, écœuré. À quoi bon désirer vivre de la terre dans ces conditions ? L’abattement le submergea et il se leva, décidé à se servir un verre d’alcool fort et à se soulager dans les bras d’Amaya. Il gagna l’étage. Tout était sombre. Il se dirigea vers la chambre en pensant y trouver sa femme. Le lit était vide. Il appela et écouta sa voix résonner dans le silence. Il se laissa glisser sur le tapis douillet et se prit la tête entre les mains. Ses larmes de désespoir s’écrasèrent sur le sol. Un gémissement le tira de son chagrin. Zeus approcha et posa sa truffe chaude sur les genoux de son maître, l’observant de ses yeux doux. Goran enfouit son visage dans la fourrure du chien et se mit à sangloter sans retenue.

Tu as aimé ce chapitre ?

5

5 commentaires

FLASHPOINT

-

Il y a 16 heures

Petit like de soutien pour le concours j'espère trouver la pareille 😉bonne chance pour le concours

StevenLT

-

Il y a 6 jours

Like de soutien, bon concours à toi ! 😊

Seb Verdier (Hooper)

-

Il y a 10 jours

Même conseil que ci-dessous : saute des lignes pour aérer (on lit sur un écran, et ce n'est pas toujours digeste). Bonne chance pour la suite du concours ;)

NohGoa

-

Il y a 10 jours

First like : bonne chasse ! (n'hésite pas à insérer des lignes entre les paragraphes pour aérer le texte et offrir une lecture plus facile sur écran (c'est un conseil qu'on m'a donné sur mon premier chapitre en ligne (donc merci)))

Serina

-

Il y a 10 jours

D'accord, merci pour le conseil. Je ne peux plus modifier celui-là je crois.
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.