Fyctia
Chapitre 5
J'ai l'impression qu'il s'agit de la voix d'Aloyse. Est-ce qu'elle est revenue pour s'expliquer avec Harry ? Est-ce qu'elle sait que je suis là ? Serait-elle venu pour moi ? Je me précipite dans le couloir, le bruit de mes pas absorbés par la moquette vieillie. Aux cris qui résonnent jusqu'à l'étage, je doute qu'ils soient en train de se réconcilier. Un vision dérangeante assaille mon esprit, je les imagine s'embrasser passionnément. Et étrangement, je n'aime pas ça. Un nœud se forme au creux de mon ventre.
Je déambule dans le couloir, à la recherche des escaliers centraux, quand je suis plongée dans la pénombre. D'un coup sec les ampoules claquent et je ne suis plus qu'éclairée par la lumière naturelle. Je regrette d'avoir abandonné mon téléphone sur le lit. Le manoir est encore plus terrifiant. Les rayons de la lune tracent un chemin sur le sol et remontent jusqu'au plafond. J'aperçois du coin de l’œil une armure de chevalier rouillée par les années. J'ai peur qu'elle prenne vie.
Mon imagination fuse, la peur s'empare de mon esprit. Les ombres s'animent, les portraits des tableaux semblent me sourire. Des sueurs froides glissent le long de ma colonne, encore, mon cœur s'emballe, il accélère comme un cheval fou. Je jette des regards furtifs tout autour de moi, scrute avec attention le moindre objet que je distingue. Tournant sur mes pointes, je perds l'équilibre, me rattrape à une commode que je n'avais pas vu. Dans ma chute, mon dos heurte le rebord du meuble, la douleur me tiraille aussitôt. Un courant électrique me fige, il remonte du bas de mes reins jusque dans ma nuque.
Mes deux mains sur l'objet en bois, je tente de retrouver mon souffle, les cheveux de ma nuque sont trempés, mon haut de pyjama colle à ma peau. Je n'aime décidément pas le noir. J'ai la frousse et mes jambes ne désirent qu'une chose ; retourner me cacher sous mes draps. Mais mon esprit est figé sur place. Je n'entends plus rien, ma respiration saccadée faisant écho dans le couloir. Je gémis en me redressant, place une main hésitante dans mon dos.
— Je t'interdis de faire ça ! hurle une voix féminine.
Je sursaute, mes membres se contractent. Le son semble parvenir de partout et nul part en même temps. Dans le noir, je cherche, je ne vois rien, je distingue simplement. J'ai froid, le vent s'infiltre partout et je meurs de chaud.
La lumière rejaillit aussi brusquement qu'elle a disparut. Je cligne des yeux, une persistance rétinienne voile ma vue. Aveuglée, je me dirige d'un pas rapide vers les escaliers. Je cours à en perdre haleine, je ne dois pas perdre mon objectif. Aloyse est certainement arrivée.
Dans ma course, je heurte un obstacle dur comme de la pierre. Deux mains me saisissent alors les poignées avec fermeté. Ce n'est pas Aloyse. Je la cherche du regard, je n'aperçois que des portraits d'époque, j'ai bousculé une statut sur le chemin. Les morceaux de pierre blanche éparpillées au sol. Le souffle me manque, je n'arrive plus à trouver d'air. Je tousse, ma gorge m'irrite tant. Mes yeux aussi me brûlent, de chaudes larmes s’écoulent sur mes joues. Mes jambes défaillissent sous mon poids, je me sens lourde. Emplie de regrets. Un bras, cette fois-ci me maintient en équilibre.
J'aperçois à peine deux pupilles saphir clair se fondre dans mon regard. Une main derrière ma tête et je suis calée dans des bras réconfortants.
— Calme toi... me murmure-t-il.
Je ferme les yeux, calque ma respiration sur la sienne. Une mélodie traverse ses lèvres et me berce. Mes pieds quittent bientôt le sol. Je renifle ce parfum de cèdre et de vanille qui envahit mes narines. Je n'en suis pas certaine, mais une odeur de fer cache les effluves que j'apprécie tant.
*
Quand j'émerge, je suis allongée dans une chambre différente de celle où j'avais tenté de m'endormir. La pluie a laissé place à un ciel gris et couvert. Le soleil peine à se montrer. Je me redresse et Harry choisit ce moment pour entrer dans la pièce. Il tient dans ses mains, un plateau énorme sur lequel est dressé un petit déjeuner de roi. Je m'enfonce dans les coussins, ne cachant pas mon sourire radieux.
— Tu as l'air de bonne humeur, note Harry en déposant le repas sur mes genoux.
Je me saisis de la tasse de café au lait. J'apprécie qu'il se soit souvenu d'un détail aussi futile, bien que le coffee to go de Miami m'est suffit pendant trois ans. Mon ami prend place à mes côtés. La gêne pointe aussitôt le bout de son nez. Je n'ai que des bribes du reste de ma nuit. Le besoin de retrouver Aloyse était si intense que mes autres souvenirs restent vagues. Des lumières qui s'éteignent, des tableaux ou une armure qui bougent. Je me sens ridicule et je n'ai pas particulièrement envie d'en toucher un mot à Harry. Lui non plus ne semble pas venir sur le sujet.
— Tu bouges beaucoup la nuit.
— J'ai dormi avec toi ?
Mes joues s’empourprent et je détourne le regard.
— Tu n'as pas arrêté de me parler d'une souris, je n'allais pas te laisser en sa compagnie.
— C'est ridicule en plus je n'ai pas peur des souris.
— Tu étais pourtant bien agrippée à moi.
Une pensée traverse mon esprit. Une idée quelque peu gênante de nous deux dans un lit s'insinue en moi. Et le fait que Harry se pointe en simple caleçon n'arrange en rien le malaise. Je me racle la gorge. Harry est de nouveau en train de me dévorer du regard et je ne sais pas comment l'en empêcher.
— Tu étais encore debout tard ? demandé-je pour changer de sujet.
— J'avais à faire oui, il y a eu une coupure de courant. Pas étonnant avec la tempête.
— Et il n'y avait que toi ?
— Oui Erny, pourquoi voudrais-tu qu'il y ait quelqu'un d'autre ? On est pas bien tout les deux ?
Je préférerai qu'Aloyse soit là en réalité. J'aimerai que nous soyons ensemble tout les trois. Les raisons de leur rupture m'intriguent, j'ai besoin de savoir. J'ai toujours été là pour eux. Et ne plus les aider, me rend inutile à leurs yeux. Qui suis-je désormais si je ne suis plus Erny l'amie de Harry et Aloyse ? J'attrape une tartine de beurre salé et la mâche en silence.
— Si tu as besoin de me parler de ta crise de panique de cette nuit, tu peux compter sur moi.
— Ça va très bien, grogné-je la bouche pleine.
— Ernestine, t'étais en larmes et incontrôlable. Est-ce que tu as vécu un traumatisme à Miami ? Quelque chose qui te reste sur le cœur ?
Oui. Son overdose. Son corps grelottant de froid sur une plage de sable chaud en plein été. Et notre insouciance qui nous a aveuglée. Comme toujours j'ai failli à ma tâche d'ami. Trop focalisée sur mes problèmes. Je ne laisserai pas Aloyse souffrir seule cette fois-ci.
— Non rien, l'endroit est un peu lugubre.
— C'est ce qui fait son charme, mais les visites nocturnes ne sont pas recommandées.
— J'ai entendu des cris.
— Certainement le vent.
— Le vent ne parle pas Harry. Et je ne crois pas aux histoires de fantômes.
— Tu devrais, il y a eu de nombreux meurtres ici... souffle mon ami d'un ton glacial.
L'instant d'après il éclate de rire.
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Laureline Maumelat
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Sand Canavaggia
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