Ophélie Jaëger L'albatros 33. Odette (4/4).

33. Odette (4/4).

Non, non elle danserait pas. Hors de question qu’elle se ridiculise entre les bras d’un professionnel du domaine.


Cela dit, hors de question non plus qu’elle laisse une autre lui voler sa place. Parce que c’était bien ce que s’apprêtait à faire la grande brune au sourire prédateur qui s’approchait de sa démarche chaloupée, n’est-ce pas ? Oui, bah elle va se détendre, Monica Bellucci, ok, Joséphine allait danser. Patrick Swayze, petit ange de la danse, viens-moi en aide, pensa-t-elle en glissant sa main dans celle de Dorian, avant qu’il ne l’attire à lui d’un coup sec qui la fit virevolter jusqu’à finir dans ses bras.


— Calme-toi, Jean-Marc Généreux, faudrait pas qu’on se fasse remarquer.

— T’as entendu Odette ? Nous sommes ses invités, avait-il dit en attrapant une cuisse féminine pour la plaquer contre sa hanche tandis qu’il forçait sa propriétaire à se cambrer en arrière.

— Dorian, grinça-t-elle tête en bas.


Dans un agaçant ricanement, il la ramena jusqu’à lui en douceur. La main masculine quitta sa cuisse en une perturbante caresse, pour s’établir sagement contre sa taille. Rassurée, bien que pantelante, Joséphine accrocha un cou et se laissa guider. Pourquoi fallait-il qu’ils soient si proches ? Son parfum incendiait ses poumons, son toucher embrasait chaque centimètre de peau malgré le tissu, chaque mouvement de son corps contre le sien réveillait un peu plus de ce désir possessif et insatiable. Et lorsqu’elle releva le nez en direction de Dorian, le regard qu’elle y croisa n’arrangea rien.


— Faut que j’aille prendre l’air, annonça-t-elle de cette voix trop rauque qu’elle ne se connaissait pas.


Sans attendre de réponse, elle s’arracha à l’étreinte et s’exfiltra en direction du pont supérieur. Le froid se jeta à son cou et s'agrippa à sa peau nue, et Joséphine en échappa un juron. Voilà de quoi calmer son incendie interne avec efficacité. Avec mille et une précautions, elle remonta l’escalier jusqu’à ce toit terrasse qui offrait un panorama de carte postale sur l’île de la cité. Les yeux rivés sur Notre Dame sinistrée, elle frissonna jusqu’à ce qu’une laine épaisse soit déposée contre ses épaules nues.


— Tu m’expliques ? tonna la voix de Dorian couvrant le maigre “merci” qu’elle venait d’expirer.


Joe n’avait rien à lui répondre. Rien de constructif. Elle aurait pu prétexter la fournaise de la salle du bas, la musique trop forte ou même le mal de mer, mais ils avaient dépassé le stade des excuses bidons. La jeune femme jeta un regard à son compagnon qui s’accoudait à la rambarde dans un soupir de frustration.


— Tu comptes prendre la fuite à chaque fois ? s’agaça-t-il un peu plus face à son silence. Finalement, j’ai de la chance qu’on soit sur un bateau, sinon tu serais déjà à plusieurs kilomètres avec ton portable sur silencieux, je suppose ?


Elle ne pouvait pas lui donner tort, elle lui avait déjà fait subir ce traitement par deux fois. Bordel, mais qu’est-ce qui n’allait pas chez elle ? Pourquoi ne parvenait-elle à se laisser aller ? Pourquoi sa conscience dans un sursaut s’empressait de distiller la panique dans ses veines ?


— J’ai peur, Dorian, avoua-t-elle d’une si faible voix qu’elle douta qu’il puisse l’entendre.

— Peur de quoi ?


Il l’avait entendue, il l’avait écoutée, et il lui offrait toute son attention. Joséphine hésita, mais un regard en sa direction lui confirma qu’elle lui devait au moins ça : cette explication qu’elle peinerait à formuler.


— J’ai peur de toi, j’ai peur de moi, peur de tout ça…


D’un index oscillant entre elle et lui, elle désignait tout ce qui demeurait entre eux. Le désir, oui, indéniable et totalitaire, mais aussi les failles, les doutes, les silences.


— Je ne sais pas pour toi, mais de mon côté, j’ai pas l’habitude, ça me submerge, et…

— Et quoi, Joséphine ?


Encore son prénom entre ses lèvres, teinté d’impatience, de frustration. D’incompréhension aussi. Ce regard perdu qu’il lançait comme une ligne à la mer, incertain de la finalité.


— Quel est le risque que tu prends, là ? Dis-moi, explique-moi, parce que je te jure que ça m’épuise !

— Je sais pas, avoua-t-elle, ça se bouscule dans ma tête, et…


Et rien. Rien. Absolument plus rien. Il venait de lui couper la parole de ses lèvres plaquées contre les siennes. Ses joues en étau entre deux grandes mains, Joséphine se faisait l’effet d’une ville assiégée. Une cité fortifiée qui se rendait très facilement, d’ailleurs. Puisque si Dorian s’était contenté d’amorcer un baiser, Joséphine le scellait de bonnes grâces. Youhou, les soldats ennemis, venez grimper mes remparts ! Pourtant, Dorian se déroba, étirant son cou juste assez pour attraper son regard.


— Pardon, mais c’est toi qui m’a dit qu’il fallait surtout pas te laisser réfléchir, se défendit-il dans un souffle contre sa bouche.

— Boucle-la, et continue !


Et il ne se fit pas prier pour s’exécuter. Oui, elle lui avait reproché de l’avoir laissé respirer, de lui avoir offert trop de temps pour réfléchir, et se félicitait de ces accusations injustes formulées sous le coup de la colère. Contre sa bouche, elle oubliait ses doutes et ses appréhensions. Son cerveau se vidait pour ne plus s’emplir que de lui. Ses mains, ses lèvres, son parfum, son goût. La voracité de ce baiser auquel elle ne s’arrachait que pour espérer reprendre son souffle, ne faisait que gagner en intensité.


Contre la rambarde, Joséphine se cambrait pour mieux accoler son bassin au sien. Elle n’avait que faire du vide et de l’eau en contrebas, seul importait ce désir en elle, ce désir qu’elle sentait se former, s’imposer entre leurs deux corps. Le manteau avait glissé de ses épaules, mais elle n’avait plus froid. Les frissons n’étaient plus que le résultat de cette bouche incendiaire qui parcourait son cou, sa gorge, la naissance d’un sein. Haletante, elle s’abandonnait en même temps que la raison, oubliant où elle se trouvait et pourquoi, et ses doigts accrochèrent l’attache d’une ceinture de cuir.


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10 commentaires

WildFlower

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Il y a un an

Oula Oula ça part loin là ! Ah oui je vois venir le piment 😏

Marion_B

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Il y a un an

caliente
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