Ophélie Jaëger L'albatros 25. Agence (2/3).

25. Agence (2/3).

Maxence avait retrouvé le sourire. Et vie aussi. Au sortir de son immobilisme, il contourna son trop grand bureau et planta sa grande paume dans le dos du danseur en une claque retentissante. Dorian accusa un pas en avant et le fusilla du regard.


— Je vous laisse, vous avez des choses à vous dire, annonça l’agent.


Sans même leur laisser le temps de riposter ou même répondre, il avait tourné les talons, et refermait la porte derrière lui. A clef. A clef ?! C’était quoi ce délire ? Il n’y avait pas que sur l’honnêteté qu’il prenait des libertés. Le consentement aussi. Joséphine aurait souhaité aller tambouriner contre la porte, hurler, insulter aussi, mais le corps inutile du danseur lui bloquait le passage. Inutile car immobile au sein de ce bureau devenu prison. Il subissait sans mot dire. Et ça aussi, ça agaçait Joe. Cela lui affutait les nerfs, lui donnait des envies de report de violence sur lui et non plus sur la porte.


— Bouge ! Fais quelque chose ! ordonnait-elle d’ailleurs.


Premiers mots qu’elle lui offrait en vingt-quatre heures, et ses mâchoires crispées, ses poings serrés annonçaient un dialogue tumultueux. Plus la tempête dévastait l’ambre d’un regard, plus le calme séculaire se répandait sur l’azur de l’autre.


— Le verre est sécurisé, la fenêtre est au quatrième étage, et par expérience, Maxence se lasse vite, énonça-t-il en s’approchant.


Le mouvement de recul que Joséphine accusa interrompit les pas du danseur. D’un bras qui s’étire, il attrapa le dossier du fauteuil le plus proche et l’attira à lui, l’éloignant d’autant de celui près duquel Joséphine se trouvait. Une distance de sécurité qu’elle n’était pas sûre d’apprécier. Elle avait reculé, certes, mais elle ne l’avait pas fait intentionnellement. La situation la mettait mal à l’aise. Le lieu clos emmêlait son système nerveux. Son corps et son cerveau ne communiquaient plus. Le bureau était vaste, les ouvertures étaient légions mais de se savoir enfermée… Elle n’avait plus conscience de la porte et de la fenêtre, seulement des murs, du sol, du plafond. Un cube dont elle ne pouvait plus s’extraire à loisir. Les yeux clos, elle se laissa retomber sur l’assise du fauteuil et s’exhorta au calme. Inspirer. Expirer.


— Tu veux que j’ouvre la fenêtre ?


La voix s’infiltra de son oreille jusqu’au tumulte sous son crâne, elle trouva un chemin jusqu’à la zone en friche, et permit à Joséphine de faire péter une face du cube. Oui, elle avait cette option. Ouvrir la fenêtre était possible.


— Non, il fait moins quarante.


Mais au besoin, c’était une éventualité. Suffisamment recevable pour que son esprit s’apaise et qu’elle rouvre les yeux. Foutue claustrophobie.


— Qu’est-ce que tu fais là ? demanda-t-elle en se massant les tempes. Je te pensais à Brest jusqu’à demain.

— J’ai écourté, répondit-il depuis son fauteuil à bonne distance.

— Pourquoi ?

— Pourquoi pas ?


Comme en plein western, quelques secondes avant de dégainer, les deux regards s’affrontaient, se défiaient. Qui de Dorian ou Joséphine sortirait son arme en premier. Qui viserait la tête ? Qui viserait le cœur ?


— Et là, dans ce bureau, tu y fais quoi ? retira-t-elle le cran de sécurité.

— Maxence m’a demandé de passer pour discuter d’un truc. Tu dois être le truc.


Il n’avait pas dégainé, mais ça faisait quand même mal.


— Mais quel connard ! tempêta-t-elle brusquement.

— Je sais, répondit-il de manière spontanée avant de marquer une légère hésitation : Attends, tu parles de qui ?

— Maxence. Toi t’es un crétin, c’est différent, bien que tout aussi irritant.

— Et toi une trouillarde.


Plaît-il ? Joséphine l’imagina arborer le désormais très usuel sourire en coin, mais en relevant les yeux constata qu’il n’en était rien. Dorian était très sérieux. Trop sérieux. Était-il vexé ? Était-il blessé ? C’était la meilleure !


— Trouillarde de quoi ?

— Quelqu’un qui prend la fuite à la moindre petite contrariété, t’appelles ça comment, toi ?

— La moindre petite contrariété ? répéta-t-elle en s’étouffant. Tu m’as menti ! Tu t’es foutu de moi ! T’as manigancé dans mon dos, putain !

— Alors… commença-t-il très calmement. Premièrement, non. Deuxièmement, absolument pas. Et troisièmement, hein ?


Il avait élevé ses doigts au fur et à mesure qu’il énumérait ses points.


— Elle m’a demandé de ne rien te dire, poursuivit-il, et à ce moment-là, je n’y voyais aucun problème. Et puis, c’était pas à moi de te le dire.

— Mais Dorian, on parle pas de la postière ou du banquier qu’on aurait en commun. C’est pas juste une coïncidence rigolote. On parle de ma grand-mère et de ce qui s’apparente pour toi à… à quoi ? Une mère ? Une tante ?

— Une grand-mère aussi, je dirais.

— Génial, ce qui fait de nous des cousins germains !


L’éclat de rire qu’il laissa échapper sonnait faux. Il soulignait la bêtise de son propos sans s’en amuser pour autant.


— Si tu veux, dit-il dans un haussement d’épaules.

— Non, bien sûr que non, c’est pas ce que je veux, s’emporta-t-elle face à son stoïcisme des plus agaçants.

— Tu veux quoi, alors ?


Et cette fois, le sourire en coin refit bel et bien son apparition, colonisant ses lèvres et le regard qu’il dardait sur elle. Non, mais le culot ! Le culot de ce type ! Joe sentit ses joues chauffer, ses oreilles brûler, et ses nerfs s’emmêler plus encore. La colère, oui la colère à n’en pas douter. Certainement pas ces deux pics à glace qui lui échauffait la peau, non, non. Car le message sous-jacent, la véritable question planquée sous cette tournure anodine et généraliste, était clair. Trop clair.


— Tu ne vas pas t’y mettre, hein ! s’énerva-t-elle alors. Je ne veux rien du tout, ou plutôt si, je veux rompre ce foutu contrat, voilà !

— C’est bien ce que je disais : trouillarde, triompha-t-il en un sourire éclatant.


Joséphine avait envie de lui boxer sa jolie petite face à l’expression trop sûr de lui. Elle regrettait presque le Dorian vexé ou blessé d’il y avait quelques instants. D’ordinaire c’était elle qui obtenait le dernier mot. Depuis quand Dorian menait-il la danse ? Oh, joli ! Merci. En même temps, c’est son métier. Pas faux.


— Oh, s’il te plaît, tu ne veux pas de cette bio. Fais pas comme si ça ne te réjouissait pas d’être venu à bout de ta septième prête plume !


Et à moins que Jules ou Gustave ne se mettent à l’écriture, aucune chance que le ou la suivante n’ait l’avantage du patronyme. Les probabilités qu’une autobiographie de Dorian Jézéquel voie le jour tombaient dans le négatif.


— Pas cette fois, la prit-il au dépourvu.


A tel point qu’elle en demeura interdite un instant. Comme dans un appel visio au signal hésitant, elle freezait dans un arrêt sur image externe et interne. Dans son cerveau plus rien d’autre qu’un point d’interrogation géant qui tambourinait à tous les recoins de son crâne afin d’en trouver la sortie.


— Pardon ? articula-t-elle péniblement, tu te fous de moi ?

— Non, j’aimais bien l’idée, cette fois.


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31 commentaires

Gottesmann Pascal

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Il y a un an

J'aime bien cette explication à coeur ouvert. Il faut que les choses soient dites. J'espère que Dorian saura rassurer Joséphine.

Marion_B

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Il y a un an

Il aimait bien l'idée....une avancée de Fou!!! Je me demande ce qu'elle va répondre à ça ???

Laure-Thonon

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Il y a un an

😊

Jenn Bl Writes

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Il y a un an

💕

Mayana Mayana

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Il y a un an

Soutien 💕

Laryna

-

Il y a un an

🫶

Emeline Guezel

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Il y a un an

Soutien de like 🥰 n'hésite pas à passer m'aider si le cœur t'en dis 🫶
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