Fyctia
7. Balai (2/2).
Sans plus lui accorder la moindre attention, il traversa la cour, dépassa la jeune femme, et s’entretint un instant avec celui qu’il appelait « Monsieur Patrick ». En le voyant reprendre ses foulées en direction de la porte cochère, Joe réalisa qu’elle allait devoir briefer son cerveau afin qu’il cesse de se mettre sur pause de la sorte. Cet homme était insupportable, certes, mais pas au point qu’elle en perde son objectif de vue. Aussi s’empressa-t-elle de remettre balai et gobelet de café entre les mains du gardien, et pressa le pas à sa suite.
— Comment faites-vous pour entrer partout de la sorte ? l’invectiva-t-il en lui maintenant, malgré tout, la porte ouverte.
— Un magicien ne révèle jamais ses secrets, répondit-elle en le dépassant.
Elle n’aurait su dire si le regard qu’il lui lança était amusé ou agacé, mais il s’agissait certainement d’un subtil mélange. Puis il se détourna et, les mains dans les poches de son jean, alla se poster sur le bord du trottoir. Sans trop savoir pourquoi, Joséphine l’imita, jusque dans la position et les mains fourrées dans le jean. S’il regardait à droite, Joe sondait l’avenue sur la gauche, observant le trafic qui semblait se mettre en branle à mesure que la matinée avançait.
Une minute s’étira pour en former deux, puis trois. La jeune femme commença à se balancer d’avant en arrière, comme pour tromper l’ennui et le froid de cette fin novembre. Puis, n’y tenant plus :
— On attend quoi ? demanda-t-elle dans un chuchotement digne de « 6ème sens ».
— Vous, je ne sais pas, lui répondit-il. Mais moi, j’attendais ça !
Un sourire satisfait aux lèvres, il lorgna la moto biplace qui s’immobilisa à quelques centimètres d’eux. Joséphine recula légèrement. Dorian s’avança. Sans un mot, le chauffeur lui tendit un casque, qu’il s’empressa d’enfiler sur ses mèches brunes en bataille. Puis il enfourcha le bolide, et Joséphine percuta enfin : un taxi-moto. Il n’avait jamais été question de métro où elle aurait pu le suivre, encore moins d’une petite marche sportive dans les beaux quartiers. Raison pour laquelle il s’était montré si peu irrité, il savait depuis le début qu’il aurait la satisfaction de la laisser sur le carreau. Comme une cruche. Il se fendit même d’un petit clin d’œil et d’un signe de main avant de faire claquer sa visière. Puis le bolide redémarra dans un vrombissement qu’elle trouva tout aussi provocateur que l’insupportable crétin qu’il transportait.
Les deux majeurs brandis vers l’engin qui se faufilait entre les voitures, Joséphine s’obligea à réfléchir. Vite et bien. Un instant, elle envisagea le touk-touk tout en néon et musique criarde et se vit sauter dedans en hurlant « suivez cette moto ! », mais chassa rapidement cette idée. Elle n’était pas dans un film, ou alors ce film était sacrément raté. Alors, elle lorgna l’adresse indiquée dans la prochaine case de l’emploi du temps, et tira son pass navigo de la poche arrière de son jean.
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Mllecycy
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Il y a un an
Ophélie Jaëger
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Il y a un an
clecle
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Il y a un an
Ophélie Jaëger
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Il y a un an
Gottesmann Pascal
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Il y a un an
Ophélie Jaëger
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Il y a un an
Marion_B
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Il y a un an
Ophélie Jaëger
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Il y a un an
Carl K. Lawson
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Il y a un an