Fyctia
Effet boule de neige
Samedi 18 novembre 2017
20h54
100 euros.
J'ai lâché 100€ au serveur pour qu'il ramasse le bordel que j'ai laissé et qu'il se la ferme. La paix est une chose onéreuse mais je n'avais pas le temps de discuter pognon. Je devais rattraper Franc qui était en train de passer ses nerfs sur un pauvre voiturier au visage poupin.
-Vous ne savez pas conduire ?! Regardez-moi la taille de cette rayure !
Encore une histoire de rayure, décidément, cette voiture est maudite. Je me précipite vers Franc pour tenter de calmer le jeu.
-Chéri, ce n'est pas grave...on y va.
Je monte plus vite que le vent dans le Range en priant le ciel de m'épargner une scène de ménage supplémentaire. Franc arrache les clés des mains du voiturier et démarre la voiture en trombe. J'ai l'impression d'être dans le dernier "Fast and Furious ". Mon mari emprunte comme un fou les quais de la Souys.
-Tout est de ta faute, Lola, maugrée-t-il.
Comment ? Depuis ce matin, je m'échine à faire des efforts pour lui et c'est encore de ma faute ?
-Tu ne peux pas me dire ça, Franc ! Guillaume était là par hasard !
-Et c'est "par hasard" qu'il te drague et te reluque sous mes yeux ?! Tu ne m'as même pas presenté ! Avoue-le, Lola, ce mec te fait mouiller ta petite culotte !
Silence.
J'essaie de me concentrer sur la route mais c'est impossible. Je parviens tout de même à distinguer les mouvements de Franc qui s'évertue à vouloir me regarder moi et la route en même temps. La jalousie de mon mari est légitime mais il est hors de question que je le lui avoue.
-Tu deviens vulgaire, Franc !
Il soupire.
-Ce mec est arrivé dans ta vie en même temps que l'écriture ! Je t'observais minauder et lancer des œillades à ce connard de Lorno !
-C'est Lorna, Franc...
Nous nous arrêtons à un feu rouge. Le quartier, en cette nuit d'hiver, est complètement désert.
-Je m'en fous ! Ce mec et ta folie de l'écriture sont liés ! L'un ne va pas sans l'autre ! Alors, je te le demande, tu choisis maintenant: c'est moi ou ce mec et ton écriture à la con !
Silence.
Je ne peux tout simplement pas garantir à Franc que je n'écrive plus de ma vie. C'est un choix impossible et d'ailleurs...comment ose t-il me le demander ?
-Tu ne peux pas me demander ça, Franc ! Non, non, non ! Tu ne peux pas me demander ça ! Comment oses-tu ?!
Je hurle. Franc est devenu un homme froid et égoïste. L'air à l'intérieur de l'habitacle du Range devient, tout-à-coup, irrespirable. J'ai besoin d'air. Maintenant. J'ouvre la portière du Range et j'en descends rapidement. Franc abaisse la vitre passager et tente de me raisonner.
-Lola, arrête tes conneries ! Remonte s'il te plaît...
-FOUS-MOI LA PAIX ! hurlé-je, la bave aux lèvres tant la colère m'anime.
-Très bien ! crache t-il.
Et Franc redémarre le Range en un crissement de pneus. Je l'observe continuer sa route et disparaître dans la nuit.
Merdeeeee ! Je suis en talons hauts et robe moulante au bord d'un boulevard désert. J'ai connu mieux comme situation. J'inspecte mon portable: écran noir. Je ne l'ai pas chargé à cause du deal. J'inspecte les alentours: tout est sombre et lugubre et les 5 degrés de novembre ne font qu'accroître mes craintes. Je ne suis pas trop loin du restaurant heureusement, je leur demanderai de me permettre de téléphoner à un taxi que je paierai en arrivant à la maison. Je n'ai même pas un euro sur moi. Ce connard de serveur m'a plumée et j'ai laissé ma CB à la maison.
Lorna, si je te tiens, je te tue !
Je longe les quais de la Souys en passant par le parc aux angéliques. Les guirlandes électriques qui éclairent l'allée centrale donnent un air de guinguette à cette promenade dans laquelle je n'avais jamais mis les pieds. En parlant de pieds, mes escarpins Louboutin ne sont décidément pas faits pour la marche. Qu'est-ce qui m'a pris de sortir du Range ? Mais tout cela, c'est à cause de Lorna. Si je le tenais...
-Tu es encore là, ma princesse ?
Une voix sortie de l'ombre stoppe net ma déambulation maladroite. J'essaie de voir qui me parle mais je n'arrive qu'à distinguer une ombre noire, assise sur un banc. La seule source de lumière vient de sa cigarette. Je me mets à trembler. Que me veut ce mec ? Voyant que je ne lui réponds pas, l'ombre se lève, écrase son mégot sur le sol et s'approche de moi. Merde...Si ce mec veut quoi que ce soit, il recevra un coup de talon aiguille dans ses attributs masculins ! La forme sombre approche encore, sort des ténèbres et arrive enfin sous la lumière douce des guirlandes. Des yeux turquoise me scrutent, l'air amusé.
Lorna !
Je resté clouée sur place, incapable de manifester la moindre réaction. Qu'est-ce qu'il fout encore là ?
-Ferme la bouche, ma belle ! dit-il en m'administrant une légère chiquenaude sur la joue.
-Lo...Lorna ? Qu'est-ce que tu fais encore là ?
-Et bien, j'ai pique-niqué à la belle étoile ! Figure-toi que Bordeaux, de nuit, est une ville magnifique ! Et du coup, après mon repas, je suis resté sur le banc à écrire mes impressions et mes sentiments.
Lorna écrit lui aussi ? Je ne m'attendais pas à cette nouvelle. Ça ne colle tellement pas à son personnage "haut en couleur".
-Tu ne le fais pas ? Écrire sur l'instant ce que tu penses ? Coucher sur le papier ton ressenti, tes impressions ?
Je baisse la tête, les larmes aux yeux. Bien sûr que si je le fais, enfin, je le faisais jusqu'à ce que j'accepte ce deal à la con.
Guillaume se rapproche de moi et me force à le regarder en me levant le menton. Je suis plongée dans l'océan turquoise de ses yeux dont les pupilles sont dilatées par l'obscurité. Mon cœur bat plus vite. Pourquoi cet homme est-il si beau ?
Il s'approche encore un peu plus, si près que je me retrouve bientôt enveloppée par son parfum musqué mélé à une vague odeur de tabac. Il soupire et me sourit avant de me chuchoter:
-Viens raconter tes angoisses à monsieur Papier... Tu as l'air d'en avoir besoin.
-Qu'est-ce que tu dis ? soufflé-je, les yeux fermés.
Attendez, j'ai fermé les yeux ? À quel moment ?
Lorna se mord les lèvres avant de me faire défaillir d'un sourire à l'étoile. Il éclate de rire.
-Je dis, ma belle Gigi, que la soirée à l'air d'être à chier pour toi ! Alors je te le dis, quand rien ne va dans ta vie, écris. J'ai un stylo et du papier, si tu veux. Cela m'étonne qu'une grande romancière comme toi se balade sans les deux indispensables d'une vie !
Lorna s'avance vers un banc placé sous les guirlandes. Il monte dessus et s'assoit sur le dossier en sortant de son manteau un bloc note et un stylo. Il s'arrête un instant pour me dévisager. En effet, je reste plantée là, incapable du moindre mouvement.
-Eh bien ? Tu viens ?
Lorna ne se rend pas compte qu'il me demande une chose impensable. Il me demande de retoucher à une drogue dure en pleine période de désintoxication.
Il me demande de renouer avec mon meilleur ennemi: le démon de l'écriture.
---> Un grand merci à mes lecteurs !❤️Pensée particulière à IsaLawyers, Jurahel, Claire M Oziamski, Marjy, Maloria, Amanda Cat, Liaflandes Cindy.C❤️
23 commentaires
Morganou
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Il y a 8 ans
Mogadarr (Mo Gadarr)
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Il y a 8 ans
liaflandes
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Il y a 8 ans
Mogadarr (Mo Gadarr)
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HazeMan
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Fernandita
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Mogadarr (Mo Gadarr)
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Maloria
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Amanda Cat
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Mogadarr (Mo Gadarr)
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Il y a 8 ans