VirginieG La Source et La Flamme Une croix n'a jamais indiqué 2

Une croix n'a jamais indiqué 2

Cette fontaine, que nous avions surnommée la source aux songes, était profondément liée à notre vie actuelle, à la présence de Sam à mes côtés, à la naissance d'Ella.

Trois ans auparavant, un après-midi, j'avais entendu d'étranges chants en taillant les noisetiers au fond du jardin. J'ai donc pris la décision de faire appel à Samuel. Depuis nos études, nous savions que nous avions tous deux des perceptions extra-sensorielles. Lui voyait. Moi, j'entendais et je sentais dans mon corps. Il avait continué à cultiver ce qu'il considérait comme un don, d'initiation en initiation dans différentes voies spirituelles. Moi, je tentais de mettre ces ressentis sous le boisseau. De ne pas sentir. De passer à autre chose, de penser à autre chose chaque fois que ces phénomènes se présentaient. Non que je le vive comme une quelconque malédiction, juste comme un poids dont je ne savais trop que faire, comment je pouvais m'en servir.


Sam avait donc passé quelques jours à l'Aube, cette maison d'hôte récemment ouverte dans cette fermette au bord de la Vézère, dans ce qu'on appelle « La Vallée de l'Homme » tant son occupation humaine est ancienne. Peintures rupestres et sites mégalithiques y sont courants. M'apprenant à utiliser ce don, à rechercher son origine, il m'avait aussi aidée à déterrer un bassin qui se trouvait sous ma prairie, derrière le tertre aux Trois-Chênes. Suivant les méandres de mémoires très anciennes, nous avions alors découvert que bien des vies avant celle-ci, nous étions des prêtres-oracles. Que nous avions déjà vécu dans cet endroit. Utilisant son savoir-faire d'archéologue, il avait mis au jour, donc, ce qui avait été des siècles auparavant – combien, nous l'ignorions – une fontaine qui servait aux visions dans un sanctuaire dédié à la Terre-mère, aux deux pôles, soleil et lune.


Nous avions aussi découvert que ces nombreuses vies nous ramenaient sans cesse l'un à l'autre. Comme cette vie-ci nous avait sans cesse ramenés l'un à l'autre. Et nous avions fait finalement le pari de suivre ce chemin commun dont nous nous étions si souvent écartés. Ces chemins. Celui du couple, et celui du don. Certes ce n'était pas la voie la plus facile. Si je devais apprivoiser visions et ressentis, Samuel devait apprendre à les vivre avec plus de légèreté, d'humilité. Comme une part de lui-même, pas comme une charge qui lui conférait une supériorité. Une responsabilité, peut-être. Une supériorité, jamais.


Cela non plus n'était pas des plus évidents. Il avait renoncé à sa fonction de chargé de cours à l'Université pour venir vivre ici. Il animait des stages de méditation (en plus de ceux de boulangerie historique avec la mari de ma meilleure amie) et grande était la tentation de se la jouer un peu gourou, maître spirituel auprès des dames en mal d'attention qui soupiraient devant ses yeux d'un brun-noir auquel le soleil donnait parfois des reflets presque rougeoyants, si doux, remplis de rêves.

Plus d'une d'ailleurs avait tenté sa chance, trouvant impensable que ce maître se soit apparié avec cette créature indigne – moi – qui méditait si peu, riait à gorge déployée, aimait la vie, le vin, terriblement terrienne et charnelle. Duelle. Et même pas végétarienne ! Grande était leur déception quand elles apprenaient que non seulement, il m'aimait, mais m'avait fait un enfant et me considérait, lui, comme celle qui lui enseignait la simplicité et l'ancrage à la terre.


— La voie d’Élisabeth, c'est celle du barde. Elle offre la beauté autour d'elle. Elle rend le monde plus beau par sa présence, sa joie, son amour des gens. Plutôt que de juger, mesdames, observez. Cherchez en vous ce qui vous dérange. C'est peut-être quelque chose qui vous manque. Ou quelque chose que vous n'osez pas montrer.


Le jour où je l'avais entendu prononcer ces mots, alors que je venais prévenir que le repas – végétarien, je m'adapte – était servi sous l'auvent, j'avais dû me cacher quelques minutes pour pleurer. Oh, de bonheur ! Bien entendu Sam n'était pas avare de compliments et de mots tendres à mon égard. Mais là, c'était autre chose. C'était dire à ces femmes qui se pensaient plus dignes de lui que moi qu'elles se trompaient. Voire qu'elles avaient à prendre de la graine de ma façon d'être. Quels changements en lui en quelques mois, lui qui avait été si longtemps en recherche de ce que j'appelle la Femme-Trophée. La compagne à montrer à tous, celle qui est la preuve de ta réussite dans les codes du milieu que tu fréquentes. Après son divorce, il avait ainsi papillonné de l'étudiante prometteuse à la prof de yoga en passant par la collègue rencontrée en colloque de céramologie.


Et puis les prêtresses de la source avaient chanté dans le vent. Et cet amour plus vieux sans doute que le temps lui-même avait repris son cours. Nous avions mélangé nos vies, inventé de nouvelles façons d'exister. Et mis au monde cette petite merveille, aussi brune que son père. Ella, ce qui signifie en grec ancien « éclat du soleil » ou en germanique « entière », Rhiannon, en hommage à la déesse de la lune et des poètes des légendes galloises, Guenièvre, parce que le cycle arthurien.


Il s'agissait maintenant de réorganiser la maison pour que nos différentes activités puissent s'articuler avec plus de fluidité. C'était important pour moi de garder chacun son espace puisque nous avions des besoins différents pour travailler. Pour ne pas nous marcher sur les pieds, ni avoir de motifs d'irritation l'un envers l'autre. Pour, somme toute, que tout moment ensemble ait comme un goût de joie, de retrouvailles. Mêmes si nous n'avions été séparés que quelques heures, éloignés que de quelques mètres.

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19 commentaires

Véronique Rivat

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Il y a 5 ans

Tu rentres dans le vif du sujet sans prendre de gants ! Mais ça passe !

VirginieG

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Il y a 5 ans

En fait, c'est la suite des Chants de la Source aux Songes (présenté au concours Sorcière :D )

Véronique Rivat

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Il y a 5 ans

Ah ok ! Je ne l'ai pas lu mais ça ne me gêne pas !

Phaenna SH.

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Il y a 5 ans

Hello, alors le fait de parler du surnaturel maintenant est un peu soudain, peut être expliquer un peu à ton premier chapitre. J'aime bien les explications, c'est bien écrit, les émotions sont là. Il y a des répétitions, mais c'est pas bien grave ;)

Birdie

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Il y a 5 ans

Bel univers j'aime beaucoup 😉

Carazachiel

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Il y a 5 ans

L'incursion du surnaturel est très douce, mais peut-être un peu brutale. Peut-être qu'en faire allusion deans le premier chapitre passerait mieux ?

VirginieG

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Il y a 5 ans

En fait, le mieux c'est de lire Les Chants de la Source aux Songes :D C'est la suite de l'histoire que j'avais présentée au concours "Sorcières". (45ème place, mais je crois à mon histoire, je continue). Et plus j'y réfélchis, plus j'ai envie d'éditer les deux histoires en une, mais avec deux époques . Faut que je me dépèche, 45 ans, je deviens vieille :D

Carazachiel

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Il y a 5 ans

Ha oui si c'est un tome 2 en effet... 45 ans c'ezt tout jeune encore !!!

Madame Split

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Il y a 5 ans

Marrant, ma fille aînée s'appelle Nell, ce qui signifie aussi "éclat du soleil". Et si je ne l'avais pas nommée Nell, c'était Nicole, ou Ella🤔

Sand Canavaggia

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Il y a 5 ans

De belles explications "divines" je peux le dire où une belle rencontre donne naissance à une fillette béni...Un plaisir de lire pour moi...
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